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Critique : La Grotte des Rêves Perdus

A l’heure où la 3D se résume aux blockbusters de l’été, ceux-ci se voyant même convertis (on ne citera pas Thor et son budget faramineux alors que des films comme Derrière les murs n’ont pas hésité à utiliser des caméras 3D), faisant de plus en plus fuir les spectateurs sachant que la plupart ne relève que des pompes à frics (on ne parle pas de Avatar ou Tron puisque la 3D prend toute son importance ici), des cinéastes bel et bien amoureux du 7ème art décident d’utiliser ce procédé pour nous en mettre plein la vue.

C’est le cas de la Grotte des Rêves Perdus, déjà sorti en Mars et Avril respectivement outre-Manche et outre-Atlantique, et prévu ici pour le 31 août. Jean Victor a vu le film, voici sa critique.


La Grotte des Rêves Perdus (Cave of Forgotten Dreams) – Sortie le 31 août
Réalisé par Werner Herzog
Avec Werner Herzog, Dominique Baffier, Jean Clottes

Werner Herzog est un cinéaste atypique. Capable de réaliser aussi bien Aguirre la colère de Dieu que Bad Lieutenant (des films qui n’ont pour ainsi dire rien à voir), il fait partie, au même titre qu’un Soderbergh par exemple, de ces réalisateurs curieux et touche à tout, capable d’investir leur art dans des milieux et des genres radicalement opposés et surtout très variés. Ainsi, alors même qu’il y a un an de cela il nous proposait cet objet pour le moins curieux qu’était son remake du classique de Ferrara, avec comme cerise sur le gâteau un Nicolas Cage génial en roue libre, il nous emmène cette année faire un tour dans la Grotte des Rêves Perdus, et le fait même armé de caméras 3D reliefs.
Un voyage qui risque bien d’être inoubliable.

Cette fameuse grotte au titre si énigmatique, est en réalité la grotte Chauvet. Site paléolithique découvert dans le sud de la France en décembre 1994, cette cavité autrefois ouverte et ayant été obstrué suite à un tremblement de terre contient des peintures préhistoriques encore plus grandes et vieilles que celles de Lascaux.
Interdit au public, pour préserver la beauté du site et de par sa difficulté d’accès, ce lieu ancestral va être sujet à des années d’études et de préservation pour en déceler tous les secrets. Partant de cette situation, les trésors que cette grotte contient étaient amenés à rester cachés pour le grand public, du moins fortement. C’était sans compter sur Werner Herzog, qui obtenu l’autorisation l’an dernier d’aller filmer durant 2 mois sous terre en 3D. Et on ne peut que le remercier tant ce voyage prend vite des allures d’initiation mystique et se révèle passionnant de bout en bout pour plusieurs raisons.
La plus évidente est évidemment la valeur informative de l’objet et ce qui constitue la matière la plus documentaire, avec une série d’entretiens et d’explications autour de la manière de peindre des hommes de l’époque, de la vie qu’ils menaient et de tout ce que ces roches ont pu voir et accueillir. Le tout pourrait être soporifique si il n’était pas opéré par de véritables passionnés, dont l’accent anglais n’est certes pas toujours parfait mais qui parviennent à captiver par leurs anecdotes et par l’intérêt qu’ils dégagent, d’autant qu’Herzog parvient toujours à insérer des petites touches d’humour bien senties. Un passage en quelque sorte obligé pour un documentaire traitant d’un thème historique aussi peu connu et qui le rend ludique mais pour l’instant quelconque. C’est là où intervient la véritable force d’Herzog, quand il transforme cette découverte en odyssée spirituelle.

A tout ceux qui pensent que la 3D n’est qu’un outil vain ne servant éventuellement qu’à mettre en valeur des explosions dans des blockbusters à gros budget, ils vont finir par se manger les doigts tant Herzog épouse le relief et le rend littéralement indispensable pour le visionnage de son documentaire. Car dans ces grottes profondes, les peintures jouent du relief de la roche, de la moindre courbe, du plus petit trou, de la plus insignifiante des bosses au premier abord, pour prendre vie.
Que ce soit dans le jeu sur l’éclairage et les ombres suivant le point d’observation ou dans les techniques opérés pour donner le sentiment d’animation à ces bêtes peintes il y a des millions d’années, les homo sapiens prenaient en compte la géographie du lieu pour donner vie à leur art, à des images dégageant une aura spéciale, racontant une histoire et pas n’importe laquelle : celle de l’humanité.
Une richesse titanesque que Herzog saisit avec une précision diabolique tant la 3D épouse les lieux et fait rendre compte comme jamais du toucher de ces œuvres, de la patte de nos ancêtres, de la texture de la roche, nous donnant l’impression de pouvoir approcher nous même ces lieux anciens et nous permettant de nous rendre compte comme jamais du moindre geste des premiers génies de notre espèce.
Assurément, la 3D nous transporte dans ces caves, transpose avec une précision diabolique la profondeur et la composition des lieux, renvoyant paître n’importe quel 3D post produite et même des productions honorables sur ce point comme Sanctum.
S’il arrive que la technique freine l’immersion à cause de caméras amateurs utilisées lors de la première descente ou de perspectives ayant tendance à s’écraser sur les limites du cadre, cela n’empêche pas l’émerveillement et la fascination de régner, d’autant plus lors du final durant lequel on revoit une dernière fois durant 10 minutes les premiers chefs d’œuvre de l’humain, et dont la puissance d’envoûtement couplée à la musique évocatrice et judicieusement choisie élève la contemplation à des sommets incroyables tant il est difficile de décrocher devant ce qui constitue le premier salut intellectuel et spirituel de notre monde.

Pari fou et finalement salutaire, la Grotte des Rêves Perdus surpasse son statut de simple documentaire et se révèle de la plus haute importance pour quiconque s’intéresse à l’histoire de l’art et même à l’art en général. Car dans ces grottes sublimées comme jamais par une 3D plaçant Herzog au même rang que James Cameron dans le domaine, le cinéaste nous met face au plus ancien héritage de l’humanité et par conséquent à l’un des plus précieux.
Une expérience sensorielle hors normes, à vivre impérativement en relief.

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