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Critique : Jersey Boys

Le New Jersey. Cet Etat américain juste au Sud de New York a vu naitre de nombreux talents, que ça soit dans le monde de la musique ou du cinéma, de Meryl Streep à Zach Braff en passant par Kevin Smith, Bruce Springsteen, Bon Jovi ou Frank Sinatra.

L’un de ces talents s’appelle The Four Seasons, un groupe de pop rock fondé par Frankie Valli dans les années 60 dont la vie a été racontée à travers une comédie musicale, Jersey Boys, au début des années 2000.

C’est cette adaptation, et leur histoire qui a inspiré le légendaire Clint Eastwood pour son nouveau film.

 

En 2008, beaucoup avaient vu dans Gran Torino le dernier film de Clint Eastwood. Ce long-métrage l’était d’une certaine manière, l’acteur n’apparaitrait ensuite plus devant sa propre caméra. Invictus, Au-delà, J. Edgar, ces films inégaux ont donné une étrange progression à cette dernière partie de la carrière d’Eastwood. À nouveau, le cinéaste s’attaque en 2014 à un projet auquel personne ne s’attendait : l’adaptation d’une comédie musicale tirée de la vie de Frankie Valli et de son succès musical au sein du groupe des Four Seasons. Ce nom ne vous dit peut être rien et pourtant, il est impossible que vous soyez passé à côté des reprises de leurs nombreux tubes. Que vient donc faite Clint Eastwood là dedans ce flic mal léché, cet homme des hautes plaines qui se lance à 84 ans dans le biopic musical ?

Petit à petit, Jersey Boys va accumuler les similitudes avec la vie du cinéaste et va devenir finalement un véritable film testament pour Clint Eastwood, rien de moins.

Rien ne prédisposait ce sujet à une telle place dans son parcours cinématographique, cette histoire de garçons du New Jersey commettant des petits larcins et qui deviendront l’un des groupes les plus populaires de leur époque. Au même âge, sur la côte Ouest, Eastwood se construisait à travers de nombreux petits boulots avant que son travail d’acteur ne finisse par payer. Dès le premier plan, Jersey Boys nous désarçonne complètement. Sur une version instrumentale de « December, 1963 » (qui pour nous petits Français fait de suite référence à « Cette année là » de Claude François), nous tombons sur Vincent Piazza qui s’adresse directement à la caméra dans un pur style scoresesien ! A partir de là, Clint Eastwood nous fait comprendre que Jersey Boys ne sera pas qu’un biopic dans la veine de J. Edgar.

On reste cependant loin des malfrats charismatiques de Mean Streets ou des Affranchis. Les mauvaises connaissances du jeune Frankie Valli sont des amateurs au sein de la mafia italienne de la côte Est, il n’y a aucun doute là-dessus. Malgré leur incompétence et inexpérience, ils sont sous la protection du parrain local interprété par Christopher Walken. Le boss bienveillant voit d’un mauvais œil que Frankie suive ses amis sur la mauvaise pente. Touché par son timbre de voix unique, il est persuadé que le jeune homme pourrait faire carrière dans la musique. Reprenant la narration en quatre temps avec chacun des Four Seasons (printemps, été, automne, hiver) de la comédie musicale, Jersey Boys évoque cette difficulté de percer dans le monde de la musique que le délitement progressif d’un groupe criblé de dettes.

En dehors de Walken, l’ensemble du casting est composé d’inconnus ou de comédiens ayant fait leurs armes à la télévision, comme Vincent Piazza qui est le Lucky Luciano de la série Boardwalk Empire. Leur relative inexpérience sur le grand écran n’entache pas leurs interprétations. Avec la photographie aussi froide que somptueuse de Tom Stern qui s’essaie pour la première fois aux caméras numériques, Clint Eastwood est toujours fidèle à une mise en scène classique sans tomber dans l’académisme. On dénote une vraie science du cadre et les moments magiques, ceux qui voient naître le groupe devant nos yeux, sont très réussis. Mais tout le talent dont déborde Eastwood ne peut éviter un ralentissement du rythme vers le milieu du long-métrage, notamment avec l’intervention d’un flashback avant que n’arrive le troisième acte.

