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Critique : Laissez bronzer les cadavres
Après avoir été portés à l’écran dans les années 70-80 notamment avec Trois Hommes à Abattre de Jacques Deray ou Pour La Peau d’un Flic réalisé par Alain Delon, les romans de Jean-Patrick Manchette retrouvent grâce auprès des producteurs de cinéma.
Après The Gunman, très librement (et mal) adapté de La Position du Tireur Couché par Pierre Morel, c’est au tour de Laissez Bronzer les Cadavres de trouver le chemin des salles obscures, mis en scène par Hélène Cattet et Bruno Forzani.
LA CRITIQUE
Après avoir investi les codes du Giallo pour en pervertir l’esthétique à l’extrême à deux reprises, on se demandait bien où irait le duo Hélène Cattet & Bruno Forzani dans la suite de leurs aventures.
L’air de rien, les deux réalisateurs ont fédérer une vraie communauté autour d’eux, bien au-delà des frontières françaises et pourtant, ils revendiquent à 100% leurs origines et continuent de le faire, comme le prouve Laissez Bronzer les Cadavres, leur 3ème long-métrage qui leur permet de dévier un peu de genre puisqu’ici, place au polar sulfureux avec cette adaptation d’un roman de Jean-Patrick Manchette. L’occasion de diluer les délires peu accessibles ?
Le pitch du film est assez simple, avec une bande de braqueurs se réfugiant dans une villa perdue dans le maquis Corse, qui attend que les choses se tassent chez un couple d’artistes avant de se faire la belle. Manque de pot, les connaissances des propriétaires et surtout un duo de flics vont s’en mêler, ou s’emmêler ça marche aussi, et le tout va finir en sacré bordel.
A tout ceux qui avaient peur de voir le duo se calmer, rassurez-vous !
Citant à tort et à travers aussi bien Mario Bava que Sergio Leone, les cinéastes n’ont rien perdu de leur mordant et de leur caractère expérimental. Segmentant inlassablement le film avec des cartons annonçant l’heure, ils ne cessent d’aller et venir dans l’action pour la décortiquer jusqu’à l’os. La moindre fusillade s’en trouve ainsi montrée à plusieurs reprises, à chaque fois d’un point de vue et de tir différent. Cette logique trouve évidemment son point d’orgue dans le découpage, où chaque fait et geste est lui aussi éclaté, analysé et scruté par la caméra dans une succession de gros plans, comme pour ralentir le temps, savourer chaque instant de l’action et n’en perdre aucune miette.
Cette volonté de cinéma jusqu’au boutiste transcende toute la pellicule tant tout est amplifié, exagéré, plus grand que nature. Les mouvements des blousons et gants en cuir font plus de bruit qu’une vache, chaque réplique se veut cinglante et immédiate, le casting est composé d’acteurs aux gueules pas possibles et si cela ne suffisait pas, le film recoupe totalement avec les aspects les plus psychédéliques d’Amer ou l’Etrange Couleur des Larmes de Ton Corps, en embrassant les visions fantasmagoriques de l’artiste chez qui se déroule ce foutoir. Vous voulez de la golden shower esthétisante, des visions de muse dont le corps se fondrait presque avec de l’or et tout un tas de plans tableaux, dont le but premier est de satisfaire vos envies de 7ème art fétichiste ? Vous allez être servis !
En soit, une telle démarche, qui réfute des règles de narration classique pour chercher le sensoriel le plus total, est forcément louable dans la production cinématographique nationale. Le cinéma de Cattet et Forzani continue à faire figure d’OVNI dans le réseau de salles classiques, et constitue une alternative louable. Cela étant, comme pour les précédents, il se peut fortement que beaucoup y soient insensibles tant la production est souvent à la limite du kitsch dans ses effets ultra prononcés, et quiconque ne sera pas sensible à leur style n’y trouvera rien d’autre pour se satisfaire.
À vous de voir si vos bas instincts seront flattés ou non.
Laissez Bronzer les Cadavres, de Hélène Cattet et Bruno Forzani – Sortie le 18 octobre 2017