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Critique : La Belle et la Bête (2014)
Dans la courte liste des réalisateurs français aimant faire des films qui ont de la gueule, il y a Christophe Gans.
Découvreur de Mark Dascacos dans Crying Freeman, remarqué par Le Pacte des Loups (qui divise encore aujourd’hui mais reste visuellement et dans l’ensemble bien foutu), le réalisateur revient avec l’adaptation d’un conte après plusieurs projets avortés (dont un remake de Fantômas passé à la trappe) : La Belle et la Bête.
Un projet peu évident à sortir au cinéma tant les version de Disney et de Cocteau –récemment restaurée– sont encore bien présentes dans les mémoires.
Alors que RoboCop et I, Frankenstein ont déjà amorcé 2014 sous l’hospice du remake et de l’énième variation autour d’une histoire bien connue, La Belle et la Bête vient enfoncer le clou, au détail près qu’ici c’est une production française, menée par Christophe Gans. Un réalisateur à part dans notre pays, toujours motivé par une envie de cinéma populaire, de genre, à l’envergure visuelle et narrative conséquente. Après avoir fait un détour par Silent Hill, le voilà donc de retour chez nous pour une nouvelle adaptation du célèbre conte de Madame de Villeneuve, qui se veut justement plus proche du grand texte original et non de sa version plus courte et plus connue. Voguant dans l’ombre du classique de Jean Cocteau ou du Disney, Gans peut-il s’affranchir d’un héritage aussi lourd ?
Sur le papier, le réalisateur arrive très facilement à légitimer son film : la volonté première est de renouer avec un grand cinéma fantastique français, autrefois fort avec des cinéastes comme Cocteau ou un film tel que Les Yeux sans Visage. On pourrait croire qu’un succès du calibre du Pacte des Loups aurait pu avoir un impact sur l’industrie il y a 10 ans, et on sait tous pourtant combien il est difficile de produire un projet ambitieux en France. De ce point de vue-là, La Belle et la Bête est un miracle, tant cette entreprise de 35 millions d’euros environ s’évertue à proposer un univers visuellement travaillé pour le prix de certaines comédies françaises « luxueuses » qui affichent 10 fois moins à l’écran (suivez mon regard…).

Tourné intégralement en studio à l’exception d’un seul plan, et grandement sur fond vert, cette version offre des images qui n’ont par moment rien à envier à une production américaine du même type, tel que les deux Blanche Neige récents ou le futur Maléfique. Certains décors sont majestueux et on s’est pris par exemple à rêver, au détour d’un sublime plan de port en pleine période Napoléonienne, à voir ce que pourrait donner Gans sur un film d’époque plus réel. Que ce soit dans sa manière d’aborder fidèlement le conte, en plongeant le spectateur au cœur des pages de ce dernier, ou dans certaines visions du château de la bête, on trouve ici des visions comme on ne pensait plus en voir depuis un moment au sein d’une œuvre bien de chez nous.
Des visions qui trouvent aussi des limites malheureusement. Que le projet soit ardemment pensé en amont plan par plan et entièrement story-boardé, c’est une chose, mais malheureusement il semble que son ambition soit trop lourde à supporter pour les moyens assez modestes vis-à-vis d’un tel dessein. Même si la majorité des fonds verts ne se voient pas, il y en a aussi certains qui se font bien baveux et voyants, tout comme l’abondance de numérique amoindrit terriblement la force évocatrice de certaines scènes qui ressemblent presque à des cinématiques de jeu vidéo par leur rendu en décalage total avec les acteurs intégrés dedans. Au-delà même de certains problèmes visuels, qui pourront échapper à l’œil d’un public assez large, il arrive au film de produire certaines fautes de goût assez violentes. Un cadre malencontreux qui ne rend pas justice aux comédiens et met en exergue le côté fake des décors, ça fait tout de suite sortir du récit, et ça arrive à plusieurs reprises durant le film. La direction artistique se perd parfois aussi dans des excentricités qui font tâche, à l’image d’une robe rose bonbon portée par Léa Seydoux à la fin du film, ressemblant plus à un déguisement de petite fille qu’autre chose. Il faut dire que là où on reconnait bien Gans, c’est dans sa générosité, au détail près que celle-ci a tendance à s’égarer en amenant des éléments qui semblent incongrus. La dernière partie du récit rappelle en cela Silent Hill et son rituel de sorcières sous forme de boss final avec orgie de pixels mal dépareillés. Que Gans veuille donner dans des visions mythologiques fortes, c’est une chose, mais on a l’impression qu’il se fait plaisir au détriment du récit tant on voit mal ce que certains éléments viennent faire dans une romance fantastique.

