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Critique : Neuf Mois Ferme

En 2009, Albert Dupontel sortait Le Vilain et nous vous en parlions déjà.

L’acteur-réalisateur-scénariste adoubé par Terry Gilliam revient devant et derrière la caméra avec Neuf Mois Ferme, avec à ses cotés Sandrine Kiberlain, juge d’instruction enceinte jusqu’aux yeux et une galerie de personnages dont Nicolas Marié, hilarant en juge begue dans une comédie qui devrait faire parler d’elle dans les prochaines semaines. Le film a été projeté en avant-première et en présence de Dupontel à l’Etrange Festival dans une salle comble.

Et, oui, on peut le dire : Neuf Mois Ferme est une franche réussite. Une tournée d’avant-premières étant organisée courant septembre en province, n’hésitez pas.

 

En bon sale gosse du cinéma français, Albert Dupontel continue son bonhomme de chemin sous la casquette de réalisateur atypique dans le paysage balisé de la comédie. Après s’être adonné à des histoires de SDF sous acide ou à un criminel tentant de prendre sa chère mère en traitre, il se met de nouveau en scène dans un rôle en marge de la société, un cambrioleur accusé de meurtre et de cannibalisme. Un personnage tout trouvé pour le charisme bariolé du monsieur, qui va faire face à une juge d’instruction enceinte de lui sans qu’il ne soit au courant, et sans qu’elle ne sache comment. Une situation explosive, pour un film qui l’est tout autant…

Depuis quelque temps, Sandrine Kiberlain revient en force sur le devant de la scène en montrant une facette comique insoupçonnée par le passé, qui lui va à ravir. Le fait est qu’elle porte ici le film sur ses frêles épaules durant un bon moment, et que cette histoire un peu bizarre est pourtant introduite avec un certain panache. Jouant sur le contraste entre son allure de femme sérieuse bien sous tout rapport et la situation accablante qui lui tombe dessus, Dupontel laisse le temps à son intrigue de lever tranquillement pour que son actrice prenne ses aises et imprime sa marque dans un environnement qui s’apprête à voler en éclats. Dans l’univers carré du palais de justice tel qu’il est dépeint ici, il y a dès le début un petit quelque chose qui ne demande qu’à en rire. Il suffit de voir la statut de la justice avec des confettis et un gros nez rouge dès le début du film pour comprendre que Dupontel prend un malin plaisir à tourner en dérision un système qui le débecte autant qu’il le fascine. Dans les bureaux de cette administration censée réguler notre société et les excès de nos citoyens, il y a déjà une bizarrerie ambiante, une absurdité naissant du rôle important de ces hommes et de ces femmes qui n’en restent pas moins des humains avec les défauts que ça implique. Peut être pas une façon de réduire l’autorité à néant pour un acteur/réalisateur plus subtil qu’il en a l’air, mais simplement de les remettre à leur place en montrant que dans cet environnement censé être un exemple sous tout rapport, la folie imposée par un travail sûrement loin d’être rigolo contamine forcément l’air ambiant. Une chance pour le cinéaste, qui propose donc de voir un avocat bègue au regard halluciné, un juge racoleur expert en harcèlement désespéré ou encore un médecin légiste dingo dont la passion pour la chirurgie décomplexée en aurait sûrement fait un psychopathe dans une autre vocation. Un vrai cirque vu de l’extérieur, qui n’attend plus que l’arrivée du clown.

Et ce dernier n’est pas forcément celui auquel on s’attend. Amateur de quiproquos et de situations aussi cocasses qu’inattendues, le « créateur » rompt les attentes dès sa première rencontre avec Kiberlain, laissant un peu plus l’actrice se lâcher dans un numéro comique déchainé. La richesse de jeu de la comédienne est exploité de fond en comble, 9 mois ferme étant capable d’être émouvant à d’autres moments, la comédie ne prenant jamais l’ascendant sur le drame vécu par ses protagonistes. De son propre aveu, le cinéaste prépare ses films comme des drames dans lesquelles la comédie survient d’elle même. Le trait est un peu forcé vu de nombreux passages cartoon comme il sait si bien les faire, mais la croyance accordée aux personnages et à l’intrigue est totale, ce qui permet de développer la palette des émotions proposées. Non pas que 9 mois ferme file le bourdon, seulement il est rythmé par des ruptures de ton aussi surprenantes que délicates, et l’humanité dégagée par cette histoire la rend d’autant plus attachante. Les grands écarts opérés par Dupontel sont nombreux, à l’image d’une scène de comédie monumentale dans laquelle son voleur tente de se dédouaner des crimes dont on l’accuse en imaginant comment la victime aurait subi toutes les blessures reçues par le plus malheureux hasard. Du pur Tex Avery sanguinolent qui n’a pas à rougir une seconde de la comparaison avec Sam Raimi, au sein d’un film pourtant populaire, qui n’a pas peur d’assumer pleinement ses délires sans pour autant être bas du front, et qui bénéficie en guise de cerise sur le gâteau de plusieurs guests prestigieux aux apparitions succulentes.
Un tant cantonné à une part bien précise du public, Dupontel trouve le juste équilibre pour être plus populaire que jamais et a rarement été aussi bon pour éclater les conventions, ce qu’il souligne avec malice par une mise en scène qui vrille elle aussi avec ses décadrages très BD. Son nouveau bébé constitue d’abord une vraie oasis dans le paysage de la comédie française et surtout son meilleur film à ce jour, nous prouvant que celui-ci n’a pas fini de nous étonner.

Décomplexé sans être difficile d’accès, généreux tout en étant sensible, 9 mois ferme est un magnifique coup de pied dans la fourmilière sclérosée de la comédie française. Un film qui revendique aussi bien ses excès que son humilité, tout en faisant preuve d’un soin maniaque sur la forme. Les spectateurs les plus pépères s’en retrouveront sans doute un peu chamboulés, mais Dupontel livre là un modèle du genre et il serait criminel d’y résister.

 

Neuf Mois Ferme – Sortie le 16 octobre 2013
Réalisé par Albert Dupontel
Avec Sandrine Kiberlain, Albert Dupontel, Philippe Uchan
Ariane Felder est enceinte ! C’est d’autant plus surprenant que c’est une jeune juge aux mœurs strictes et une célibataire endurcie. Mais ce qui est encore plus surprenant, c’est que d’après les tests de paternité, le père de l’enfant n’est autre que Bob, un criminel poursuivi pour une atroce agression ! Ariane, qui ne se souvient de rien, tente alors de comprendre ce qui a bien pu se passer et ce qui l’attend.

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