4767Vues 0commentaires
Écrit par Alexandre Dumas et publié sous forme feuilletonnante en 1844, Les Trois Mousquetaires a connu tellement d’adaptations qu’il est impossible de toutes les nommer. Citons néanmoins celle de 1903 (!) par George Meliès, la version d’André Hunebelle avec notamment Bourvil, celle de Richard Lester avec la regrettée Raquel Welch en Constance sans oublier les versions de Stephen Herek (avec Kiefer Sutherland et Charlie Sheen) ou même celle de Paul W.S Anderson et ses bateaux volants. L’oeuvre de Dumas, peut-être le plus grand roman de cape et d’épées écrit à ce jour, a connu tellement de versions que tout le monde en connait l’intrigue.
La version 2023 est signée du réalisateur d’Eiffel, Martin Bourboulon avec Alexandre de La Patellière et Mathieu Delaporte (Le Prénom) à l’écriture. L’histoire désormais racontées en deux parties, comme celles de Richard Lester cinquante ans plus tôt, sera accompagnée de séries spin off et même d’une autre adaptation de Dumas, le Comte de Monte Cristo avec Pierre Niney. Un pari pour le producteur, Pathé, qui, non content d’avoir investi 73 millions d’euros, espère que cette superproduction française sera l’équivalent d’un Maverick ou d’un Avatar : un film capable d’attirer massivement le public. D’Artagnan peut-il sauver les salles de cinéma de l’Hexagone ?
D’Artagnan est un jeune Gascon qui monte à Paris rejoindre les Mousquetaires du Roi. Admis en tant que cadet, il va se retrouver à enquêter sur la mort d’une jeune femme, enquête qui va lui faire découvrir un complot, fomenté par le Cardinal Richelieu, visant à faire tomber la Couronne. Il devra, entre autre, courir en Angleterre récupérer un collier que la Reine de France a offert au Duc de Buckingham son amant anglais, un périple qui pourrait bien faire exploser la tête du pays si le héros échouait.
De la Patellière (dont le père, pour l’anecdote, avait porté à l’écran Le Comte de Monte-Cristo, un autre Dumas, avec Jacques Weber) et Delaporte s’emparent du bouquin de Dumas pour en garder l’essentiel, les éléments clefs de l’histoire qu’on a tous en tête (le duel du début, Constance, Milady, le Cardinal, les ferrets) pour mieux apporter leur pierre à l’édifice. C’était nécessaire et c’est fait intelligemment : une histoire tant racontée ne pouvait l’être qu’en étant au moins un peu modifiée. Ainsi quelques personnages sont modifiés (Constance n’est plus mariée, Porthos est ouvertement bisexuel…) et une intrigue impliquant Athos est ajoutée, mais celle-ci permet aux différemment éléments de l’histoire de trouver un fil conducteur. Et ça permet même de rebondir sur les écrits de Dumas, notamment en ravivant le passé du Mousquetaire, tout en créant un effet de surprise pour le spectateur. Une intrigue fidèle mais adaptée donc et quelques dialogues solides, portés par des comédiens certes trop vieux par rapport à l’œuvre de papier mais heureux d’être là et de tourner ensemble.
Dès le premier teaser, on a reproché au film d’avoir l’air très jaune. La colorimétrie ne s’arrange guère au montage final et on a toujours cette forte impression de monochrome un peu dommage, surtout quand on sait qu’à l’époque les gens s’habillaient avec plein de couleurs. Dans l’esprit, difficile aussi de ne pas regretter les uniformes tels que les adaptations précédentes les ont apporté. Certes, la casaque n’était pas historique mais elle participait tellement au panache des personnages qu’on la regrette.
Ceci étant dit, ça n’empêche pas Martin Bourboulon de soigner sa mise en scène. Le réalisateur implique ses acteurs, qui font pour la plupart leurs cascades, et cherche régulièrement le plan-séquence quand il filme de l’action. Le résultat est l’inverse des productions américaines super-héroiques habituelles, sur-découpées et impliquant des cascadeurs qu’on n’a pas le temps de voir tant tout va trop vite.
Le résultat est le plus solide divertissement français sorti en salles depuis de nombreux mois. Les Trois Mousquetaires version 2023 est le texte d’Alexandre Dumas remis au gout du jour, avec juste ce qu’il faut d’adaptation pour surprendre encore le spectateur. On a désormais hâte de voir la seconde partie (qui devrait montrer le fameux siège de la Rochelle). d’Artagnan est désormais prêt à sauver le cinéma français, et on ne peut que vous recommander de vous laisser faire.
Les Trois Mousquetaires: D’Artagnan, de Martin Bourboulon – Sortie en salles le 5 avril 2023