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Critique : Mortal Engines

Adapté du roman « Mécaniques Fatales » de Philip Reeve, premier volet du « Mortal Engines Quartet », Mortal Engines est la nouvelle production du Roi Peter Jackson et de ses comparses Fran Walsh et Philippa Boyens.

Pour ce long métrage qui rassemble Hera Hilmar, Robert Sheehan, Hugo Weaving ou encore Stephen Lang, le réalisateur du Seigneur des Anneaux a confié les manettes à son poulain, Christian Rivers, qui signe ici son premier long-métrage…

 

LA CRITIQUE

Malgré un succès public évident, la trilogie du Hobbit s’est quelque peu achevée dans la douleur, avec un troisième épisode prévu sur le tard que Peter Jackson et ses équipes ont dû faire plus ou moins en catastrophe. Le réalisateur a préféré ensuite faire une pause à la réalisation, au point de reléguer un de ses projets suivants, l’adaptation du roman Mortal Engines, à son collaborateur de longue date Christian Rivers, qui a œuvré notamment sur les storyboards du Seigneur des Anneaux, ou comme réalisateur de seconde équipe sur le Hobbit. Jackson reste impliqué au scénario avec ses collaboratrices habituelles Fran Walsh et Philippa Boyens, également présentes à la production, et le tout donne donc à ce Mortal Engines un goût de Terre du Milieu, en tout cas la promesse de découvrir une nouvelle mythologie vaste, conçu par une équipe qui a déjà fait ses preuves en la matière…

Toutes les raisons sont bonnes donc de s’exciter sur le projet, et pourtant on ne peut pas dire que la sortie de Mortal Engines provoque un quelconque engouement. La faute sans doute à des bande-annonces laissant paraître un scénario balisé et très classique, avec des dialogues ne semblant pas des plus inspirés. Alors coupons court aux doutes et interrogations : oui, Mortal Engines est écrit comme le roman Young Adult dont il est l’adaptation, et s’adresse par conséquence à un public le plus large possible.
Cela se traduit effectivement par des dialogues et des personnages pour la plupart assez fonctionnels, un mal qui se retrouve particulièrement chez les seconds rôles, que ce soit la jeune femme campée par Leila George, celui qui va accompagner l’héroïne ou même la rebelle incarnée par Jihae. Dans le déroulé du film, ponctué par des flash-backs très mélos un peu lourdingues, ou des péripéties parfois fonctionnels, on repose sur la structure inhérente à ce genre de récit, Joseph Campbell n’étant jamais très loin, mais sans réussir à rendre le tout organique.
C’est un comble vu le film, mais les rouages du scénario de Mortal Engines sont bien visibles, pas subtils pour deux ronds et ont parfois tendance à grincer tant il est difficile de s’identifier à des personnages blancs comme neige dans un environnement qui suinte l’huile, la cendre et le métal, et qui semblent parfois bien simplets compte tenu de leur importance dans un monde aussi vaste.

Cette tendance ne touche pas pour autant tout le casting grâce à l’héroïne Hester Shaw, dont le désir de vengeance et la rancœur qu’elle porte sont suffisamment forts pour qu’on puisse s’y identifier, et qui gagne en profondeur avec le méchant Shrike joué par Stephen Lang, caché sous des tonnes de maquillage numérique. En effet, si Hugo Weaving reste le bad guy principal, il trouve comme homme de main un être mi-robot mi-monstre qui s’avère la plus grande surprise narrative du film tant son passé trouble et ses liens avec l’héroïne sont plus profonds et dramatiques qu’ils n’y paraissent. Ce trio forme le cœur émotionnel de l’intrigue et propose une idée toute aussi macabre que tragique et poétique, qui suffit à rappeler la présence de Jackson derrière l’histoire en amenant du trouble dans l’histoire, même si l’idée vient bien du roman à la base.
Ainsi, vous pourriez être tenté de croire que Mortal Engines ne vaut pas le coup en raison de sa trame trop éculée, et la sensation d’être devant une œuvre qui vise en priorité un public adolescent.
Pourtant, il y a un autre personnage à part entière qui habite tout le film et rehausse majoritairement l’intérêt. Ce personnage, c’est son univers.

