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Critique : L’Attente

Les sorties cinéma de ce mercredi ont été désertées par les grosses productions internationales (on se souvient de Rogue Nation finalement avancé à l’été). Mais quelques films français résistent encore et toujours à l’envahisseur galactique : Le Grand Jeu, avec André Dussollier, La Vie Très Privée de Monsieur Sim avec Jean-Pierre Bacri et le Gout des Merveilles avec Virginie Efira.

C’est aussi le cas de l’Attente avec Juliette Binoche et Lou Delaâge…

 

LA CRITIQUE

L’attesa est le premier long métrage de Piero Messina, par ailleurs assistant réalisateur de plusieurs films de Sorrentino (La grande bellezza et This must be the place). Il a été présenté en compétition à la 72e Mostra de Venise.

L’histoire se déroule en Sicile, dans un magnifique domaine qui appartient à Anna (Juliette Binoche). Son fils Giuseppe vient de mourir, lorsque débarque sa petite-amie, Jeanne (incarnée par Lou de Laâge, déjà aperçue dans J’aime regarder les filles, Respire). Anna décide alors de lui mentir : c’est son frère qui vient de mourir, Giuseppe reviendra dans quelques jours.

Quel étrange mensonge, non ? Pas si étrange que ça, quand on comprend (ou plutôt que l’on déduit car rien n’est explicite dans ce film) que Anna, anéantie par le chagrin de la perte, ne peut se résoudre à affliger la jeune fille du même poids. Et puis surtout, cette « belle-fille » que personne n’attendait, détient une part de son fils, la part de l’amoureux, que sa mère méconnait. « Il est jaloux, Giuseppe ? » lui demande-t-elle ainsi innocemment un soir de confidences. Grâce au portable retrouvé dans la chambre de son fils, Anna peut ainsi entendre les messages que lui laisse son amoureuse, qui se trouve en fait dans la pièce d’à côté. Et puis surtout Jeanne (Lou de Laâge) est une aubaine pour la mère : elle permet de vaincre la trop grande solitude qui s’annonce.

La psychologie des personnages est totalement absente dans le film, mais impossible pourtant de ne pas ressentir une profonde empathie pour Juliette Binoche, qui crève encore l’écran de sa présence : on ne voit qu’elle, on rit avec elle, on partage ses pleurs, et on lui pardonne tout, même le pire !

Le film est inspiré d’une pièce de Luigi Pirandello, « La vita che ti diedi » : « La vie que je t’ai donnée », et on sent l’emprise de la pièce sur le réalisateur, qui a du mal à se départir de la dimension dramaturgique (et ennuyeuse ?) de l’histoire. L’attente du retour de Giuseppe par Jeanne prépare ainsi le drame. Comment ici ne pas penser à Beckett et au Godot qu’on attend mais qui ne viendra jamais ? Le ressort premier du théâtre dramatique n’est-il pas justement le mensonge ? « Waiting for the miracle », le titre de la sublime chanson de Leonard Cohen sur laquelle danse Jeanne au milieu du film, n’est pas anodin ! Le mensonge de Anna n’est peut-être au fond qu’une façon d’attendre ce miracle – ou plutôt de repousser son absence programmée : elle-même ne finit-elle pas d’ailleurs par croire que peut-être, son fils est toujours vivant ?

C’est parce qu’il réussit à saisir ce qui constitue le cœur du deuil : l’absence définitive de l’être aimé, que Messina parvient de justesse à convaincre avec ce premier film. Malgré tous les tics de caméra – que l’on retrouve d’ailleurs dans les films de Sorrentino (longs ralentis sur des moments dansants, plans magnifiques mais qui n’apportent pas grand chose…) L’attesa séduit.

De justesse donc, car le réalisateur peine à construire son long-métrage et se perd parfois dans des circonvolutions peu convaincantes (le passage où Jeanne rencontre deux garçons notamment), d’autant plus que si l’on est honnête, le film n’aurait pas du tout la même force sans Juliette Binoche ! (C’est ce constat qu’avait d’ailleurs fait Le Monde à la fin de la Mostra en titrant « À la mostra, acteurs en quête d’auteurs »).

Le film manque de souffle, et plonge le spectateur dans « l’attente », qui comme pour l’héroïne, se révélera inassouvie. A moins que l’attente est elle-même un assouvissement – bref tout ça est très beckettien ! Dans tous les cas, on oubliera l’ennui de certaines scènes et la prétention de certains plans pour retenir l’invraisemblable talent d’une Juliette Binoche toujours juste, qui nous plonge à chaque fois dans le tourbillon des sentiments.

 

L’Attente – Sortie le 16 décembre 2015
Réalisé par Piero Messina
Avec Juliette Binoche, Lou de Laâge, Giorgio Colangeli
Dans les grands salons d’une ancienne villa marquée par le temps, Anna, touchée par un deuil soudain, passe ses journées dans la solitude. La campagne sicilienne, sauvage et d’une grande beauté, entoure la maison et l’isole tandis que le brouillard se lève lentement sur les flancs de l’Etna. Seuls les pas de Pietro, l’homme à tout faire, rompent le silence. A l’improviste arrive Jeanne, la petite amie de Giuseppe, le fils d’Anna, qu’il a invitée à venir passer quelques jours en Sicile. Anna ignorait l’existence de Jeanne et Giuseppe est absent. Il va revenir bientôt, très bientôt….. c’est ce que dit Anna à Jeanne. Les jours passent, les deux femmes apprennent lentement à se connaître et attendent ensemble le jour de Pâques, où Giuseppe rentrera pour la procession.

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