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Une bonne histoire peut être racontée à l’infinie. Prenez Pinocchio par exemple. En trois ans, nous avons eu trois versions du film : celle de Matteo Garrone, le remake live du classique de Disney porté comme il le pouvait pas Robert Zemeckis. Et désormais la version de Guillermo del Toro, un projet de longue date puisque nous vous en parlions il y a plus de dix ans.
Nous sommes non pas dans un monde un peu fantastique où les animaux parlent aisément mais en Italie alors dirigée par le dictateur fasciste Benito Mussolini. Gepetto fabrique des objets en bois avec l’aide de son fils. Mais, lorsque l’église dans laquelle ils travaillaient est bombardée, le jeune garçon décède. Ivre de douleur, le menuisier décide de le remplacer par un pantin de bois, qui finira par prendre vie. Mais dans un pays dirigé par des fascistes, pas question de se la couler douce. Il faut aller à l’école, voire à l’armée. Pinocchio va donc se faire manipuler et son père va partir à sa recherche.
On spoile un peu mais le contexte historique a une grande importance dans le film. Pinocchio version Del Toro est, à l’instar du Labyrinthe de Pan, un audacieux mélange de magie et de réalité. Certains actes des personnages sont justifiés par l’Histoire, quand d’autres paraissent tout simplement plus réalistes que dans certaines adaptations plus fantaisistes vues par le passé. Ca fonctionne, d’autant que Del Toro crée pour l’occasion un personnage impressionnant de cruauté, porté par Christoph Waltz.
En chamboulant, un peu mais pas trop, l’histoire d’origine, De Toro livre un film personnel sur la relation entre un père et son fils, sur ces moments passés ensemble dont on n’a pas profité, sur les mots qu’on ne s’est pas dit assez vite. C’est d’autant plus poignant qu’on sait que, en pleine promo, le réalisateur a perdu sa maman. Un évènement personnel pour le metteur en scène qui résonne encore plus quand on découvre le long-métrage, et qui touche forcément tout ceux qui sont entourés par la mort.
Vous aurez remarqué qu’on n’a pas dit un mot sur la technique depuis le début de cette chronique. Et pour cause, elle est tellement éblouissante qu’on a fini par l’oublier. Quand on regarde un film en stop motion façon Aardman (surtout) ou Laika (un peu), on a toujours une part de notre perception qui s’intéresse à la technique. On s’arrête sur les miniatures, les mouvements, les effets. En réunissant les meilleurs talents pour son long métrage, Del Toro repousse les limites du medium sans lâcher son histoire. On se fait emporter par le récit (et même si quelques très rares passages en CGI piquent un peu), sublimé par la mise en scène.
Pinocchio est un film somme dans lequel Guillermo del Toro reprend ses obsessions. On y retrouve pèle mêle sa passion pour les erreurs volontaires dans l’animation, la guerre, les monstres qui n’en sont pas ou encore les créatures avec des yeux partout. Il en ressort forcément une petite impression de déjà-vu, ce qui n’empêche pas le résultat d’être l’un des grands films de cette fin d’année.
Pinocchio, de Guillermo del Toro – Sur Netflix le 9 décembre 2022