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Critique : Maps to the Stars

Après avoir fait le bonheur des jeunes filles en incarnant le vampire le plus fade de l’histoire du cinéma, Robert Pattinson cherche à faire bouger sa carrière en s’éloignant le plus possible de la saga Twilight.

Il est donc à Cannes cette année pour deux films : The Rover de David Michôd et Maps to the Stars, signant sa deuxième collaboration avec David Cronenberg après Cosmopolis. Il enchainera ensuite avec deux autres réalisateurs de renom : Werner Herzog et Anton Corbijn.

Maps to the Stars pose un regard « cronenbergien » sur Hollywood. Le présenter à Cannes au milieu d’un parterre de stars américaines était donc pour le moins osé. A condition que le film soit réussi…

 

Depuis Les Promesses de l’ombre sorti il y a sept ans, le réalisateur canadien David Cronenberg semblait un peu perdu. Il avait achevé une trilogie commune avec Viggo Mortensen sur un thriller psychanalytique peu convaincant et avait lancé en grande pompe la nouvelle carrière de Robert Pattinson par la riche mais très opaque adaptation du roman Cosmopolis de Don DeLillo, présentée au Festival de Cannes de 2012. Cette année, Cronenberg revient en force et en compétition pour la Palme d’or (et on nous assure que les réalisateurs sélectionnés ne sont pas toujours les mêmes, bien sûr…) avec ce fascinant Maps to the Stars qui nous propose de nous offrir un regard acide et glaçant sur les coulisses d’Hollywood.

Le nouveau long-métrage de David Cronenberg a été écrit par le talentueux Bruce Wagner, adapté de son propre ouvrage Dead Stars. Publié en 2012, ce livre était lui adapté d’un scénario qui n’avait pu aboutir sur le grand écran, tant son contenu est idéal pour faire fuir les investisseurs. L’essentiel du générique d’introduction se résume donc à lister les quatre productions et nombreuses participations ayant contribué à l’existence de Maps to the Stars.

Cronenberg fait passer Robert Pattinson au second plan. Comme un clin d’œil à son précédent Cosmopolis, du passager principal, l’acteur devient le chauffeur d’Agatha (Mia Wasikowska) qui est en visite à Hollywood. Son destin se verra lié à celui de différentes grandes stars : une actrice has been, fille d’une grande comédienne, qui se lamente en espérant son retour sur le devant de la scène (Julianne Moore), un enfant star prétentieux et insupportable (Evan Bird) et les parents de ce dernier dont le père (John Cusack) est un psychologue aux pratiques farfelues qui officie auprès de plusieurs célébrités. Le casting de Maps to the Stars est particulièrement fort. Ce n’est pas sans raison que nous y retrouvons Julianne Moore et John Cusack. Depuis quelques années, ils sont relégués à des séries B, loin du talent dont ils sont capables. En excellent directeur d’acteur, David Cronenberg leur rend noblement justice.

Derrière les sourires forcés de circonstance se cachent des traumatismes profonds et de lourds secrets. Flirtant encore avec le fantastique sans jamais pleinement embrasser le genre désormais, Cronenberg traduit ce malaise par des hallucinations. Ces fantômes révèlent la vraie nature de ces personnages qui ont grandis et se sont construits dans un monde d’hypocrisie et de faux-semblants. Pour le premier long-métrage du réalisateur aux États-Unis, Maps to the Stars est une analyse âpre et cynique de ce microcosme renfermé sur lui-même. Ce film ne plaira certainement pas à tout le monde et encore moins aux personnes concernées. Seule l’actrice Carrie Fisher y jouera son propre rôle, loin de l’image de la Princesse Leia que le public a gardé d’elle. Cette industrie du rêve pour les autres se transforme progressivement en enfer quotidien sous contrôle, jusqu’à ce que la présence d’Agatha ne vienne bouleverser ce fragile équilibre.

Au fur et à mesure que le film se dévoile, on comprend mieux pour quelles raisons Maps to the Stars a été si difficile à monter. Tous, absolument tous les sujets qu’interdit Hollywood et l’influente et conservatrice M.P.A.A. (l’association de classification des films) sont repris avec un malin plaisir par David Cronenberg qui les inclus naturellement dans caste des célébrités américaines. De l’exemplarité qu’ils sont censés représenter vole en éclat. Pourtant, aucun ne semble finalement agir de son plein gré, comme prisonniers d’une prison dorée dont la seule échappatoire est le magnifique poème Liberté de Paul Éluard qu’Agatha répète sans cesse tel un rituel. Une empathie ambiguë se créé doucement avec cette galerie de monstres plus grotesques les uns que les autres, caricatures d’un système élitiste vivant en complète autarcie. Même à la marge, Jérôme, ce jeune et sympathique chauffeur, fait partie de ce petit monde sournois, dont la règle voudrait qu’il faut être prêt à tout pour « réussir ». On fini par plaindre ces pauvres créatures victimes de leur propre mascarade.

Difficile d’aller plus loin sans trop révéler de l’intrigue qui donnera plusieurs interprétations (toutes légitimes) du titre du film. On regrettera seulement lors du final tragique l’emploi d’effets visuels clairement ratés, au risque de briser le lien émotionnel ténu établit avec les différents personnages. En plus d’avoir un regard réaliste qu’insolent sur l’industrie hollywoodienne, Maps to the Stars prouve une fois de plus que David Cronenberg n’en a pas terminé d’explorer les tréfonds obscurs et tortueux de l’âme humaine.

 

Maps to the Stars – Sortie le 21 mai 2014
Réalisé par David Cronenberg
Avec Julianne Moore, Mia Wasikowska , Olivia Williams
A Hollywood, la ville des rêves, se télescopent les étoiles : Benjie, 13 ans et déjà star; son père, Sanford Weiss, auteur à succès et coach des célébrités; sa cliente, la belle Havana Segrand, qu’il aide à se réaliser en tant que femme et actrice.
La capitale du Cinéma promet aussi le bonheur sur pellicule et papier glacé à ceux qui tentent de rejoindre les étoiles: Agatha, une jeune fille devenue, à peine débarquée, l’assistante d’Havana et le séduisant chauffeur de limousine avec lequel elle se lie, Jerome Fontana, qui aspire à la célébrité.
Mais alors, pourquoi dit-on qu’Hollywood est la ville des vices et des névroses, des incestes et des jalousies ? La ville des rêves fait revivre les fantômes et promet surtout le déchainement des pulsions et l’odeur du sang.

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