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Quand j’étais un très jeune cinéphile, j’imaginais que les réactions des acteurs étaient réelles. Révélait-on dès le scénario au policier qui est le coupable du meurtre ou le découvrait-il au moment de tourner la scène clef du film ? Je trouvais alors génial qu’un acteur ait de véritables émotions plutôt que de les jouer à la demande. Quand, en 2017, Christian Carion a tourné Mon Garçon avec Guillaume Canet, il donnait vie à un concept que j’avais toujours imaginé. Et il a remis le couvert cette année avec le remake anglo-saxon, My Son.
Le film s’ouvre sur un père qui se rend sur le lieu de la disparition de son fils. Séparé de la mère, finalement lâché par la police, il va mener lui-même l’enquête pour le retrouver si tant est que c’est encore possible.

My Son repose donc sur le concept de l’improvisation. Tourné dans de magnifiques paysages écossais, en quelques jours seulement et en pleine pandémie, le film s’est fait avec un acteur principal, James McAvoy, qui n’a eu aucun scénario si ce n’est quelques lignes directrices. Il était uniquement guidé par les seconds rôles et un tournage qui s’est déroulé dans l’ordre chronologique des scènes. Christian Carion a organisé ses équipes pour que son acteur principal soit le plus impliqué possible : aller-retours d’un lieu de tournage à un autre, une seule prise ou presque par scène et plusieurs caméras pour suivre l’acteur. Pour McAvoy, il s’agissait alors d’un jeu de rôle puisqu’il n’a jamais su où il allait à l’avance, il devait entrer dans son personnage et vivre comme lui. On se doute qu’il a surement eu quelques lignes directrices à droite et à gauche et on sait que certaines scènes ont été tournées une seconde fois, quand l’acteur amenait l’intrigue dans une trop mauvaise direction.
Techniquement, le résultat est chouette. Les images sont très belles et les cadres soignés, ce qui n’était pas forcément évident vu le contexte. Claire Foy est un peu sous-exploité. Quand à James McAvoy, il est forcément très bon. L’acteur avait déjà prouvé avec Split qu’il était capable de belles prouesses. Ici, il improvise des textes et des émotions qui fonctionnent, n’hésitant pas à jouer des poings quand c’est nécessaire (mais souvent hors-champs, contraintes de tournage oblige).

Tout ça, c’est formidable mais qu’en est-il pour le spectateur, pas forcément informé du concept et qui vient juste découvrir un petit polar ? D’abord, McAvoy joue parfaitement la carte de l’improvisation mais il est à coté du personnage qu’on nous décrit dans le film. Il est censé être un père absent, qui a délaissé son fils, et à aucun moment cela ne se ressent. Il joue comme un père impliqué à fond dans le drame qu’il vit, sans jamais chercher à remettre en question les actions de son personnage. Le film lui-même ne l’aide pas, le récit trop balisé ne lui permettant pas (ni au spectateur) de douter du sort du garçon. Le rythme est trop rapide au début pour ensuite mettre le personnage sur des rails et puis finalement trop long dans son dernier acte. On ne doute pas que l’acteur et le réalisateur se sont éclatés à tourner My Son. Mais c’est dommage de laisser le spectateur sur le bas coté.
Évidemment, si vous lisez ce papier, vous serez au courant de tous les rouages mis en place et peut-être que ça donnera de l’épaisseur à votre vision du film. Peut-être même aurez-vous envie de voir la version avec Guillaume Canet pour comparer les réactions des deux acteurs. Mais si vous arrivez ici après l’avoir vu, peut-être n’avez-vous qu’un petit thriller qui vous paru peu abouti. Et ça, c’est forcément dommage.
My Son, de Christian Carion – Sortie le 03 novembre 2021