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Critique : Livide
Après A l’Intérieur sorti en 2007, Alexandre Bustillo et Julien Maury ont reçu plusieurs propositions pour travailler aux Etats Unis. Leurs noms ont été évoqués pour un remake d’Hellraiser mais ils ont surtout bossé sur une version d’Halloween II qui n’a jamais vu le jour comme ils l’expliquaient lors de notre rencontre en mars dernier.
Mais c’est finalement en France et plus précisément en Bretagne que les deux réalisateurs ont choisi de tourner leur nouveau long-métrage, le très attendu Livide qui fait actuellement la tournée des festivals.
Après avoir été montré à Toronto en première mondiale, Jessica a pu le voir à Strasbourg il y a quelques jours.
Et ça promet…
Livide – Sortie prochaine
Réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo
Avec Chloé Coullod, Marie-Claude Pietragalla, Catherine Jacob
En Bretagne, la nuit d’Halloween, la jeune Lucie Clavel et ses deux acolytes qui s’ennuient à mourir dans leur petite ville de Province décident sur un coup de tête de cambrioler la maison d’une vieille femme plongée dans le coma. La légende veut que cette maison renferme un trésor…. Après avoir traversé la lande de nuit, le trio arrive chez Deborah Jessel et pénètre dans sa maison plongée dans les ténèbres. Ils ne tarderont pas à découvrir un « trésor » surprenant, ainsi que la véritable identité de Déborah Jessel
Nouveau-né d’Alexandre Bustillo et Julien Maury, duo incontournable de la french touch du cinéma de genre depuis le succès de leur précédent film A l’intérieur, Livide sera le dernier de cette série de critique consacrée à la programmation du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg. Présenté en compétition, il s’affirme comme héritier d’une tradition proprement fantastique, souvent boudée des réalisateurs français. Rappelons alors pour commencer la définition du fantastique : il s’agit de l’irruption, dans un cadre réaliste, d’éléments surnaturels, des éléments inexplicables qui se trouvent cependant éclairés, précisément par leur contexte.
Et l’entreprise des deux auteurs s’y prête indéniablement : quoi de plus réaliste, en effet, et de plus banal aussi, qu’une adolescence passée dans une petite ville de la province bretonne, à l’atmosphère rendue pesante aussi bien par l’ennui que par le poids de ses légendes. Pour fuir le premier, trois jeunes gens se lancent à corps perdu dans les secondes, se décidant à traverser la lande mystérieuse pour aller cambrioler le manoir isolé d’une vieille femme plongée dans le coma. Et comme toujours dans les histoires que l’on raconte le soir à la veillée, la maison qui est censée renfermer un trésor renferme en réalité les pires secrets. Difficile d’en dire plus sans ruiner entièrement une narration particulièrement bien construite, faite de jeux d’échos et de rappels qui parviennent à donner à l’ensemble une réelle cohérence, provoquant ainsi l’adhésion du spectateur.
Au-delà des références cinématographiques explicites, qui sont comme autant de gâteries pour le spectateur initié, le duo Bustillo-Maury ré-exploite ainsi intelligemment tous les codes du genre dans un récit qui vise, sans prétention mais avec conviction, à l’élaboration d’une mythologie propre. La maison, qui devient assez vite, et de manière assez classique, un véritable huis-clos étouffant fonctionne comme un univers hermétiquement clos sur lui-même, obéissant à ses propres règles. Au passage, impossible de ne pas remarquer la qualité dans le travail de la lumière mais surtout des décors, qui sont une réussite totale.

Toutefois, puisque l’on adhère sans peine à cette idée de maison séparée du reste de l’univers, il n’était sans doute pas nécessaire de vouloir à tout prix le manifester visuellement. Le même reproche doit être fait à la musique qui, si réussie soit-elle, peut paraître trop présente et joue un rôle souvent trop simplement illustratif. Elle représente cependant bien la recherche d’une dimension quasi-poétique attachée à tout le film, qui se manifeste aussi dans l’omniprésence de la danse et dans quelques plans. Certains sont réussis, comme ceux des papillons, d’autres moins, en particulier ceux de la fin qui étaient peut-être, là encore, dispensables car inutilement explicatifs. Malgré ces bémols, la partition se joue avec un plaisir certain, et l’incertitude dans laquelle le spectateur est maintenu tout au long du film ne fait qu’en augmenter le ravissement. Le décrochement qui s’opère par rapport à la réalité se fait progressivement, par strates successives, et joue avec les clichés incontournables du genre pour suggérer plusieurs fausses pistes.
En cela, il apporte une véritable valeur ajoutée à des films comme Les Autres d’Amenàbar, ou L’Orphelinat de Bayona, pour ne citer que deux des représentants les plus connus de la vague espagnole du cinéma fantastique, connue et bien accueillie en France. Le film additionne donc cette virtuosité narrative à la mise en place d’une ambiance et d’une atmosphère propres. D’aucuns diront que le film est gratuit, qu’aucun propos n’y est décelable, il est facile de leur répondre qu’il n’y a pas à refuser aux réalisateurs français ce qui est permis aux réalisateurs étrangers, à savoir concevoir le cinéma comme le lieu de déploiement d’une fiction et non d’une démonstration. Et force est alors de constater que la chronique fantastique que nous propose Livide est dans l’ensemble une réussite qui pêche parfois par son besoin de tout expliquer, sacrifiant ainsi à la démonstration, justement, une part de mystère qui aurait été la bienvenue pour parachever l’ensemble, captivant, de la composition.