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Critique : Ma Fille
Comédien régulier chez Xavier Beauvois, Fred Cavayé ou Rachid Bouchared, Roschdy Zem sera très prochainement à l’affiche du Jeu, remake du film italien Perfetti sconosciuti de Paolo Genovese repris également en Espagne par Alex de la Iglesia.
Avant cela, il est le rôle principal de Ma Fille, premier film de Naidra Ayadi – un film par ailleurs partiellement tourné dans le même immeuble que là où nous enregistrons chaque mois le podcast Happy Hour…
LA CRITIQUE
César du Meilleur Espoir Féminin pour son rôle dans Polisse de Maïwenn, comédienne au théâtre comme au cinéma, Naidra Ayadi rajoute une corde à son arc en devenant scénariste et réalisatrice d’un premier long, Ma Fille, avec Roschdy Zem dans le rôle principal et librement inspiré du roman « Le Voyage du Père » de Bernard Clavel.
Le livre raconte comment un père, paysan jurassien, part à Lyon en quête de sa fille, celle-ci ayant annoncé qu’elle ne rejoindra par la famille pour les fêtes de fin d’année. La film en reprend le principe, transposant l’histoire en 2018 : un père vivant dans le Jura décide de monter à Paris pour retrouver sa fille, après un SMS disant qu’elle ne viendrait pas pour Noël. Il se fait accompagner de sa cadette et va découvrir une ville et des mœurs auxquels il n’est pas habitué.
On y suit un homme dépassé par ce qu’il voit. Quand on a vécu en Algérie puis dans le Jura, l’arrivée à Paris est forcément un choc, tant la capitale française regorge de gens très différents, souvent éloignés de nos propres valeurs. Hakim et sa fille découvrent coup sur coup le racisme, malheureusement, mais aussi l’irrespect, la brutalité. On va les suivre aussi dans le monde de la fameuse « nuit parisienne », de soirées privées aux bars glauques à chicha où des petites frappes font régner la loi. Mais Paris ce n’est pas seulement cette facette négative. C’est aussi des gens formidables et disposés à aider un père et sa fille dans leur quête.
Et c’est une ville magnifique (et magnifiquement filmée) la nuit. Aidé de Guillaume Schiffman, directeur de la photographie travaillant habituellement avec Michel Hazanavicius (la superbe photo de The Artist, c’est lui !), Naidra Ayadi livre un premier film techniquement solide en terme de mise en scène. Il faut dire que la réalisatrice est épaulée par des comédiens impliqués, Roschdy Zem et Natacha Krief étant formidables.
Avoir transformé le héros paysan de Clavel en un Algérien est d’autant plus une bonne idée qu’elle permet d’évoquer les différences qu’il peut y avoir entre deux populations de deux époques. D’un coté l’immigré ayant combattu pour la France et ayant une conception des choses aussi vieillotte que décalée. Le personnage le reconnait lui-même à sa fille : il se sent perdu, et utilise alors les valeurs qu’il connait et pratique pour mettre des barrières dans son existence. De l’autre, la jeunesse installée en France qui veut autre chose que les vieilles idées dépassées…
Ça permettra au héros une vraie prise de conscience et à la jeune fille qu’il recherche de faire un choix.
Reste malheureusement quelques petites coquilles d’écriture. Les motivations du père à quitter le Jura pour Paris paraissent légères (un simple SMS, vraiment ?), l’enquête est un peu trop facile et, surtout, le film se cherche en terme de genre. Drame familial ou thriller ? Naidra Ayadi a perpétuellement le cul entre deux chaises. On aurait aimé qu’elle se décide, certaines scènes étant bien trop en décalage les unes par rapport aux autres.
Mais peu importe. On se prend vite d’affection pour ce personnage, et on espère tout au long du récit qu’il finisse par trouver ce qu’il cherche, en lui-même.
Ma Fille, de Naidra Ayadi – Sortie le 12 septembre 2018