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Critique : La Traversée
Depuis Coluche et son Tchao Pantin, les comédiens-humoristes tentant l’aventure du film sérieux sont de plus en plus nombreux et ce n’est pas Gad Elmaleh bientôt à l’affiche du prochain Costa-Gavras sur la crise financière qui démentira cette habitude.
Mais avant lui, c’est Michael Youn qui se lance devant la caméra de Jérôme Cornuau, metteur en scène à qui on doit Les Brigades du Tigre et des petits bouts de Nid de Guêpe de Florent Emilio-Siri sur lequel il était réalisateur seconde équipe.
Ça lui a bien réussi…
Les thrillers sont assez rares dans le paysage cinématographique français pour que La Traversée n’ait pas éveillé notre curiosité. Projet personnel de Jérôme Cornuau, qu’il a co-écrit et réalisé, ce film se distingue pas une volonté minimaliste (quatre ou cinq personnages importants, peu de lieux différents) et surtout par la détermination de son instigateur à créer un univers visuel et de mise en scène riche, à la personnalité immédiatement identifiable.
Le film affiche très rapidement ses partis pris de mise en scène aux objectifs multiples. La proximité de la caméra avec le protagoniste ou la présence souvent de dos de ce dernier amènent, par exemple, une idée d’identification et d’immersion du spectateur dans un monde initialement chaleureux, qui se transformera vite en étau paranoïaque se refermant autour du héros.
Cette tension est par ailleurs rendue palpable grâce à une stratégie de représentation de l’univers basée principalement sur une alternance entre cadres jouant sur le rapport de chaque personnage à son environnement, et plans d’ambiance en lents travelings, ouvrant presque chaque séquence du métrage. Le découpage suit la même logique, favorisant les plans longs ; même dans les scènes les plus dynamiques. Pour accompagner sa rhétorique longuement pensée, Cornuau s’appuie également sur un jeu de couleurs et d’éclairage toujours au service de l’histoire, dominé par les teintes ternes, elles-mêmes adaptées à l’état d’esprit de son personnage principal. Ce travail plastique lui permet, il faut le dire, de créer quelques très beaux plans entre ambiance malsaine et onirisme.

Sa musique, dernier élément formel venant s’ajouter à cette artillerie narrative, est à mi-chemin entre les thèmes sélènes de Clint Mansell et l’ambiance lyrique du duo de A Single Man. Si le registre lui confère un capital efficacité immédiat, sa dimension redondante finit par lasser et dessert finalement un récit plongeant dans les méandres du thriller psychologique, la faute à des thèmes cycliques, trop appuyés et beaucoup trop présents. C’est cette omniprésence qui se révèle fatale à l’utilisation de la bande originale, qui n’évite pas d’indiquer au public ce qu’il devrait ressentir à tel ou tel moment.
Nous l’avons dit, le film se veut à la fois oppressant et intrigant grâce à une mise en scène travaillée. Toutefois, le réalisateur ne s’arrête pas là et s’évertue à alimenter, tout au long de l’histoire, l’idée que nous sommes au cœur d’une mystérieuse conspiration tentaculaire tendue par tout personnage qui ne serait pas Martin Arendt. On avouera regretter la grossièreté de traitement de cet élément, principalement exprimé par le biais de dialogues à la qualité inégale, alternant entre justesse dans les moments intimes et invraisemblance latente lors de l’apparition ou du démêlement des différents nœuds.
Tout ceci nous emmène inéluctablement à la révélation finale, puisque c’est sur elle que repose la légitimité des efforts jusqu’ici invoqués. Malheureusement, celle-ci déçoit globalement, car malgré une certaine poésie et une efficience de montage indiscutable, le scénario se contente d’utiliser un Deus Ex Machina franchement forcé. Les nouveaux engrenages qu’il introduit paraissent alors des plus artificiels, imposant une nouvelle lecture des événements précédents plutôt que d’en être un aboutissement logique. Ajoutons à cela que le jaillissement soudain de cette découverte aurait pu intervenir à n’importe quel point du récit, et que la réaction des personnages n’en aurait pas été modifiée d’une larme. On s’interroge enfin sur la longueur de ce dévoilement en forme d’épilogue, qui se perd à sur-expliquer, un peu en vain, l’objectif de la manœuvre.

Comme indiqué antérieurement, la mise en scène qui articule l’œuvre est parmi les plus marquantes : sophistiquée, justifiée, en symbiose avec son atmosphère. Cependant, ce maniérisme, plaisant sur le moment, fait abstraction du pivot de son récit, à savoir le dénouement, et n’a finalement aucune incidence sur la superstructure narrative du film. En effet, aucun ingrédient de cette mise en scène ne semble paver le chemin vers l’ultime épreuve du protagoniste ; et le spectateur, pour qui strictement rien n’est remis en cause (et certainement pas ses mécanismes de lecture des images), subit le coup de rideau de la plus passive des manières.
La Traversée n’est pas un grand film, mais a au moins le mérite d’en être un, honnête, personnel et élaboré, avec une problématique qu’il cherche à développer majoritairement par l’image. C’est bien plus que la plupart des moroses productions françaises qui ne savent pas quoi faire d’une grammaire cinématographique pourtant très riche. À voir donc, pour son corps singulier et ses acteurs dévoués, au service d’une histoire qui ne manquera pas d’en toucher certains.
