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Critique : Le Territoire des Loups
Régulièrement, la promo d’un film tente de vendre autre chose que ce qu’il est vraiment.
Ainsi, les premières images du Territoire des Loups (The Grey en VO) montraient un film d’action réunissant à nouveau Joe Carnahan et Liam Neeson après L’Agence Tous Risques. Le film a été vite qualifié de « Taken avec des loups ».
Mais c’est en réalité tout autre chose que le réalisateur de Narc propose…
Le Territoire des Loups – Sortie le 29 février 2012
Réalisé par Joe Carnahan
Avec Liam Neeson, Dallas Roberts, Frank Grillo
Comme beaucoup de ceux qui choisissent de vivre au fin fond de l’Alaska, John Ottway a quelque chose à fuir. De sa vie d’avant, il garde le souvenir d’une femme, une photo qu’il tient toujours contre lui, et beaucoup de regrets.
Désormais, il travaille pour une compagnie pétrolière et protège les employés des forages contre les attaques des animaux sauvages.
Lorsque le vol vers Anchorage qu’il prend avec ses collègues s’écrase dans l’immensité du Grand Nord, les rares survivants savent qu’ils n’ont que peu de chances de s’en sortir. Personne ne les trouvera et les loups les ont déjà repérés. Ottway est convaincu que le salut est dans le mouvement et que la forêt offrira un meilleur abri. Mais tous ses compagnons d’infortune ne sont pas de son avis et aux dangers que la nature impose, s’ajoutent les tensions et les erreurs des hommes. Eliminés par leurs blessures, le froid, les prédateurs ou leurs propres limites, les survivants vont mourir un à un. Ottway va tout faire pour survivre avec les derniers, mais quelle raison aurait-il de s’en sortir ?
« Le Territoire des loups » nous entraîne aux confins du monde et d’un homme, à la découverte de ce qu’il y a en chacun de nous…
Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tuer.
Pourtant, on était les premiers à prédire un avenir peu radieux pour Joe Carnahan en 2010 après son Agence Tout Risques que l’on avait joyeusement détesté, et qui s’est mangé un bide assez éloquent au box office. (le film ne s’est pas rentabilisé sur son exploitation US, ce qui n’est jamais bon pour un blockbuster)
Sorti de cette expérience en demi-teinte, le réalisateur agité a vu ses ambitions à la baisse et est retourné à un cinéma plus modeste économiquement, permettant ainsi la création du Territoire des Loups, pour lequel il retrouve Liam Neeson.
L’occasion pour les deux hommes de montrer les crocs ?

Loin de la tour transformée en champ de bataille dans Mise à Prix et des acrobaties en tank parachuté de The A-Team, Le Territoire des Loups suit le parcours d’un chasseur travaillant en Antarctique pour protéger les employés contre les attaques des bêtes féroces qui y vivent, et qui va se retrouver avec d’autres hommes perdu en pleine nature après le crash d’un avion.
Seuls sans aucun moyen de communication et avec le strict nécessaire, notre troupe va devoir parcourir des plaines enneigées en espérant ne pas avoir à faire face à ces habitants qui ont le chic de toujours agir en meute.
La chose la plus surprenante à propos de The Grey, c’est l’impression que le film provient d’un âge passé du cinéma, en digne héritier des 70’s.
Ne prenant pas une seconde le parti de donner dans un combat bourrin et frénétique comme le laisse penser la promotion stupide du film, Le Territoire des Loups emprunte autant à Délivrance qu’aux Dents de la Mer tant il n’est question que d’une chose : l’homme contre la nature. Le plus noble et le plus ardu des combats, dans une partie de la terre sur laquelle l’homme n’a pas réussi à étendre son emprise et contre laquelle il est désarmé, devant faire appel à ses instincts de survie les plus primaires pour espérer s’en sortir. Débarrassé des folies qui ont animés ces 2 derniers films, Carnahan va tout mettre en œuvre pour magnifier cette rencontre cruelle et dans laquelle chaque être n’en sortira que grandit, si il ne s’est pas fait bouffé auparavant.
Usant d’une caméra à l’épaule évitant de trop valdinguer dans tous les sens, le réalisateur a décidé que ce ne serait pas uniquement ses personnages qui endureraient la raideur et le caractère abrupt d’un environnement sans pitié. Immersive au maximum, sa mise en scène rend hommage aux majestueux paysages traversés, intactes de toute présence humaine, jusqu’à l’arrivée des survivants qui sont souvent écrasés par la taille des lieux et la pureté qu’ils dégagent. Telle une anomalie, ces hommes vont se faire traquer par des monstres de puissance et de cruauté, les différentes attaques des loups survenant toujours avec une brutalité et une sauvagerie inimaginables, permettant à Carnahan d’user du jump scare de manière intelligente, ce qui est assez miraculeux ces dernières années. Mais le but n’est pas de profiter du spectacle et cette violence s’avère tétanisante tant elle est imprévisible et indomptable. Ces loups là, régis par la loi la plus impitoyable qui soit, sont à vrai dire les catalyseurs d’un parcours interne bien plus profond qu’il n’y paraît.

Il n’est pas seulement question de prédateurs et de proies sans The Grey, et cette quête pour la vie va avoir un écho dans toute la vie de John Ottway, le personnage de Liam Neeson. C’est avant tout l’histoire de cet homme brisé par l’existence, qui n’arrive pas à de détourner de son passé, et pour qui la vie n’a plus aucun goût à présent, du moins semble t’il le croire. Quand le primitif rappelle cet être à s’accrocher à la vie et à s’en sortir, le film trouve là sa vraie dimension, cette épreuve son véritable but.
Un héros auquel Liam Neeson donne toute la substance nécessaire tant l’homme est habité et se donne à 300% pour nous offrir peut être sa plus belle performance depuis La Liste de Schindler. On y retrouve en effet l’étincelle et la rage du personnage à travers son regard, la prestance et le charisme naturel du comédien faisant le reste.
Carnahan a su capter ça avec subtilité à travers certains flashbacks discrets et amenant de manière invisible tout le background nécessaire pour partager les peines du héros et mieux comprendre ses motivations, permettant au film d’accoucher de purs moments de poésie au travers de ce périple éreintant dont la noblesse de fond n’a d’égale que la beauté de ses décors. C’est ce qu’on appelle être touché par la grâce.
Survival âpre ne ménageant jamais son spectateur, le Territoire des Loups montre un Joe Carnahan en pleine possession de ses moyens et s’étant calmé niveau surenchère pour mieux se focaliser sur son sujet.
Avec un Liam Neeson au sommet, voilà un voyage sublime que n’aurait pas renié le John Boorman de la grande époque, et prouvant la capacité délirante de son réalisateur à rebondir. Comme quoi parfois, se planter peut avoir du bon.
1 commentaire
par ranelli
Je l’ai vu, et je l’ai très bien apprécier. Je trouve même que la fin est bien approprié.