Néanmoins, Jersey Boys laisse à son cinéaste la manière de se révéler enfin. Gran Torino n’était qu’une façon de tourner la page du souvenir commun que l’on gardait de Clint Eastwood. Le spectre de l’inspecteur Harry derrière lui, il pouvait enfin se lancer dans les projets qui lui tiennent particulièrement à cœur. Hormis un clin d’œil au travers d’un écran de télévision, Eastwood met en abyme sa propre vie à travers celle de Frankie Valli. Certaines répliques du personnage principal prennent alors une toute autre dimension, replacées dans la bouche du cinéaste. La famille reproche à Frankie d’être trop souvent absent. Frankie en tournée, c’est Clint en tournage. Frankie qui explique a sa fille qu’il est heureux qu’elle se lance dans la musique à ses côtés, c’est Clint qui parle à son fils Kyle qui a signé plusieurs de ses bandes originales. Avec Jersey Boys, Clint Eastwood nous explique pourquoi il fait du cinéma.

Le long-métrage résonne comme une dernière œuvre du cinéaste. Un film sincère et venant droit du cœur. Malheureusement, il est facile de prédire que le public ne sera pas au rendez-vous, sans doute trop effrayé par l’aspect daté de l’histoire. Or, bien au contraire, l’histoire des Four Seasons dans Jersey Boys est d’une surprenante modernité. On soupçonne fortement Eastwood d’avoir vu l’excellent Cloclo de Florent-Émilio Siri. Plusieurs plans, notamment lors des représentations musicales flirtent avec le plagiat. Cela étant, connaissant le bonhomme derrière la caméra, il ne peut être que question d’honneur pour Siri d’avoir inspiré ce monument du cinéma américain. On saluera aussi les multiples références volontaires au cinéma de Martin Scorsese, le même Scorsese qui, l’an dernier, nous disait à travers les discours délurés de Leonardo DiCaprio qu’il n’irait nulle part et que le spectacle continue.

Plus âgé, Clint Eastwood a préféré sagement mettre en avant Jersey Boys dans son agenda afin de pouvoir le faire avant de partir, s’offrant même en dernière séquence le plaisir personnel de mettre en scène une comédie musicale au cinéma. Eastwood y rassemble l’intégralité du casting dans un numéro dansant et chantant très entraînant. Un ultime retour à la musique dont les derniers plans en happy end figent cette image de jeunesse pour l’éternité. Bien que le projet ne corresponde pas au profil du cinéaste que tout le monde a, le dernier long-métrage de Clint Eastwood sonne comme un au revoir d’une grande classe de la part du cinéaste. Avec Jersey Boys, une page de l’histoire du cinéma se tourne.

 

Jersey Boys – Sortie le 18 juin 2014
Réalisé par Clint Eastwood
Avec Christopher Walken, John Lloyd Young, Francesca Eastwood
Quatre garçons du New Jersey, issus d’un milieu modeste, montent le groupe « The Four Seasons » qui deviendra mythique dans les années 60. Leurs épreuves et leurs triomphes sont ponctués par les tubes emblématiques de toute une génération qui sont repris aujourd’hui par les fans de la comédie musicale…

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2 commentaire

  • par Medd
    Posté jeudi 19 juin 2014 13 h 31 min 0Likes

    Il aurait été possible du parler du film sans abuser des comparaisons avec Claude François.

  • par james stw
    Posté vendredi 20 juin 2014 9 h 38 min 0Likes

    +1
    Oui c’est certain, de plus tout la partie sur film « testamentaire » et trop pousser. Par contre le fait que le film ne va pas faire beaucoup d’entrée en France (comedie musical, groupe pas trop connu en france) sa c’est pas étonnant (oui y’a des exception pour les certaine comédie musical mais je pense pas que celui ci fera exception)

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