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Critique : Le Poulain
La comédie française aurait-elle le vent en poupe ? Entre I Feel Good de Delepine et Kerven (sortie le 26/9) ou même Première Année, on voit de jolies choses très « locales » sur les écrans.
Le concurrent inattendu s’appelle Le Poulain, premier long-métrage réalisé par l’auteur de bandes dessinées Mathieu Sapin qui tente, lui aussi, sa chance avec de vrais comédiens…
LA CRITIQUE
Mathieu Sapin sait-il tout faire ? Dessinateur et scénariste de bandes dessinées, il a adapté sur papier Jules Verne ou H.P Lovecraft. On lui doit « Feuille de Chou », le journal de tournage de Gainsbourg Vie Héroïque. Il a également suivi François Hollande en 2012 pendant la campagne présidentielle puis à l’Elysée (pour deux albums) et Gérard Depardieu à intervalles réguliers pour « Gérard » dont nous parlions ici. Le voici désormais aux commandes d’un long métrage de fiction, se déroulant lui aussi dans l’univers de la politique. Une surprenante réussite.
Le Poulain commence de manière absurde : dans le cabinet d’un homme politique incarné par l’indispensable Philippe Katherine qui prend des cours d’allemand. Il décide que son jeune professeur veut forcément faire carrière. Et il le présente à la chargée de communication d’un candidat à la présidentielle. Contre son gré, ou presque, il va découvrir un milieu qui n’est pas le sien – et nous aussi par la même occasion.
Plongeon dans les coulisses d’une élection qui en rappelle d’autres…
Dès l’introduction, on pense fort à Quai d’Orsay, la BD de Blain et Lanzac adaptée par Bertrand Tavernier. Les deux histoires ont en commun d’évoquer le monde politique français, de manière drôle et parfois décalée à travers le regard d’un jeune débutant. Mais si l’un montrait les coulisses du pouvoir en place, et tendait vers la caricature, l’autre est d’avantage un film de personnalités. Mathieu Sapin met de coté toute notion de programme et de parti pour se consacrer aux hommes et aux femmes de son histoire. Pas de droite ni de gauche, pas d’idées émergentes mais une bataille de communication, où les coups bas et les trahisons s’enchainent. Le héros, lui, rappelle Tintin : il est extrêmement gentil mais lambda et ce sont tous les seconds rôles qui font le sel de son histoire. La formidable Alexandra Lamy incarne, elle, une femme de pouvoir prête à tout pour arriver au sommet.
On prend connaissance d’un univers de manigances, de tricherie et de bassesses et où la tension sexuelle est permanente. Et on se prend à se demander quelle est la part de réalisme dans tout ça. N’oublions pas que Mathieu Sapin a suivi la campagne de François Hollande, suffisamment pour qu’on se dise qu’il sait de quoi il parle. A l’image du clan des « Mousquetaires », garde rapprochée du candidat en question, qui font des réunions inutiles en mangeant du cake aux lardons en chaussettes, on découvre des gens qui veulent le pouvoir mais surtout ne rien faire. Dans tous ces personnalités arrivistes, personne n’en a rien à foutre de diriger la France, de réformer le pays, d’améliorer la condition de vie des citoyens. Ils veulent un titre et des avantages, rien d’autre. Comme dans la vraie vie ? Une scène en particulier, celle de la composition d’un futur gouvernement résume bien la situation, étant aussi drôle qu’effroyable.
Est-on dirigé par une belle bande de clampins qui ne pensent qu’à eux ? C’est ce que le parcours du Poulain, incarné avec beaucoup de justesse par Finnegan Oldfield, laisse penser. Mathieu Sapin, lui, livre un film aussi drôle que mordant. Comme quoi, le bougre sait tout faire.
Le Poulain, de Mathieu Sapin – Sortie le 19 septembre 2018