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Critique : Parker
On aime Jason Statham quand il s’offre des roles bourrins dans des films d’actions idiots qu’on prend un certain plaisir coupable à regarder. On pourrait en citer quelques uns mais la liste est longue tant le bonhomme est un boulimique de tournage.
Le film qui nous intéresse aujourd’hui faisait, lui, partie des projets du comédien qui nous inquiétait un peu. En effet, vous connaissez forcément Parker que ça soit via l’interprétation de Mel Gibson dans Payback, les romans originaux de Donald Westlake ou la sublime et indispensable bande dessinée de Darwyn Cooke.
Le matériel d’origine était donc plus sensible que d’habitude et on avait peur de se retrouver avec un Statham comme un autre noyé dans la masse.
Mais le réalisateur Taylor Hackford a-t-il le talent nécessaire pour faire quelque chose de respectueux ?
Toute adaptation cinématographique se confronte au problème des droits d’auteur lors des derniers préparatifs administratifs. Pour s’en sortir, Hollywood aime à opérer des changements de noms pour les personnages et autres éléments directement liés à l’œuvre originale, afin d’en garder le déroulement et le contenu sans passer des siècles à se prendre la tête avec de la paperasse.
Ainsi, nous avions déjà vu des adaptations des aventures de Parker, héros le plus important de l’écrivain Donald E. Westlake, que certains connaissent sous le pseudonyme de Richard Stark.
Le premier roman The Hunter a été porté sur grand écran à plusieurs reprises : vous connaissez peut être le Point Blank de John Boorman (dans lequel Parker s’appelle Walker !) ou Payback avec Mel Gibson, qui porte le nom de Porter. Les deux films précités n’étant pas tombés dans les oubliettes parce qu’excellents, qu’est-ce que peut donc bien apporter cette nouvelle version 2013 avec Jason Statham ? C’est là qu’Hollywood vous répond fièrement : le vrai nom ! C’est sûr, ça risque de tout changer…
Cette arrivée soudaine du nom officiel est due à un sombre évènement qui permet de comprendre le destin quelque peu opportuniste de la production : la mort de Donald E. Westlake en 2008. Récupérant illico les droits de l’œuvre de son mari, Abby Westlake contacta son ami proche et production Les Alexander pour mettre sur pied un nouveau film portant cette fois-çi le nom emblématique de Parker. John McLaughlin arriva au scénario, tout fier d’afficher Black Swan et le récent Hitchcock à son CV, tandis que Taylor Hackford accepta la mise en scène du film.
Taylor Hackford, pour ceux qui ne le remettent pas, est le réalisateur du biopic Ray, de L’Associé du Diable ou encore de L’échange. La légitimité du projet est donc aussi obscure que le casting qui le compose, ce grand bourrin de Jason Statham n’étant pas la première personne à laquelle on pense quand il est question de cette figure massive, marquée et « lourde » qu’est Parker, truand aux règles strictes qui part dans une quête vengeresse après s’être fait doublé par ses collègues lors d’un braquage. Le film se dit d’ailleurs adapté de Flashfire de Westlake quand The Hunter était jusque-là porté sur grand écran, mais la trame étant la même (Parker doublé, Parker se venge !), on avoue qu’on ne fait même pas la différence. Mais alors, Parker avec l’aval de la famille Westlake et des auteurs à caution Oscars derrière, est-ce que ça donne un bon film ? Avant de répondre à cette question, je rappellerais juste qu’il y a Jason Statham au casting.

On pouvait attendre de Taylor Hackford un minimum de sens du rythme dans son récit puisque le monsieur a tout de même produit et réalisé le documentaire Chuck Berry Hail Hail Rock’n Roll en plus de Ray. La musique, donc le rythme, ça devait être son truc, et partant de là, on s’imaginait avec un film plein de panache. Devant le générique plan-plan de la chose et les incrustations des titres en grosses lettres rouges sur des paysages sans grande beauté, il est déjà clair que le film va s’effectuer sans aucun style propre. A vrai dire, sur le plan de la réalisation, c’est même difficile de faire plus aseptisé tant Parker ressemble à un téléfilm M6 dont le luxe réside essentiellement dans ses lieux de tournage. Oui, une partie du film se passe en Floride et on a deux stars au casting (pour peu que vous considériez Jennifer Lopez comme une star) mais le chef opérateur J. Michael Muro a dû recevoir comme ordre de faire une photographie plate, fade et qui n’arrive même pas à rendre attrayante la ville de Miami. Faut le faire dirons certains, et on ne les contredira pas.
Le découpage académique de l’ensemble suit le pas, et on peut surprendre des errements de mise en scène assez dingues lors des quelques séquences d’actions du film, dont une qui se permet de faire un fondu enchainé ultra rapide entre deux plans pour espérer faire croire qu’il s’agit d’un seul et unique mouvement de caméra. Si ça ne fait pas suffisamment amateur pour vous, il reste à voir comment chaque cadre souligne l’action trois heures à l’avance, vous permettant par exemple de deviner d’où et comment va surgir l’ennemi que Statham ne s’attendait pas forcément à accueillir, raide comme un piquet qu’il est en plein milieu de l’image.
