1227Vues 0commentaires
Guillermo del Toro aime les monstres. Les gentils et les méchants monstres, les vrais et ceux qui vivent en nous. Les créatures du Labyrinthe de Pan, de Pacific Rim, de Blade ou de la Forme de l’Eau. Nightmare Alley, nouvelle adaptation du Charlatan de William Lindsay Gresham (le bouquin a déjà été porté à l’écran en 1947 avec Tyrone Power dans le rôle principal) s’inscrit dans cette longue tradition de films de « monstres ».
Quand Nightmare Alley s’ouvre sur une scène où Bradley Cooper met le feu à un cadavre pour mieux fuir une maison, on comprend qu’il est à sa façon un monstre. Et qu’en s’engageant dans un cirque à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, il va en croiser d’autres. Sur place, il apprendra en plus à devenir un escroc, en faisant croire qu’il peut lire dans les esprits des gens.
Le film raconte son ascension, et sa chute inévitable.
La première partie du long métrage se déroule dans l’univers du cirque des années 30, dans une ambiance superbement reconstituée. Guillermo del Toro y déplace avec aisance sa caméra, aidé par la sublime photo de Dan Laustsen, qui mélange habilement bleus et oranges, pour mieux nous raconter le monde des forains d’époque, où les attractions étaient parfois constituées de monstres de foire (on y exhibe notamment des fous -« geeks » en anglais-). Forcément, le réalisateur s’y éclate, n’oubliant pas d’aller jusqu’à mettre dans les décors des créatures en bouteille comme dans nombre de ses précédents films.
Mais le récit est trop long. Que veut vraiment raconter Del Toro ? On a l’impression qu’il se perd dans son univers, tant il prend du plaisir à le filmer. Au bout d’un temps, l’histoire finit par se rappeler à lui et le long métrage avance. Mais le rythme est étrange, et la gestion des personnages parfois décontenançante. Le seul point intéressant vient de la relation entre Bradley Cooper, sans doute trop sage pour le rôle, et Rooney Mara. On n’y croit jamais mais peut-être est-ce voulu ? Après tout, on suit le point de vue d’un escroc, qui serait bien capable de manipuler ses propres relations amoureuses.
La seconde partie est bien plus intéressante. Certes, le réalisateur y applique le petit manuel du film noir à la lettre mais Cooper est plus à l’aise et le personnage de Cate Blanchett superbe. On perd en ambiance ce qu’on gagne en épaisseur de scénario et en qualités de narration. Le rythme est soutenu et l’intrigue se suit en tension. Film noir mais film tout aussi coloré grâce à la photo, toujours aussi belle (on est néanmoins curieux de la version en noir et blanc, visible en France au Max Linder), Nightmare Alley fait s’y affronter des monstres.
Certes, ce n’est pas aussi abouti que le sublime la Forme de l’Eau, c’est moins jouissif qu’un Pacific Rim mais un film de Guillermo del Toro parvient, toujours à rester plusieurs coudées au dessus de la mêlée. Même Martin Scorsese, dans une lettre parue dans le L.A Times, trouve que vous devriez aller le voir en salles.
Nightmare Alley, de Guillermo del Toro – Sortie en salles le 19 janvier 2022