Présente dès le titre du film, toute l’idée de Mortal Engines est de plonger le spectateur dans un monde post-apocalyptique où l’homme a décidé de vivre dans des villes en mouvements, se déplaçant dans d’immenses contrées dévastées grâce à des rouages colossaux permettant par exemple à la cité de Londres de parcourir le monde.
Et la découverte de ce beau bordel a le mérite d’être stimulante et riche tant les équipes de Weta, aussi bien en effets spéciaux pratiques que visuels, ont mis le paquet. De la hiérarchie sociale au sein d’une ville à la taille de celle-ci par rapport aux autres, en passant par le mode de locomotion, tout est fait pour avoir un écho avec le réel et faire comprendre non seulement les erreurs qui ont amené l’humanité à un tel point, mais aussi en quoi ces dernières et les travers des sociétés actuelles n’ont finalement pas bougé d’un iota. Dans Mortal Engines, les inégalités sont toujours présentes, l’humain a plus détruit qu’il n’a créé, et il n’a rien appris de ses méfaits, bien au contraire.
Une machinerie délirante qui déploie des trésors d’ingéniosité et d’imagerie steampunk à grande échelle à l’écran, avec une vraie diversité dans les décors et les engins présentés pour offrir de l’évasion tout du long. On aurait aimé à vrai dire en voir plus sur le fonctionnement interne des villes, les différentes castes et l’adaptation des différentes civilisations et cultures à ce mode de vie, car on reste loin du symbolisme terrassant et universel d’un Fury Road, mais l’impression d’être face à un ensemble vivant en pleine évolution est bien là, et fascine tout du long.

D’ailleurs, la violence inhérente à ce système, où il est quand même question de cités mobiles en avalant d’autres, n’est pas sans amener quelques paradoxes dans toute cette affaire. On n’est jamais très loin d’un Mad Max dans la chute de la civilisation et le retour de la sauvagerie humaine, sauf qu’ici le film est family friendly, et cela se ressent à l’écran. On a pu citer certains personnages trop lisses, y compris visuellement tant tout ce beau monde est un peu trop propre sur lui pour un monde où l’hygiène est loin d’être une priorité, mais il y a clairement un entre deux, le film ne montrant jamais d’hémoglobine dans l’action ou la fragilité des corps face aux machines infernales. Cette retenue amoindrit la puissance qui se dégage du film, mais le spectacle n’en reste pas moins présent, tant tout ça offre un terrain de jeu formidable pour Christian Rivers, dont la longue collaboration avec Jackson se ressent dans la réalisation. Si l’élève n’atteint jamais le maître, il en porte les graines dans une mise en scène fluide, lisible et ample pour mieux mettre en perspective la démesure des engins face à un homme totalement ridicule face à ses terribles créations.
Les talents de Weta ont bien été mis à contribution et il est fort plaisant de voir un blockbuster US sans problème de rendu à l’écran, car à l’exception de rares incrustations un peu limites et encore, le tout affiche une tenue plastique impeccable. Le dernier tiers offre d’ailleurs un grand moment d’action et met à profit toute les trouvailles du film pour en coller plein la tronche avec tout le gigantisme qui caractérise cette entreprise.

Il est difficile de renier le plaisir offert par cet univers original, bien conçu, qui ne cesse de mettre en miroir la cupidité et la folie de l’homme sous la forme d’un spectacle ambitieux et fabriqué avec passion. On aurait aimé que les personnages soient plus captivants et incarnés tant il s’arrête souvent à du stéréotype, tout comme il aurait été de bon ton de prendre un compositeur autrement plus inspiré que Junkie XL, ou Tom Holkenborg de son vrai nom, qui recycle sans vergogne son score de Mad Max Fury Road en y ajoutant trois mélodies répétitives d’une pauvreté effarante.
C’est sans doute la faute majeure du film, tant Mortal Engines possède une identité très marquée dans sa proposition de monde post-apocalyptique gargantuesque, et aurait mérité une musique aussi reconnaissable et majestueuse que celle d’un Howard Shore sur le Seigneur des Anneaux.
Mais malgré ses défauts qui l’empêche de convaincre sur toute la ligne, voilà un blockbuster qui va à l’encontre du marasme imaginaire dont est atteint Hollywood en ce moment, et qui n’y va pas avec le dos de la cuillère dans le genre, à tel point qu’on repartirait bien pour un tour dans ses terres dévastées et ses créatures mécaniques.
Attention donc, car vous risquez bien de sortir de la salle avec des images fantasques dans la tête, de celles qui laissent votre esprit s’y évader pour en deviner toutes les possibilités.

Et comme ce vertige se fait de plus en plus rare à une époque où l’industrie recycle éternellement les mêmes figures, remettre un peu de carburant dans cette machine insatiable qu’est votre imaginaire est forcément un geste recommandable.

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