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Critique : La Communion
Présenté aux Arcs où nous l’avons découvert, La Communion de Jan Komasa sortira dans les salles le 4 mars prochain. Il bénéficiera d’avant-premières dans les prochains jours…
LA CRITIQUE
Après avoir fait les 400 coups pour finir en centre de détention pour la jeunesse, un polonais de 20 ans appelé Daniel s’est sensibilisé à la religion chrétienne durant son séjour. Alors qu’il sort enfin et arrive dans un village perdu où il doit travailler à la menuiserie locale, un quiproquo va l’amener à se faire passer pour un prêtre, et ce mensonge va prendre une ampleur insoupçonnée, le catapultant au centre de la vie locale…
Si La Communion part bien évidemment sur une question de rédemption, avec cet homme au passif lourd qui trouve une vocation dans laquelle il s’enfonce de façon détournée, le 3ème film de Jan Komasa va en réalité étendre son aura narrative et questionner aussi bien le rôle de la religion aujourd’hui que son aliénation par le pouvoir, ou l’utilisation arrangeante qu’en font ses prétendus fidèles, qui revendiquent leur foi sans pour autant appliquer les principes fondamentaux jusqu’au bout.
En intégrant cette communauté et étant sujet direct de ses angoisses et conflits, le héros va vivre une véritable quête intérieure, comprenant de quoi est fait l’être humain dans ses pires travers, se retrouvant face à l’hypocrisie la plus totale au cœur d’un fait divers récent qui déchire les habitants et multiplie les non-dits et l’injustice. Tandis que le personnage est mis face à ses propres démons dans cette démarche cathartique, puisqu’il occupe une place qui n’est pas censé être la sienne, le film explore plusieurs thèmes religieux importants, que ce soit le pardon, la solidarité, l’amour et la fraternité, qu’il intègre directement comme enjeux narratifs de son scénario pour mieux les creuser, via une suite de scènes qui apportent chacune un élément divers sur ses problématiques sans pour autant imposer une morale directe au spectateur.
Si la toile de fond de La Communion peut faire peur, ou sembler en tout cas réservée à un public croyant pour se sentir concerné, son traitement transcende totalement cette dimension spirituelle tant il est avant tout question de la nature humaine et de l’organisation de la société, le catholicisme n’étant finalement qu’un énième ensemble de règles pour maintenir cohésion et sécurité, même quand les intéressés rabattent les cartes à leur avantage. Les rapports de force avec les autorités sont d’ailleurs d’actualité, au même titre que les liens obscurs entretenus avec les pouvoirs en place, qui n’hésitent pas à s’approprier l’influence de l’Eglise pour accroître leur autorité, aussi illégitime puisse-t-elle.
Dans le même ordre d’idée, le film met aussi en lumière la rigidité parfois dépassée et grotesque du protocole paroissial, qui repose aussi sur des rapports de force, ou certaines règles étranges imposées à la vie de prêtre, dont certaines interdictions peuvent sembler contraires aux principes revendiqués.
Via une mise en scène à la fois posée et percutante, qui transcende la trame du film dans des jeux de lumière chargés de sens et de symbolique sans tomber dans la caricature, La Communion arrive à se faire sensitif sur des notions intellectuels, et ne perd jamais de vue les émotions vécues par ses protagonistes, un soin particulier étant porté aux seconds rôles qui contribuent chacun à leur façon aux tourments du faux prêtre, ou aux épreuves qui l’attendent. Le casting dans l’ensemble sert parfaitement le réalisme de cette peinture de la Pologne profonde et de cette petite collectivité, et il faut saluer en particulier l’acteur principal Bartosz Bielenia, dont le regard habité et la silhouette fine semblent bel et bien porter tout le poids du monde.
N’ayez pas peur du sujet de La Communion, de son origine géographique ou de l’aspect très austère de l’ensemble. Que ce soit dans sa réalisation ou son écriture, Jan Komasa évite les poncifs et montre aussi bien les bienfaits et les torts causés par une religion qui pourrait aussi en être une autre, se focalisant avant tout sur l’humain et ses éternels déboires internes, d’autant plus destructeurs lorsqu’ils sont mis en commun et cachés sous une couche de prétendue bien-pensance qui peut vite devenir dangereuse si elle tombe dans l’aveuglement total, et le refus de l’équilibre.
Une œuvre où la lumière danse sans cesse avec les ténèbres, pour mieux nous mettre face à nos contradictions et nous laisser tirer les conclusions nécessaires, sans jugement, ni sermon.
La Communion, de Jan Komasa – Sortie le 4 mars 2020
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