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Critique : L’Amant Double

François Ozon est un habitué du Festival de Cannes. Si son long métrage précédent avait plutôt eu les honneurs de Venise, il avait présenté sur la Croisette Swimming Pool en 2003 et Jeune et Jolie dix ans plus tard.

Il revient cette année encore avec Marine Vacth pour un film qui est sorti en même temps dans toutes les bonnes salles de France. Ce qui nous a permis d’aller le voir à Paris…

 

LA CRITIQUE

Le cinéma de François Ozon n’est pas, de prime abord, celui qui passionne le plus l’auteur de ces lignes. Mais voir le réalisateur de Huit Femmes s’exercer au film de genre, ici le thriller Brian de Palma-esque, avait tout pour plaire. D’autant qu’il est -librement certes- adapté d’un bouquin de Joyce Carol Oates intitulé Live of Twins et qu’il est porté par l’un des plus grands comédiens francophones actuels, le beaucoup trop sous-estimé Jérémie Rénier.

L’Amant Double commence bizarrement puis brutalement. D’abord par une scène sans intérêt où l’héroïne se fait couper les cheveux. Comme si Ozon voulait garder dans ses archives la nouvelle coupe de son actrice fétiche, Marine Vacth. Puis sur un sexe féminin en gros plan ouvert lors d’une séance de gynécologie et qui se referme pour prendre la forme de l’oeil de l’héroïne. C’est là qu’on va apprendre que Chloé a mal au ventre et que c’est probablement « dans sa tête » comme le lui explique sa gynéco. Elle va donc enchainer avec un rendez-vous chez un psy qui la laisse parler sans dire grand chose, ce qui suffit à la faire tomber amoureuse. Et un jour, alors qu’elle quitte son boulot pour rejoindre leur nouvel appartement commun, elle va apercevoir dans la rue celui qui se révèlera être son jumeau à tendance maléfique.

D’Alexandre Dumas aux Chevaliers du Zodiaque, de Sœurs de Sang à Scott Pilgrim, le double maléfique a traversé le temps et les récits au point qu’on ait abordé tous les cas possibles dans la pop culture. Dès lors, le film de François Ozon nous fait nous interroger et explorer toutes les pistes du genre. Que cache le duo incarné par Jérémie Rénier ? Sont-ils une seule et même personne ? Est-ce que tout cela ne serait pas seulement dans la tête de Chloé ? On a déjà tout vu et Ozon ne réinvente rien. Mais l’interrogation est de mise et c’est ce qui fait tout l’attrait du film.

Tout n’est pourtant pas parfait. Jérémie Rénier et Marine Vatch sont tous les deux impressionnants de talent. Si le premier avait déjà crevé l’écran devant la caméra de Florent Emilio-Siri, l’autre se révèle être ici une actrice à suivre avec un réel potentiel. A l’heure où les comédiens français ont tendance à réciter leur texte comme s’ils étaient sur des scènes de théâtre sans chercher à faire passer quoi que ce soit ni dans la voix ni dans les yeux, on ne peut que se réjouir.

Mais pourtant, des éléments aussi bien dans l’écriture que dans la mise en scène font tiquer. François Ozon se sent obligé d’illustrer la notion de double à l’image avec des scènes utilisant les miroirs. Et il use de grosses ficelles, voir d’énormes sabots à des moments où on n’en avait pas besoin, comme cette scène où Chloé a un orgasme et qui est filmé là aussi de l’intérieur.
A l’écriture aussi, le bas blesse. La facilité avec laquelle la jeune femme couche avec la version négative de Jérémie Rénier est déconcertante. En une poignée de plans, l’ensemble est réglé sans rien ne soit montré à l’image. On comprend qu’elle cherche, à travers lui et des scènes de lit osées, explorer son propre coté sombre mais l’ensemble manque de justification et frise parfois le ridicule (voire l’apologie du viol dans une scène hautement dispensable).
Et puis, de manière plus générale, si la « version light » de Jérémie Rénier avait bien voulu tout dire à celle dont il partage la vie, plutôt que des garder des secrets, l’issue aurait été toute autre.

Il faut également souligner, à propos d’issue, la fin faisant penser à un roman de Jean-Christophe Grangé, bien connu pour mettre en place des intrigues complexes et les faire se terminer de manière grossière. Là aussi, le réalisateur a manqué de finesse.

Il se dégage néanmoins de L’Amant Double un je ne sais quoi d’attirant. Entre le charme de ses comédiens, la sensualité de certaines scènes et l’envie d’aller au bout du mystère en place, de savoir réellement ce qui s’est passé. Et malgré les défauts évoqués. Ozon n’est ni De Palma ni Cronenberg mais il parvient à tenir son spectateur en haleine et ce n’est déjà si pas mal.

L’Amant Double, de François Ozon – Sortie le 26 mai 2017

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