Ces égarements multiples sont plombants et cassent le rythme du film d’autant qu’ils ressemblent réellement à des ajouts donnant à l’ensemble une allure protéiforme assez mal ajustée. Un exemple flagrant réside dans les petites créatures ressemblant à des chiots cartoons aux grands yeux, qui deviendront soit disant « les meilleurs amis de la belle », alors même que la seule scène vraiment centrée sur eux n’est là que pour faire rire les plus jeunes spectateurs. La scène et les bestioles pourraient sauter au montage que le résultat serait le même. Cet équilibre fragile entre grosse production et moyens pas si colossaux que ça se ressent même sur la musique, dont certaines montées de cordes sentent le synthétiseur à plein nez. Surtout, là où la scission entre la volonté de grand spectacle et nos traditions nationales se sent le plus, c’est malheureusement dans le jeu des acteurs. Ampoulée et théâtrale, l’interprétation de tous les comédiens du film sans exception ressemble plus au jeu d’enfants dans une cour de récré qu’à des individus investis par leurs rôles. Peut-être parce qu’ils sont submergés par l’imaginaire du film ou peu habitués, les membres du casting ne semblent pas réellement croire aux personnages qu’ils campent et sonnent souvent faux, comme si le fantastique ne pouvait être traité avec le sérieux d’une histoire plus réelle.
De ce triste fait, la romance entre la Belle et la Bête, pourtant sujet central du film, a bien du mal à apparaître à l’écran, peu aidée par un scénario qui réduit leurs échanges à des instants de courtoisie forcée, échouant à représenter les sentiments naissants des deux êtres, d’autant que des faiblesses d’écritures font parfois passer leurs états d’âme du tout au tout en deux répliques. Pour la nouveauté, cette relecture du conte met plus en avant l’histoire du prince avant qu’il ne devienne la bête, avec un folklore mythologique et divin plus poussé que d’accoutumée, tandis que la narration se voudrait plus du côté de la Belle, ce qui contraint la Bête à faire limite de la figuration. Quand on voit comment le climax tente de clore l’histoire, on se demande réellement si le couple était ce qui intéressait le plus le réalisateur dans l’ouvrage original. Forcément, pour un film qui porte son nom, cela fait un peu tâche et ça résume finalement bien les bons et mauvais côtés du nouveau Gans : une ambition pour le spectacle bien réelle, mais souvent au détriment du cœur même du sujet…

La Belle et la Bête dégueule de bonnes intentions, c’est une évidence. En cela, on évite déjà un produit mercantile, calibré et cynique, et on ne pourra donc pas reprocher au film d’être une énième machine à fric, surtout avec une existence aussi rare et fragile pour un résultat au box-office loin d’être gagné. Pourtant, si on voudrait saluer la démarche de Gans de A à Z, il est difficile de passer à côté des errements d’un scénario qui a les yeux plus gros que le ventre par rapport aux moyens mis à disposition, tout comme les acteurs tous plus paumés les uns que les autres. En espérant ce coup-çi que Gans ouvre à nouveau la porte au fantastique made in France de qualité, pour un résultat meilleur la prochaine fois.
La Belle et la Bête – Sortie le 12 février 2014
Réalisé par Christophe Gans
Avec Vincent Cassel, Léa Seydoux, André Dussollier
1810. Après le naufrage de ses navires, un marchand ruiné doit s’exiler à la campagne avec ses six enfants. Parmi eux se trouve Belle, la plus jeune de ses filles, joyeuse et pleine de grâce.
Lors d’un éprouvant voyage, le Marchand découvre le domaine magique de la Bête qui le condamne à mort pour lui avoir volé une rose.
Se sentant responsable du terrible sort qui s’abat sur sa famille, Belle décide de se sacrifier à la place de son père. Au château de la Bête, ce n’est pas la mort qui attend Belle, mais une vie étrange, où se mêlent les instants de féerie, d’allégresse et de mélancolie.
Chaque soir, à l’heure du dîner, Belle et la Bête se retrouvent. Ils apprennent à se découvrir, à se dompter comme deux étrangers que tout oppose. Alors qu’elle doit repousser ses élans amoureux, Belle tente de percer les mystères de la Bête et de son domaine.
Une fois la nuit tombée, des rêves lui révèlent par bribes le passé de la Bête. Une histoire tragique, qui lui apprend que cet être solitaire et féroce fut un jour un Prince majestueux.
Armée de son courage, luttant contre tous les dangers, ouvrant son coeur, Belle va parvenir à libérer la Bête de sa malédiction. Et se faisant, découvrir le véritable amour.
3 commentaire
par Starfix
En France, des réalisateurs au visuel affirmé, nous en avons deux : Gans et Jeunet. Aux USA, ils en ont tout un tas.Gans est une rose au milieu du tas de purin qu’est notre cinéma franchouillard. Il faut le protéger, le bichonner comme le bien le plus précieux que notre cinéma ait. Sinon un jour, il ira aux USA et nous perdrons comme d’habitude (c’est valable aussi pour tous nos entrepreneurs qui se tirent aux USA créer leurs boites) un de nos précieux talents. Des maladresses ? Il y en a mais je m’en fous (vu l’énormité du projet, c’est que dalle): je vois un type courageux, généreux,ambitieux au bon sens du terme. Bref, je cautionne à fond. Je retourne le voir ce week-end.
par eva
C était super
par fabrice
je lai trouvé médiocre il était nul mais lactrice est bone