On n’est pas non plus dans une foire aux jump-cuts foireux de l’action façon Die Hard 5 et on arrive à cerner à peu près tout ce qui passe, d’autant que le film s’autorise un combat réellement sanglant et bourrin à mi-parcours, permettant à Statham de montrer une fois de plus sa passion pour le défonçage de gueule en règle. Dommage que le tout reste filmé sans passion ni envie.
Enfin, s’il n’y avait que ce problème-là à vrai dire, ce serait le bonheur.
Si vous avez déjà lu du Donald E. Westlake, vu Point Blank & Payback ou si vous avez découvert Parker avec grand bonheur dans son excellente adaptation bande dessinée tenue d’une main de maître par Darwyn Cooke, vous aimez sans doute très fort ce personnage à la classe instantanée et quasi iconique. N’en voulez pas trop à Jason Statham qui reprend son rôle habituel (soit celui du Transporteur à peu de choses près) mais plutôt au scénariste de la chose, qui utilise sans se gêner les poncifs des poncifs du genre pour raconter son petit polar déjà vu un nombre incalculable de fois.
Entre une voix off qui expose lourdement les principes de vie du héros avec ses fameuses règles à ne pas transgresser (tout comme le Transporteur je vous dis) et la part de bonté du personnage que le film surligne sans cesse pour lui donner son image de bandit intransigeant au grand cœur, le tout s’enlise dans les clichés éculés. Là où le Parker original est une silhouette implacable qui se fond dans les ténèbres pour mieux tomber sur son adversaire, Statham alterne les costumes pour passer inaperçu, et laisse perplexe à plusieurs reprises quand on voit le sérieux avec lequel il traverse le film, même quand on lui affuble un costume risible de prêtre avec une moumoute blanche sur la tête.
Il faut dire qu’on l’aime bien notre Jason, et qu’il met toujours du cœur à l’ouvrage, s’affichant sans aucun doute comme le digne action hero de notre génération, toujours cantonné à jouer un peu le même rôle. Manque de bol ce coup-ci, il a vu Parker comme l’occasion de se défouler rapidement au sein d’un polar mou du genou, filmé en mode automatique, et écrit avec un burrin. C’est peu dire que le héros de Donald E. Westlake méritait un traitement tout autre, et lorsque s’affiche « A la mémoire de… » au début du générique de fin, on a plus envie d’injurier les responsables de ce produit inodore qu’autre chose. Taylor Hackford, Abby Westlake & Les Alexander : honte à vous.

Parker aurait dû être un thriller stylisé, malin et aussi burné que classe, mais il est au final un énième rejet hollywoodien torché par des gens qui n’en ont visiblement pas grand-chose à carrer du matériel original et qui l’utilise dans le seul but de donner un minimum de prestige à une œuvre qui ne vaut guère plus d’attention qu’un lendemain de cuite sévère et pluvieux. Si vous voulez vraiment rendre hommage à son auteur d’origine, retournez voir Mel Gibson et Lee Marvin dans les traits du personnage, sans oublier ce qu’en fait Darwyn Cooke sur ses planches en ce moment. Le bel hommage, humble, talentueux et sincère, c’est bel et bien celui là.
Parker – Sortie le 17 avril 2013
Réalisé par Taylor Hackford
Avec Jason Statham, Jennifer Lopez, Michael Chiklis
Parker est le plus audacieux et le plus redoutable des cambrioleurs. Spécialiste des casses réputés impossibles, il exige de ses partenaires une loyauté absolue et le respect scrupuleux du plan. Alors qu’une opération vient de mal tourner à cause d’une négligence, Parker décide qu’il ne travaillera plus jamais pour Melander et son gang. Mais le caïd n’accepte pas l’affront et ses hommes laissent Parker pour mort.
Bien décidé à se venger, Parker remonte la piste du gang jusqu’à Palm Beach. Se faisant passer pour un riche Texan à la recherche d’une luxueuse propriété, il rencontre la séduisante Leslie, un agent immobilier qui connaît les moindres recoins de l’île. Avec l’aide de la jeune femme, Parker découvre que le gang projette de rafler 50 millions de dollars de bijoux. Il monte alors un plan pour s’en emparer. C’est le début d’une opération dont Parker n’avait prévu ni l’ampleur, ni les conséquences…
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par Anthony
On va dire que je titille, mais j’aimerais signaler qu’il ne s’agit pas de Miami dans le film, et qu’aucune scène n’a été tournée là-bas
par GamerMagFrance
Bon c’est pas du grand art, peut être une pale copie de la version avec Gibson mais cela reste un film d’action. Scénario déjà vu. Franchement ça me dérange pas plus que ça PARKER reste le genre de film que je mets pour me détendre , que je survole, ça tire ça tue, j’en attends pas plus.