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Critique : Nothingwood

Les films présentés à Cannes sortent doucement dans les salles, comme celui qui nous intéresse ce mercredi 14 juin.

Nothingwood est un documentaire franco-afghan réalisé par Sonia Krunlund et présenté sur la Croisette dans le cadre de la semaine de la critique…

LA CRITIQUE

L’un des gros coups de cœur de la 70e édition du Festival de Cannes à la Quinzaine des réalisateurs fut la présentation du documentaire Nothingwood. Clôturé systématiquement par une standing ovation, le film de Sonia Kronlund avait apporté un vrai vent de fraîcheur sur la Croisette avec son réalisateur afghan aussi fou qu’amoureux du cinéma.

Comment faire du cinéma sans argent, dans un pays détruit et ruiné par des guerres successives pendant plus de vingt ans et où la culture et les traditions ne se marient pas forcément à ce qu’on appelle le Septième art ? Toute la problématique de ce que définit le titre est là. Il y a Hollywood, Bollywood et en Afghanistan, il n’y a que Nothingwood, le rien du cinéma car tout est à reconstruire ou à faire. Pourtant, cet état des lieux dramatique n’a pas découragé le réalisateur, scénariste, acteur, producteur… Salim Shaheen qui fait voler en éclat cette perspective d’un pays sans cinéma en créant à la chaîne des nanars fauchés avec les moyens du bord. Et au beau milieu des montagnes ou des déserts rocheux, la tâche est des plus ardues !

La réalité dépasse la fiction. Car Salim Shaheen est une star dans ce pays encore très instable. Il est célébré et reconnu pour ce qu’il fait, ce qu’il offre : un peu d’évasion et d’imaginaire à un public en mal de sa réalité quotidienne. Romances, comédies, films d’action, de guerre… Avec sa caméra et sa mise en scène qu’il dirige de pierres lancées sur ses techniciens, le réalisateur est un passionné du cinéma. Et sans argent, il ne peut compter que sur sa passion pour produire ses films. Ces derniers s’inspirent assez des œuvres cinématographiques indiennes qui ont pu traverser le Pakistan, où le héros testostéroné à la force herculéenne sauve sa belle en détresse à la fin du film. Il réalise d’ailleurs devant nous son 110ème film qui suivra l’habituel circuit de distribution sur des copies vidéos passées sous le manteau et diffusées dans tout l’Afghanistan. Nothingwood est également un vrai voyage à travers les reliefs magnifiques de ce pays désolé.

Bien que tardivement, la sanglante réalité afghane nous rattrape. Chaque attentat perpétré là-bas ne fait partie d’aucune habitude ou normalité. Salim Shaheen se rend même à Bâmiyân, là où les grands bouddhas avaient été détruits à l’explosif par les talibans en mars 2001, nous rappelant l’importance de la préservation du patrimoine culturel et de sa transmission auprès des futures générations. Cette vision se télescope et s’accorde tout autant avec la production de ces films fauchés, mais plein de bonnes volontés. Le personnage de Shaheen présente bien tout le paradoxe de ce monde où le divertissement est officiellement honni et dont ses amuseurs publics sont mis au ban de la société, alors que celle-ci est officieusement une grande consommatrice de ces œuvres interdites.

Sonia Kronlund ne défend pas non plus sa star sur tous les fronts. Sa bonhommie a aussi ses propres failles. Derrière son allure de bon vivant éminemment sympathique et ouvert sur le monde, la réalisatrice n’hésite pas à mettre en avant certaines de ses contradictions. Lui qui met chaleureusement en avant ses fils à l’image, mais dont les filles doivent rester cloitrées à l’écart le temps que la caméra tourne, sans autre forme de procès. Certaines situations paraissent aussi tendues lorsque l’un de ses fidèles acteurs doit essayer des vêtements de femme sur un marché, cela sous l’œil sombre d’un vieil afghan.

Nothingwood est une belle preuve d’abnégation d’un artisan du cinéma, aussi humble soit-il, dont la véritable candeur et la foi aveugle dans le Septième art est une très belle note d’espoir et d’envie pour nous qui sommes plongés dans la morosité ambiante d’un cinéma occidental en bout cycle. Du très bon docu qui fait plaisir à voir !

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