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Critique : Maléfique

Le 16 décembre 1959, sortait sur les écrans français l’adaptation par la firme de Walt Disney du conte de Perrault La Belle au Bois Dormant.

Avec des choix techniques (le 70 mm !) et artistiques audacieux et inédits, le film de Clyde Geronimi se révélait être un petit bijou d’animation. On ne peut d’ailleurs que vous incitez à (re)lire l’excellent papier signé Basile que nous avions publié en 2011, qui évoque notamment ces aspects techniques.

55 ans plus tard, Disney revient au conte et choisit de l’adapter en « live » et d’en changer le point de vue. Ce qui devait à la base être un prequel centré sur la Sorcière qui donne son nom au long-métrage se révèle finalement être l’histoire originale vue par Maléfique…

 

Il était une fois au pays magique d’Hollywood, un royaume baptisé Disney. Avec une souris aux grandes oreilles à sa tête, tout lui réussissait et son royaume ne cessait de s’étendre. Un jour, Disney choisit de ne plus produire de long-métrages en animation traditionnelle. Tous ces dessins animés qui en avaient fait sa renommé appartenaient désormais à un glorieux passé, car la mode ne louait plus que ceux faits par ordinateur. Mais cela n’inquiéta guère le royaume de Disney qui poursuivait son extension, ralliant à lui ceux de Pixar, Marvel et Lucasfilm. Mais Disney décida de ne pas se reposer seulement sur ses nouvelles acquisitions et ce trésor d’antan, jalousement gardé, allait trouver une nouvelle vie. À l’heure d’adaptations incontrôlées et de franchises à tout va, Disney s’était offert en 2010 l’opportunité de tirer un film d’Alice au pays des merveilles. Avec un résultat à la qualité plutôt aléatoire, le long-métrage de Tim Burton atteignit le milliard de dollars de recettes. Ce succès sans précédent pour Disney l’encouragea à exploiter de la même manière son patrimoine. Mary Poppins, Cendrillon, d’autres personnages cultes auront sûrement droit à leur adaptation live, mais ici, c’est La Belle au bois dormant qui nous intéresse.

Sans le score pharaonique d’Alice au pays des merveilles, Maléfique n’aurait certainement pas vu le jour. La rumeur à d’ailleurs longtemps prêté à Burton le poste de réalisateur sur le projet auquel Angelina Jolie s’est tout de suite attaché. Même si l’intention est purement commerciale, la proposition reste valable. A ceci près que le film soit honnête envers son spectateur et qu’il ne maltraite pas le matériau d’origine. Or avec les premières minutes de Maléfique, le sortilège s’effondre incroyablement vite. Le monologue de la narratrice qui amorce le long-métrage nous annonce d’office que l’histoire que nous avions connue avec le magnifique Le Belle au bois dormant, n’est plus celle qui nous sera contée dans ce film. Maléfique n’est ni une suite, ni un prequel. C’est quelque chose d’autre, centré sur le personnage de la terrible sorcière.

Pour s’attaquer à un tel morceau, les studios Disney ont avancé pas loin de 200 millions de dollars, car le film repose beaucoup sur les effets visuels. Malgré les nombreuses mésaventures qu’a connu Hollywood, la réalisation a été confiée à un « novice ». Véritable cas d’école, Peter Stromberg a fait sa carrière à des postes à haute responsabilité en tant que chef décorateur ou superviseur des effets spéciaux. Sur son CV on liste L’Odyssée de Pi, Avatar, Le Monde fantastique d’Oz ou encore Alice au pays des merveilles (oui, encore). Les producteurs ont donc confié la mise en scène de Maléfique, avec ses très nombreuses séquences truquées, à un spécialiste, mais pas forcément de la réalisation. Cela vaudra quelques reshoot écrits et réalisés sans lui, par John Lee Hancock, scénariste de Blanche Neige et le chasseur et réalisateur de Dans l’ombre de Mary.

Nous retrouvons très vite ce petit monde dans la triste ouverture de Maléfique qui nous présentent la future méchante comme une fée protectrice de la forêt enchantée. Oui, car le monde est divisé en deux morceaux : le monde des humains, avides et corrompus (cf le Noé de Darren Aronofsky) versus le monde de la forêt et des êtres surnaturels. Exit les gentils oiseux, écureuils, lapins, hibou de La Belle au bois dormant, la tendance est plutôt aux Pokémons et des Ents en CGI dans des lieux ressemblant étrangement à Pandora ou Oz (cf le CV de Peter Stromberg). Même le talentueux James Newton Howard à la bande originale semble à court de nouvelles mélodies. Ce ne sera pas Lana Del Rey qui reprend « Once Upon a Dream » au générique de fin qui nous prouvera le contraire côté musique. Bien que l’on peut comprendre la démarche de repomper ses propres films pour en faire de nouvelles adaptations, pomper sur d’autres avec autant d’argent est assez malhonnête. Cette situation n’est pas encourageante, faisant le constat du cruel manque d’idées qui gangrène Hollywood, surtout lorsque Disney tente autre chose et que ça finit en catastrophe économique (John Carter, Lone Ranger).

