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Critique : La Grande Aventure Lego
Est ce que Ole Kirk Christiansen aurait pu se douter que sa création, la brique à plots (inchangée depuis 1958), allait devenir l’élément principal d’un long métrage d’animation, lui qui avait commencé sa vie en faisant des jouets en bois quelque part au Danemark ?
Des années plus tard, et des millions (milliards ?) de briques plus tard et tout autant de constructions imaginées par les amateurs (et pas seulement les enfants), les Lego arrivent sur grand écran. Un passage finalement logique pour une entreprise qui n’a jamais arrêter de se renouveler dans ses choix pour mieux répondre aux différentes époques qu’elle a traversé, sans oublier la base : la petite brique emboitable colorée et la figurine au visage jaune.
Sur la Grande Aventure Lego, Jean-Victor a un avis bien construit.
Un film Lego. Pas besoin d’écrire plus pour se rendre compte de la curiosité du projet sur le papier et de combien on pouvait craindre une idée pareille, semblant comme nulle autre être le fruit d’une réunion d’exécutifs désespérément en manque de matière nouvelle. Après les licences de jouets (Transformers, G.I Joe…), c’est désormais les marques qu’on adapte au cinéma, et tout ça n’aurait pas attiré notre attention si le choix de la réalisation ne s’était porté sur Chris Miller & Phil Lord. Les deux compères, qui commencent à faire leur bonhomme de chemin à Hollywood, avaient déjà transformé ce qui semblait être une énième critique de la fast food pour les kids (Tempête de boulettes géantes) en tornade burlesque avec un nombre de gags à la seconde proprement stupéfiant, en plus d’être visuellement foisonnant. Avec un humour aussi référentiel et riche, lié à la possibilité d’utiliser toutes les licences associées à la marque danoise, le duo semble en terrain conquis et n’a plus qu’à ouvrir la boite à jouets…
Un super méchant diabolique en possession d’une arme redoutable = un monde à sauver.
En une scène d’introduction très rapide, ce qui semble être le scénario le plus basique du monde est posé, le reste de l’exposition n’ayant plus qu’à nous présenter le héros en bonne et due forme.
Et là, soudain, c’est l’explosion : sous forme de comédie musicale, le film déploie la pleine puissance de son visuel et du rythme ultra soutenu qu’il va tenir sans faille durant 1h40.

Alors que le héros se réveille et nous explique les règles qui régissent la ville où il vit, on est déjà abasourdi par la richesse colossale de l’univers et de sa réalisation. Animal Logic avait déjà surpris son monde avec le premier Happy Feet ou le Royaume de Ga’Hoole, mais ils ont mis la barre encore plus haut, toujours plus haut. Alliant une animation un peu saccadée, jouant sur le principe même des figurines en plastique comme si elles bougeaient en stop motion avec leurs restrictions physiques, à une réalisation exploitant toutes les possibilités du cinéma numérique, cette Grande Aventure Lego porte son nom à merveille. Déjà pour la bête raison que TOUT est fait en briques Lego : de la simple étincelle d’une explosion à la moindre goutte de l’océan ou à l’éclat d’une balle sortant du canon d’un pistolet ! L’émerveillement est garanti d’autant plus que la caméra se déplace dans tout ça avec une liberté totale et un découpage malin, capable de s’attarder sur des détails fous comme de prendre du recul pour mieux apprécier la grandeur de certains paysages.
Le film ne se repose jamais sur ses lauriers, comme le montre la luxuriance des décors qui fourmillent de détails dans tous les coins et à tous les plans de l’image. C’est peu dire que plusieurs visionnages ne seront pas de trop pour appréhender pleinement toutes les références présentes çà et là, surtout devant le dynamisme accru de certains passages qu’il faudra à coup sûr passer image par image pour mieux s’ébahir devant le travail de titan accompli par les animateurs. On voudrait vous spoiler quoi que ce soit qu’on serait pourtant loin de vous gâcher les tonnes d’idées incessantes, le métrage étant à ce niveau-là encore plus fourni que les deux « Tempêtes » réunis !
Un travail encore plus impressionnant pour que le film n’ait pas trop un look image de synthèse, chacune des 15,080,330 pièces (!) contenues ici a une vraie texture plastique, loin d’être aussi lisse qu’on ne le pense, ce que les gros plans montrent admirablement.

