Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Critique : Monsieur Link

Sept ans après Paranorman, le réalisateur Chris Butler revient avec un nouveau long-métrage produit par Laïka, Monsieur Link, poussé en VF par les voix de Thierry Lhermitte et Eric Judor.

Le film sort dans les salles le mercredi 17 avril mais bénéficiera de nombreuses avant-premières dès le dimanche précédent.

 

LA CRITIQUE

Malgré l’absence déprimante de succès pour chacun de leurs films, qui peinent de plus en plus à se rentabiliser au box-office, Laika continue son petit bonhomme de chemin, bien décidé à perpétuer l’art de la stop motion en le repoussant toujours plus loin. Après l’épique Kubo & The Two Strings, voici donc Missing Link (Monsieur Link en français), l’histoire d’un aventurier intrépide qui va rencontrer un Sasquatch, autrement dit un grand singe doté d’intelligence, qui fait le lien entre l’humain et ses ancêtres plus primaires. Et pas facile pour un tel être de trouver sa place dans le monde…

Si l’aspect film d’aventure et les multiples paysages qu’il propose laissent à penser que Laika ne s’est toujours pas lassé d’offrir des histoires d’une ampleur déraisonnable compte tenu du travail que chaque image implique, Missing Link s’avère être une récréation pour le studio d’animation.
Enfin, quand je dis récréation, ne vous attendez pas à ce que les bougres se soient calmés formellement, tant l’ambition de repousser les limites du médium ne s’est pas tarie.
Toujours plus renforcés par des images de synthèse qui viennent étendre les décors à l’infini, même pour un rendu un peu moins harmonieux que par le passé, les personnages animés image par image ont le droit à une mise en scène d’une liberté sidérante, la caméra partant dans tous les sens, opérant des mouvements insensés et éclatant une nouvelle fois les chaînes qu’un tel procédé pourrait imposer. C’est évidemment possible grâce à l’évolution des technologies, chaque déplacement de la caméra étant opéré par des bras motorisés, mais l’effet reste le même et perdure : on est toujours sidéré de voir ses marionnettes se déplacer avec une telle fluidité et une telle aisance, dans des décors aussi énormes, la patte des maquettistes et des sculpteurs étant partout.

Sans être blasé, le constat n’étonnera personne pour peu que vous ayez déjà vu une production Laika tant les louanges techniques et artistiques sont presque devenues une norme chez eux.
Reste alors la vraie récréation : l’histoire. Le studio nous avait habitué à une certaine noirceur pas seulement esthétique mais psychologique, d’autant plus le réalisateur Chris Butler, qui officie ici, était déjà derrière le ténébreux et non moins beau Paranorman.
Alors oui, Missing Link reste une quête d’identité pour un être qui ne correspond à aucun profil, face à une corporation d’hommes qui sont guidés par l’appât du gain et la gloire, se cachant derrière une ligue d’explorateurs pour prétendre être à la poursuite de découvertes qui ne sont que les supports de leur ego. Par conséquence, le personnage même de Monsieur Link est une menace à leur système, une atteinte même à leur conception d’une humanité toute puissante et prévalant sur tout ce qui l’entoure.

Cette histoire, qui n’hésite pas à accentuer le caractère ouvertement raciste des antagonistes en plaçant une femme latine avec nos héros qui ne sera pas du goût de leurs adversaires, reste cependant contée dans un écrin étonnement léger, ne cherchant jamais à subjuguer le public par une gravité écrasante. Missing Link s’avère être la première réponse directe de Laika aux célèbres studios Aardman (Wallace & Gromit, Chicken Run…), en y allant franco dans un humour plus british et burlesque, profitant du caractère atypique de son grand singe pas toujours très à l’aise en société pour enchainer les bourdes, les quiproquos et les situations absurdes.
En s’accommodant aux règles strictes d’une société assez bourgeoise ou de civilisations étrangères aussi pour ses comparses humains, la rythmique comique de l’ensemble est beaucoup plus soutenue qu’à l’accoutumée, y compris par rapport aux Boxtrolls, et l’on sent bien l’envie des créateurs de tenter la comédie avant tout, avec un zeste de Wes Anderson dans les cadrages et les décors, pour profiter au maximum de ce mélange de chic et d’exotisme. La formule peut surprendre les aficionados de la première heure, mais elle a le mérite d’être assez cohérente avec le sujet, et est faite avec la même exigence formelle que par le passé, y compris pour la musique qui a été confiée à un Carter Burwell profitant de l’occasion pour donner à fond dans un lyrisme aventurier soutenant l’évasion offerte par la multitude de décors et de paysages.

S’il y a un lien manquant avec ce à quoi Laika nous a habitué, c’est l’absence d’un souffle émotionnel aussi poussé qu’auparavant. Mais ce Missing Link assume complètement son virage comique, n‘abandonne pas pour autant le fond en ayant un message de tolérance bien senti et semble finalement s’amuser dans cette légèreté revendiquée et très attachante, servie dans un écrin toujours aussi ébouriffant.  Où quand l’outsider de la stop-motion a bien grandi, et assume tardivement mais sûrement sa filiation avec ses pères spirituels.

Monsier Link, de Chris Butler – Sortie le 17 avril 2019

Voir les commentairesFermer

Laisser un commentaire