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Critique : Orpheline

Quatre ans après Michael Kohlhaas, Arnaud des Pallières revient derrière la caméra délaissant Mads Mikkelsen et le 16e siècle pour retracer le parcours d’une femme incarné par quatre comédiennes : Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot et Vega Cuzytek.

Un sujet qui n’est pas totalement sans rappeler Brimstone actuellement en salles, un autre film sur un parcours féminin mis en scène par un homme…

LA CRITIQUE

L’histoire en quelques mots. La vie, à rebours, de Karine, 27 ans, un beau jour arrêtée par la police. Nous découvrons son histoire, jeune adulte, adolescente puis enfant. Nous y verrons qu’elle est complice d’un vol – 30 000 euros, que c’est une adolescente battue par son père, qu’elle couche très tôt avec des hommes. Le destin tragique d’une figure féminine perdue, à la recherche d’un refuge, qu’elle trouve dans les bras d’hommes – souvent plus âgés. A la suite de la projection, nous apprendrons que cette sombre destinée est essentiellement biographique – tout, mis à part le vol de 30 000 euros. Les actrices Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos et Solène Rigot sont dans la retenue, sans arrêt, au niveau des mots, des émotions et paradoxalement sont débordantes de sexualité. Et puis, il y a la plus jeune, Karine enfant, jouée par la petite Véga Cuzytek, dont les grands yeux bleus teintés d’innocence pure sauve le film un court instant de cette surdose de violence, à la limite du soutenable.

Lorsque l’on regarde un film, nos yeux ne sont pas seuls spectateurs. Notre corps, nos sensations, nos sensibilités, nos sens sont tous mis à contribution. Alors chacun découvre une histoire, avec en son cœur, la sienne. Arnaud des Pallières, le réalisateur, partage cette idée. Il prononcera, en sortie de projection, une phrase à l’écho dramatique : « la violence d’un monde, construit par les hommes, pour les hommes. » L’on pourrait accorder à ce film les mêmes mots : la violence d’un film, construit par un homme, pour un homme.

La femme dans Orpheline est filmée de manière crue, torride, certains utiliseront le terme de sensualité, d’autres de sulfureux. La manière de filmer un corps au cinéma est un sujet intéressant. Ici seulement, ces seins, ces tétons, tantôt malaxés, tantôt léchés, le tout en plein écran, en gros plans sans subtilité aucune, parfois sans but cinématographique, désarme et chagrine. Dans le sens où, ces scènes omniprésentes ne font pas avancer l’intrigue, ne poursuivent aucune avancée psychologique du personnage, n’en confient aucun secret et ne sont, – et c’est ici un avis purement personnel, pas esthétique. C’est grossier et vulgaire. C’est d’ailleurs agaçant, car, l’histoire en elle-même est absolument bouleversante. Ce qu’il est dit de la société dans laquelle nous vivons est fort, très fort. Nous aurions pu sortir de cette projection avec une boule dans le ventre, celle du bouleversement, de la compassion, de la colère due à la brutalité de ce décevant monde. Malheureusement, cette surdose de chair féminine ne provoque qu’une boule de rage. De rage face à cette histoire, ce destin absolument époustouflant, mais surtout de rage face au traitement narratif de cette dernière. Le plus dommage étant que, ce que le réalisateur veut dénoncer, est un concept qu’ici, il utilise.

La pudeur peut être synonyme de désir incomparable, d’esthétisme pur. Un zeste de ce grand mot aurait pu réconforter. Ne jouons pas les prudes, nous connaissons l’amour, le sexe, mais ces scènes de nudité gratuites instaurent vite un malaise. Une scène de nu, d’amour charnel, peut être formidablement forte, d’une puissance érotique ou bien amoureuse monstrueuse. Elles peuvent bouleverser. Et ici, non. Tant elles paraissent être fruit d’un fantasme purement sexuel. Certes, le déstabilisant au cinéma peut plaire. Un film qui provoque la colère est un grand moment. Il nous donne la candide envie de se battre pour un monde meilleur. Ici, l’effet ne fonctionne pas.

Chacun va voir un film avec son histoire, ses idées, ses traumatismes, ses chagrins, ses envies, ses peurs, ses désirs. Oui, mais. Ce film rend bien plus en colère qu’ému et importe dans l’esprit, le sentiment du dégoût, de l’incompréhension, alors qu’il s’agit d’une si poignante histoire. Quel immense dommage.

Orpheline, d’Arnaud des Pallières – Sortie le 29 mars 2016

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