Passé l’épanouissement visuel total qui dure du début à la fin, The LEGO Movie ne s’arrête pas là.
Effectivement, une telle avalanche graphique tape dans bien des mondes différents, et comme pouvait le laisser penser la promotion, les deux réalisateurs exploitent une majeur partie du catalogue offert par LEGO pour s’autoriser tous les délires. Bien au-delà du fait que Batman fasse partie du récit, comme beaucoup d’autres personnages connus campés par des comédiens en transe (le doublage VO est fa-bu-leux), le film intègre la logique même des briques, à savoir que tout est possible avec un peu d’imagination. Partant de ce simple précepte, le déroulement est extrêmement ludique tant on ne cesse d’être étonné par les mille et une trouvailles des héros et des réalisateurs/scénaristes pour avancer dans un tsunami d’inventions visuelles et scénographiques proprement ahurissantes. Une voiture n’est pas définitivement une voiture par exemple, règle qui s’applique à l’intégralité des composants du film qui peuvent être, et sont fréquemment, transformés dans tous les sens.
Chris Miller & Phil Lord auraient pu se cantonner à du fan service, la présence de noms célèbres suffisant souvent à faire marcher le film, mais non. Ils vont bien plus loin que ça, et jouissent constamment de la rencontre entre tous ces univers, avec l’infinité de variables que cela offre et le terrain de jeu idéal pour leur humour burlesque démentiel. Profondément logique et en accord avec la profession de foi originelle de la marque, le scénario fait preuve en cela d’une intégrité et d’une intelligence aussi inattendue que remarquable. Transcendant son concept de base pour aller à l’encontre même de ce qui constitue le renouveau de LEGO, de ses collections et de ses clients aujourd’hui, le film appelle à l’explosion des frontières, à l’arrêt de la segmentation et à la toute-puissance de l’imaginaire. Ce qui pouvait ressembler à une pub pour des jouets ne fait en réalité rien d’autre que de vanter, d’admirer et de célébrer la liberté de l’esprit d’un enfant, qui ne doit être brimé sous aucun prétexte comme en témoigne ne serait-ce que le nom du méchant, President Business.

Dans une ultime mise en perspective audacieuse, vertigineuse et pourtant évidente, l’œuvre scelle son raisonnement avec la force et la pertinence de la trilogie Toy Story, avec laquelle elle partage beaucoup, brillant là où Disney avait lamentablement échoué avec Les Mondes de Ralph.
Et c’est finalement lorsque la boucle est bouclée, quand l’émotion jaillit après la tonne de rires, qu’on réalise à quel point Chris Miller & Phil Lord ont tout compris et confirment leur statut de nouveaux petits génies de l’animation.
Quand ce qui risquait d’être une pub géante se transforme en pied de nez magistral à ce qui fait précisément le succès de la marque désormais, on sait qu’on ne se moque pas de nous sur la marchandise. Construit comme un ride halluciné au cœur de l’imaginaire débridé et sans limite d’un gamin, cette Grande Aventure Lego rend non seulement honneur à ce qui l’a inspirée mais aussi va-t-elle jusqu’au bout de son projet tout en provoquant l’hilarité générale. Se plaçant au même niveau qu’un Happy Feet ou ParaNorman, en véritable outsider face aux géants de l’animation, Chris Miller & Phil Lord livrent là un vrai cadeau qui parlera à tous ceux qui ont eu l’envie un jour de construire quelque chose d’improbable et d’unique.
La Grande Aventure Lego – Sortie le 19 février 2014
Réalisé par Phil Lord, Chris Miller
Avec Chris Pratt, Will Arnett, Morgan Freeman
Emmet est un petit personnage banal et conventionnel que l’on prend par erreur pour un être extraordinaire, capable de sauver le monde. Il se retrouve entraîné, parmi d’autres, dans un périple des plus mouvementés, dans le but de mettre hors d’état de nuire un redoutable despote. Mais le pauvre Emmet n’est absolument pas prêt à relever un tel défi !
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