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Critique : Palo Alto

Après le père et la fille, je demande la petite-fille. La famille Coppola s’agrandit. Pour son premier film, après une tripotée de long-métrages et le making of de Twixt, Gia Coppola passe sur le grand écran.

Pour se faire, elle se base sur un recueil de nouvelles, connectées entre elles, écrit par James Franco.

Reste à savoir si le talent de la famille est vraiment héréditaire.

De nos jours, à Hollywood comme ailleurs, il y a désormais peu de familles dont le nom rime avec cinéma avec une sensation de mythe inébranlable. Les Coppola font partie de ce cercle très fermé. Carmine, Francis Ford, Sofia, Roman (et Nicolas Cage, ne l’oublions pas), tant de figures appartenant à ce même arbre généalogique qui a traversé les dernières décennies avec une résonnance toute particulière. Avec Palo Alto, c’est bien la quatrième génération qui fait aujourd’hui ses premiers pas sur le grand écran. Derrière la caméra, c’est Gia Coppola que nous retrouvons à endosser la responsabilité de faire perdurer la prestigieuse lignée dont elle est issue.

À l’origine, Palo Alto est un ouvrage signé par le polyvalent James Franco. Portant le nom de la ville de son adolescence, ce recueil de nouvelles est inspiré de cette époque, aussi bien mêlée de nostalgie que d’amertume.

Le premier long-métrage de Gia Coppola nous propose donc de s’attaquer au thème rebattu de la fin de l’innocence et du passage à l’âge adulte. Cependant, loin de ce qu’indique le synopsis, Palo Alto ne nous donne pas tant l’impression d’une banlieue chic et d’une jeunesse privilégiée. La réalisatrice se détache très vite des protagonistes usuels des films de sa tante, Sofia étant plus intéressée par les maux d’une catégorie sociale bien plus élevée. Palo Alto ce sont des jeunes comme les autres. Leur normalité et les expériences qu’ils connaissent font que leurs sorts respectifs nous touchent d’autant plus. Au-delà de Teddy, April, Fred et Emily, c’est cette période charnière de la construction de soi qui tient une place importante dans le film. Une période transitoire lente qui est pourtant marquée pour chacun d’entre eux par la brutalité et la soudaineté d’un événement fondateur, souvent provoqué par un élément extérieur, un élément venu tout droit du monde des adultes.

Le premier sera Teddy (Jack Kilmer, le fils de Val qui fait aussi une apparition succincte dans le long-métrage), qui aura un accident de voiture au retour d’une soirée trop arrosée. Un accident qui ressemble plus à un accrochage sans graves conséquences, mais qui ne va pas le laisser s’échapper aux responsabilités qui lui incombent désormais. Au début réticent, ne voyant aucune chance de revenir dans le droit chemin, le jeune homme fini par croire volontiers à sa quête de rédemption au sein de la société adulte qui dit l’attendre à bras ouverts. Pourtant, malgré sa bonne volonté, le moindre écart lui vaut d’être sermonné par ses aînés. Ces derniers pensent avoir cerné un Teddy qui se cherche encore et le ramènent sans cesse à son état d’enfant. Aucun ne voit encore en lui l’adulte responsable que Teddy espère devenir un jour. A contrario, son pote Fred (Nat Wolff), qui lui paraît plus âgé et mature, sera celui qui aura finalement le plus de mal à passer cette transition des autres vers le monde des adultes.

La belle Emma Roberts (nièce de Julia, oui oui…) déploie toute sa fragilité pour incarner le personnage d’April qui elle aussi va devoir grandir à un moment. Pour les filles, la sexualité semble prendre une part conséquente dans le paraître alors que les corps se transforment. La compétition s’établit, entre les rumeurs et les secrets. Étrangement, le film abandonnera sur l’instant l’influence des blogs et des réseaux sociaux. Pour April, la tentation de griller les étapes sera le coach de son équipe de football féminin. Ce bellâtre timide et hésitant en apparence est tenu par James Franco. Il ne faudra pas longtemps pour April de céder aux regards tendres qu’il lui porte à chaque rencontre. De comme un accord, cette idylle doit rester cachée, autant pour la réputation de la jeune fille que du coach sportif. Or, la cruauté des adultes rattrape très vite April. Ce monsieur B. se révèle plus mufle et pervers que prévu concernant ses joueuses de foot qui s’avèrent plus que de simples babysitters occasionnelles. De cette douloureuse épreuve, April se reconstruira comme Teddy.

Invariablement, le montage bâtit dans la durée du long-métrage ce couple qui ne fait que s’éviter sans jamais se rencontrer. Les deux se retrouveront un soir, grandis, sachant quoi faire de leur vie et de leurs sentiments.

Lors de la première fête, tous ces ados fument, picolent sévèrement, jouent aux adultes en testant leurs limites. Mais cela n’empêche pas Teddy, April et Fred de se balader de nuit dans un cimetière, de graver un cœur sur un tronc d’arbre ou s’offrir des bonbons. Du haut de ses 27 ans, Gia Coppola possède une étonnante pudeur pour aborder cet abandon progressif de l’enfance, où les premiers émois sexuels se font dans la chambre des parents ou dans celle d’une petite fille, encore recouverte de papier-peint rose et envahie de peluches. Une sexualité souvent faussée, dont seuls les sentiments naissants arriveront à lui donner un sens. Néanmoins, cette jeunesse n’est pas perdue. Certes, elle semble déboussolée par moment, à l’instar d’April qui ne sait quoi répondre à la conseillère d’orientation quand à son avenir universitaire. Pourtant, quelque chose les tire inexorablement, les élèvent. On mettra sur le dos de l’inexpérience quelques écueils dans la mise en scène, souvent en rapport avec le personnage de Fred (un usage inopiné d’une voix-off explicative ou son inexplicable dérive psychologique dans le dernier acte).

Pour une première réalisation, Gia Coppola fait honneur à son nom. Elle ne s’embourbe jamais dans des choses vues et revues sur le passage à l’âge adulte et signe un Palo Alto assez frais, tout en petites touches subtiles et lumineuses.

Palo Alto – Sortie le 11 Juin 2014
Réalisé par Gia Coppola
Avec James Franco, Emma Roberts, Val Kilmer
Teddy, April, Fred et Emily sont des adolescents livrés à eux-mêmes vivant dans la banlieue chic de Palo Alto en Californie. Ils ont soif de sensations fortes et découvrent l’alcool, les drogues et le sexe…

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