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Critique : Iris

Jalil Lespert a tourné devant les caméras de Benoit Jacquot, Alain Resnais, Guillaume Canet ou encore Olivier Panchot.

Mais depuis peu le comédien s’est tourné vers la réalisation et s’était remarqué pour sa version d’Yves Saint Laurent. Le voici désormais devant et derrière la caméra d’un thriller, Iris, porté également par Romain Duris et Charlotte le Bon. La bande-annonce était intéressante. Que vaut le résultat final ?

 

LA CRITIQUE

En faisant remporter le César du Meilleur acteur à Pierre Niney avec son biopic bien sous tous rapports sur le couturier Yves Saint Laurent, Jalil Lespert réalisateur s’est offert les moyens d’atteindre son ambition. Après un passage à la mise en scène des deux premiers épisodes de la série Versailles, il revient au cinéma, et à plusieurs postes, avec ce remake à la française… dans tous les mauvais sens du terme.

À l’origine de cet Iris, on trouve le long-métrage japonais Chaos réalisé par Hideo Nakata (Ring). Sorti en 2000, le film original nous racontait donc cette histoire à rebondissements de l’enlèvement de la femme d’un homme d’affaire qui tourne mal. Le pitch était d’une simplicité extrême et l’efficacité du film reposait sur la relecture des événements au spectateur en révélant par étape les implications liant chaque personnage formant le trio composé du couple et du kidnappeur.

Lespert pensera bien faire en se positionnant de fait dans les pas de cinéastes comme Hitchcock, De Palma ou Fincher qui sont désormais considérés comme des piliers du genre. Hideo Nakata n’avait pas cette prétention avec une mise en scène extrêmement sobre et minimaliste. La photographie froide et métallisée de Pierre-Yves Bastard tente d’imiter en surface celle du cinéma de David Fincher qui lui repose essentiellement sur une composition maniaque de son découpage et d’une direction d’acteur virant à l’obsession. Ici chacun à l’air de regarder dans le vide et leurs réactions virent même à l’absurde, semblant tenir du fait que tous les personnages ont l’air de tenir le scénario du film dans les mains. Le réalisateur paraît indifférent à sa mise en scène avec, par exemple, Romain Duris perdant un temps fou à entraver Charlotte Le Bon à l’aise sur une chaise, pour ne prendre finalement qu’une photo de son visage comme preuve de son enlèvement.

Si Nakata commençait son film depuis le point de vue du mari, Lespert préfère adapter son regard à travers le personnage de Romain Duris qui tient le rôle du méchant dans un kidnapping organisé par la victime elle-même, avançant la raison d’un mari violent auquel elle veut échapper. Avec ses différents retournements, Iris a pour vocation première de nous plonger dans les coins sombres et sordides de l’univers bourgeois parisien. Mais par son manque de savoir-faire, Jalil Lespert ne parviendra même pas à choquer la ménagère de moins de cinquante ans avec son téléfilm du jeudi soir, elle qui a lu déjà cinq fois 50 nuances de Grey.

Lui qui cherche à gratter sous la surface bienpensante pour y trouver la perversité salace, le réalisateur français n’a évidemment rien du Kubrick d’Eyes Wide Shut. Il n’est pas assez dérangé pour cela, d’abord, mais surtout il sabote son travail à tous les niveaux. Également scénariste et dialoguiste, cette fascination presque mathématique qui nous remue et qui est le cœur fondamental chez les grands cinéastes du thriller est bazardée par une vulgarité banale de certaines répliques. On tombera de haut lors d’une confrontation entre Jalil Lespert et Camille Cottin qui est dépêchée pour retrouver la disparue. Le cinéma classieux auquel il s’aspirait aura alors complètement disparu de ses intentions à l’écran.

Iris est aussi opportuniste sur le contexte de la crise. Le drame passionnel de Nakata se voudrait d’être aussi un film de lutte des classes, où Lespert se révèle être le banquier d’un Romain Duris qui essaie de bien faire, mais se retrouve affublé d’une ridicule moustache de prolo à la Philippe Martinez. Le reste du casting est du même acabit, laissé à lui-même dans la platitude des champs-contre-champs automatiques. Si le Chaos d’Hideo Nakata mérite la curiosité, vous ne ratez rien en passant votre chemin devant Iris. Mieux vaut de se contenter de valeurs sures comme Gone Girl.

Iris, de Jalil Lespert – Sortie en salles le 16 novembre 2016

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