Les vingt premières minutes de Maléfique sont donc lamentable un mashup de tout ce qui a été fait en science-fiction et fantastique ces quinze dernières années au cinéma. En plus des films cités plus haut, vous pouvez rajouter Le Seigneur des anneaux, Narnia, Les Frères Grimm… Les références ne manquent pas. Tout cela pour nous reconstruire un récit autour du personnage nommé Maléfique mais qui ne l’est pas vraiment au début. Le tournant du long-métrage de Peter Stromberg se veut d’être une histoire d’amour entre la fée et un humain qui finira par la trahir pour devenir le roi. Malgré un démarrage sirupeux, l’arrivée d’Angelina Jolie à l’écran est plus que rassurante. Une fois dans le célèbre costume, on sent l’actrice investie dans le projet et son aura seule suffit à redonner un intérêt. On ne peut pas dire que le reste du casting soit à la hauteur, entre une Elle Fanning transparente et un Sharlto Copley qui cabotine. Tout étant réduit en ampleur par rapport au dessin animé, la scène de malédiction de la princesse Aurora reste la scène la plus réussie.

Ensuite ? Eh bien, il ne se passe rien. Enfin, pas grand chose pour être exact. La princesse vit avec les trois fées dans la forêt jusqu’à ses 16 ans et va croiser à de nombreuses reprises Maléfique qui va la considérer comme une marraine bienfaisante (oui, on lorgne du côté de Cendrillon, mais on ne dira rien à Kenneth Branagh). Le fidèle corbeau de la fée est devenu un homme transformable en n’importe que animal. Pendant ce temps, le roi et ses troupes ne parviennent jamais à entrer dans la forêt. Sauf, oui sauf, un prince d’un autre royaume (il y a apparemment un autre royaume qui existe) qui s’est perdu. Alors qu’il y a 55 ans, la mise en scène de la rencontre entre Aurora et le prince Philippe était d’une infinie délicatesse, celle de 2014 s’apparente plus au débarquement d’un jeune puceau en goguette dont le GPS est tombé en rade. Orientées vers l’action et bourrées d’incohérences, les vingt dernières minutes se veulent être une débauche d’effets visuels similaire aux vingt premières. Le final proposera lui une relecture du conte de Perrault, transformant à sa sauce les enjeux classiques de La Belle au bois dormant au profit du nouveau personnage principal.

Dommage de retrouver une Angelina Jolie aussi bien faite pour un rôle dans un film aussi dépourvu d’imagination. Cela n’est guère rassurant pour les autres projets à venir de la marque Disney. On en est à se demander si on n’aurait pas, tout simplement, préféré une adaptation stricte de La Belle au bois dormant.

 

Maléfique – Sortie le 28 mai 2014
Réalisé par Robert Stromberg
Avec Angelina Jolie, Elle Fanning, Brenton Thwaites
Maléfique est une belle jeune femme au coeur pur qui mène une vie idyllique au sein d’une paisible forêt dans un royaume où règnent le bonheur et l’harmonie. Un jour, une armée d’envahisseurs menace les frontières du pays et Maléfique, n’écoutant que son courage, s’élève en féroce protectrice de cette terre. Dans cette lutte acharnée, une personne en qui elle avait foi va la trahir, déclenchant en elle une souffrance à nulle autre pareille qui va petit à petit transformer son coeur pur en un coeur de pierre. Bien décidée à se venger, elle s’engage dans une bataille épique avec le successeur du roi, jetant une terrible malédiction sur sa fille qui vient de naître, Aurore. Mais lorsque l’enfant grandit, Maléfique se rend compte que la petite princesse détient la clé de la paix du royaume, et peut-être aussi celle de sa propre rédemption…

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1 commentaire

  • par apocalypse 2012 moon god
    Posté mardi 3 juin 2014 12 h 35 min 0Likes

    « Malefique » — la vieille maîtresse des animaux (et de la forêt) qui seule est capable d’aimer tous les êtres et créatures sans condition

    Enfin, grâce au film Disney „Maleficent“, je sais pourquoi „notre“ monde n’est plus enchanté par des fées magiques (etc.) – car le fées se brûlent en touchant du fer et des choses metalliques.
    Mais „notre“ monde est complètement entouré de fils électriques (même dans les portables) et des cages métalliques (automobiles, avions, maisons en ciment armé) et de la monnaie…

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