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Critique : Only God Forgives
Le troisième des films sortant en salles en même temps qu’à Cannes n’est pas des moindres, c’est peut être même le plus attendu.
Only God Forgives, de Nicolas Winding Refn, signait le retour du réalisateur derrière une caméra après le succès de Drive et le retour de son comédien Ryan Gosling. Evidemment, certains devaient s’attendre à un Drive 2 en Asie mais les premières images de la bande annonce et la violence de certains plans (l’homme trainé dans un couloir saisi par la machoire) laissaient penser qu’on allait avoir droit à quelques chose de différent.
Réponse.
Après avoir divisé avec un Valhalla Rising radical pour finalement remporter l’adhésion critique et public en dirigeant Ryan Gosling dans l’électrique Drive, Nicolas Winding Refn était plus qu’attendu au tournant par toute une catégorie de cinéphiles se demandant bien ce qu’il allait nous faire par la suite tandis que les derniers arrivés espéraient un nouveau film dans la trempe du précédent. Connaissant le parcours du danois toujours un peu en froid avec le mainstream (Drive était une commande, rappelons le), sa nouvelle œuvre sur fond de vengeance en Thaïlande est déjà entourée d’un buzz sans précédent, et s’est fait accueillir à Cannes par une presse toute en furie et en sifflements indignés…
Only God Forgives rappelle dès ses premières images que, au cas où certains ne s’en souviendraient pas, Winding Refn est un cinéaste libre et expérimental, dont les modèles ne sont autres que Kubrick et Jodorowsky. Après son histoire de chauffeur ange gardien qui donnait dans une esthétique 80’s pour mieux conter une histoire d’amour, il était évident que le bougre changerait de registre comme il l’a toujours fait excepté pour ses suites de Pusher. Et sans même parler de la forme qui retrouve un sens du contemplatif exacerbé façon Guerrier Silencieux, ce Only God Forgives est d’abord un film logique dans la carrière de Refn et il semble difficile de ne pas l’aborder sans considérer son précédent film tant il est la réaction épidermique de son succès.
Le caractère le plus évident de cette réponse virulente se situe dans le personnage de Ryan Gosling aux antipodes du chevalier blanc à la veste de scorpion.
Trouvant son frère assassiné, le héros tout vêtu de noir voit sa mère tyrannique débarquer pour mieux lui mettre la pression et forcer fiston à aller coller une branlée au tueur.
Fini le héros vaillant et mystérieux de Drive, voilà l’homme au sérieux complexe d’Œdipe et aux obsessions sexuelles aussi fortes que inassouvies et frustrées. Comme si cela ne suffisait pas, le bonhomme s’avère en plus impuissant, et sans trop en dévoiler sur le déroulement du film, Ryan Gosling est sérieusement mis en difficulté à plusieurs reprises… Ajoutez à ça un rejet progressif de toute narration pour mieux tomber dans la symbolique ou l’abstraction tout en appuyant sur une violence sévère et complaisante et vous obtenez une sorte d’anti Drive, un film débarrassé de l’ambiance magnétique et envoûtante du précédent pour revenir à quelque chose de plus exigeant et abstrait.

Avec son image de la femme castratrice, ses plans longs à l’extrême et ses scènes contemplatives et oppressantes, les fans romantiques de Drive risquent de sérieusement tirer la tronche devant ce bon gros morceau de déviance anxiogène. Car Only God Forgives se rêve en cauchemar poisseux et refoulé dans lequel les intentions sont claires sans pour autant éviter les échecs et les retours de bâton. Si effectivement le film propose dès son introduction une atmosphère des plus étranges, avec une photographie donnant la part belle aux couleurs explosées à l’écran, des jeux d’ombres prononcées et une bande son qui s’en donne à cœur joie dans les orgues ténébreux et les sons caverneux, on se rend aussi compte que le tout se veut être un film trip.
Hors le scénario du film, au demeurant assez simple, va venir court-circuiter ça et mettre constamment le long-métrage le cul entre deux chaises.
Car d’un côté, le script est un énorme prétexte loin d’être travaillé pour être palpitant par lui même (on s’en tamponne le coquillard de la vengeance) et de l’autre, les effets de mise en scène de Refn trouvent une vraie limite. Trop répétitifs (vous avez intérêt à aimer ce p**ain de couloir !), trop ostentatoires et trop poseurs, ils tournent parfois au ridicule à l’insu de l’œuvre, et on a comme la vague impression que le danois tire autant que possible sur la corde pour meubler comme il faut la faible durée du film.
Dans cette volonté de faire de l’effet pour l’effet, le film se complait dans une scène de torture gratuite qui aurait pu être coupée au montage sans que ça change quoi que ce soit, dans des scènes d’hallucination grotesques et dans des passages karaoké qui sont là pour vous rappeler que ça n’est que du cinéma.
Alors bien sûr, il serait criminel de cracher dans la soupe juste histoire de, et Only God Forgives possède de jolies images, une bande son d’enfer composée par un Cliff Martinez heureux comme un poisson dans l’eau ou encore une Kristin Scott Thomas il est vrai assez délicieuse dans son rôle de mère azimutée et outrancière. Mais ces qualités n’enlèvent rien au sentiment de vacuité qui ressort de la chose et à la volonté trop affirmée de prendre le spectateur à rebrousse poil. D’autant que le grand méchant du film, qui ne dégage pour ainsi dire rien malgré son rôle important, fini d’atténuer toute la puissance visuelle de la chose.

Violence exacerbée, esthétique outrancière et scénario minimaliste, Only God Forgives est fait pour affirmer la différence de son réalisateur, son univers et ses partis pris radicaux, avec le refus d’une narration linéaire pour mieux partir dans des délires graphiques pas toujours du meilleur goût. Ca prendra sûrement sur certains comme d’autres seront atterrés mais une chose est sûre : les extrêmes ont toujours tort, et Refn fait plus que jamais tout pour les convoquer.
Only God Forgives – Sortie le 22 mai 2013
Réalisé par Nicolas Winding Refn
Avec Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm
À Bangkok, Julian, qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogue.
Sa mère, chef d’une vaste organisation criminelle, débarque des États-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré, Billy : le frère de Julian vient en effet de se faire tuer pour avoir sauvagement massacré une jeune prostituée. Ivre de rage et de vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers.
Julian devra alors affronter Chang, un étrange policier à la retraite, adulé par les autres flics …