La Traversée – sortie le 31 octobre 2012
Réalisé par Jérôme Cornuau
Avec Michaël Youn, Fanny Valette, Emilie Dequenne
Martin, Sarah et Lola sont heureux. Cependant, leurs vacances sur une île écossaise sont interrompues lorsque Lola disparaît mystérieusement, sans laisser de traces. Le couple ne survit pas à la disparition de leur petite fille et se sépare. Deux ans plus tard, jour pour jour, Lola est retrouvée sur l’île, en bonne santé mais muette…
7 commentaire
par Misutsu
Je viens de lire un démontage techniquye, pas une critique. De plus, vous commencez par pointer du doigt la mode des humoristes assurant des rôles dramatiques au cinéma, et rien n’est dit sur le jeu de Youn, ou est la cohérence là-dedans ? Après vous avoir lu, je ne sais même pas de quoi parle le film. Vous n’avez parlé que de son réalisateur…
par Arkaron
Qu’aurais-tu préféré ? Que je dise que ce film, il est bien dans l’ensemble, même si bon, y a deux-trois points qui ne sont pas à la hauteur de l’ambition ? Et que l’acteur principal, il joue bien ? Et qu’on ne s’ennuie pas malgré quelques défauts d’écriture ?
Ce n’est pas ce que j’ai dit ? Parce qu’en fait, ce que je viens d’écrire dans le premier paragraphe de ce commentaire, on pourrait l’appliquer à n’importe quel film que ça ne ferait pas avancer le schmilblick. Super intéressant quoi. =) À la place, je pensais proposer quelques arguments qui permettraient d’évaluer l’œuvre. Je préfère généralement, quand le film est assez bon, étayer mon avis avec des propos plus intéressants que les simples généralités, qui au final ne disent pas grand chose sur la qualité du produit.
Quant à savoir de quoi parle le film : 1/ Il y a un synopsis et une bande-annonce dans cet article ; 2/ C’est une histoire basée sur un dénouement final. Je pense donc que moins on en sait sur le fond en entrant dans la salle, mieux c’est.
par Misutsu
« Et que l’acteur principal, il joue bien ? »
>>> Puisque l’on part direct dans la mauvaise foi, alors je pourrais résumer cette critique par « Le film est bien réalisé », est-ce que mon propos semble plus clair ainsi ?
« Il y a un synopsis et une bande-annonce dans cet article »
>>> Je ne regarde plus les BA, elles en révèlent toujours trop sur un film, et votre synopsis, je suis désolé, je dois avoir les yeux qui se croisent mais je ne vois rien d’autre que « thrillers » et « conspiration tentaculaire », et puis tout à coup, le nom de « Martin Arendt » est lâché comme si l’on était censé savoir de qui il s’agit, comme s’il avait été présenté. Tout ce que je demande c’est un pitch. Mais là j’avoue c’est moi qui suis de mauvaise foi, il y a effectivement un pitch en début d’article, celui d’un autre film…
« C’est une histoire basée sur un dénouement final. Je pense donc que moins on en sait sur le fond en entrant dans la salle, mieux c’est. »
>>> Pas la peine de chercher des excuses ridicules, je ne demande pas que l’on me raconte le film, juste que l’on me dise de quoi il s’agit, en général parler d’un film commence par là, à moins que vous comptiez sur moi pour aller voir sur Allociné, mais dans ce cas là à quoi bon vous lire ?
Je vous renvoi vers la critique du film Argo par Marc. Il en dit un peu trop sur le contenu du film, mais ne se contente pas d’en faire un démontage technique pour aspirant réalisateur, il en balaye tous les aspects.
Bref, le réalisateur en question je ne le connais pas, et je ne demande qu’à apprécier la qualité de son travail, mais considérant jusqu’ici Michael Youn comme un tâcheron, je me posais une simple question que tout le monde doit se poser, et à laquelle j’espérais trouver un début de réponse en lisant cette critique; Il vaut quoi quand il arrête de faire le bouffon ?
Comprenez-moi bien, j’apprécie l’éclairage technique que cette critique porte sur le film, mais tout comme le fait de dire « L’acteur il joue bien », un film ne se résume pas à cela.
par Arkaron
Bien réalisé, tout est relatif. Comme je le disais, dans l’immédiateté oui, sur un niveau plus global, si on considère le squelette du film, alors un peu moins.
En fait, le synopsis a été déplacé en bas de l’article depuis quelques semaines. Pas évident au premier coup d’œil certes, mais on pensait rentrer dans le vif du sujet ainsi. =)
Quant aux acteurs, je me suis en effet contenté de dire qu’ils « sont dévoués ». Mais j’ai toujours trouvé très subjectif et rarement pertinent d’évaluer le jeu d’un acteur après une seule vision du film (sauf quand c’est abyssal, là on peut sans doute l’affirmer sans problème). Bref, pour vous répondre, Youn s’applique à la tâche. Il fait son travail avec professionnalisme, mais l’appréciation de son jeu variera sans doute.
par Misutsu
Alors là autant pour moi, j’avais effectivement complètement occulté le poutch à la fin de l’article. Bah du coup je n’ai rien dit alors :p
par emilie
Je viens de voir le film, un peu traumatisant, surtout lorsque l on a des enfants.
Ce coté pesant du debut a la fin est difficile a supporter. j ai eu a quelques reprises envi d arreter, mais je voulais vraiment connaitre la fin qui je dois l avouer, est tres surprenante. ce film me fait penser au sixieme sens. la meme atmosphere, le meme genre.
Tres sincerement, je n ai pas aimer.
Il n a grand interet, hormis de faire tres attention a ses enfants. meme lorsqu on les penses en securite, il faut toujours garder un oeil bien ouvert sur eux.
Emilie
par logane
Je n ai pas lu votre critique car des le début j ai vu une erreur ce n est pas écrit par Jérôme cornhuau mais c est un livre a la base américain je ne me souviens plus de l auteur mais l histoire est presque la même vraiment. Juste pour vous le signaler afin de faire les modifications necessaiee