935Vues 0commentaires
Interdit aux Chiens et aux Italiens. Cette phrase, les travailleurs immigrés piémontais ayant franchi les Alpes pour trouver du boulot en France au début du 20e siècle ont pu la lire sur des devantures de bars qui ne voulaient pas d’eux. Du racisme transfrontalier qui, ici, prête surtout à sourire parce que le réalisateur Alain Ughetto l’utilise surtout pour décrire avec humour et poésie l’époque de ses grands parents.
Alain Ughetto, déjà réalisateur de Jasmine en 2013, s’est intéressé à ses ancêtres et en particulier au grand-père qu’il n’a jamais connu. C’est son histoire qu’il va nous raconter, d’une vie de misère du coté italien au succès en France, en passant par la rencontre avec la grand-mère du narrateur et non sans avoir roulé sa bosse de chaque coté des Alpes.
Entre Armaggedon Time et le prochain The Fabelmans, les réalisateurs d’aujourd’hui ont manifestement envie de raconter à leur manière leur histoire personnelle. Ce ne sont pas toujours des histoires passionnantes, mais elles leur tiennent à coeur. Interdit aux Chiens rejoint donc ce cercle d’histoire intime, qui commence d’ailleurs de manière très personnelle, le narrateur et réalisateur expliquant qu’il a toujours voulu connaitre ses ancêtres. Mais Alain Ughetto est plus malin, puisqu’il va dépasser le cadre de l’histoire familiale pour dresser le portrait d’une population, dont, il faut bien l’avouer, l’auteur de ces lignes ne connaissait strictement rien.
Sortir du cadre de la petite histoire pour raconter la grande n’est pas la seule bonne idée du film. Ughetto ne se contente pas de raconter une histoire linéaire en stop motion. D’abord, il offre une animation image par image vraiment très belle. Mais surtout il déborde d’idées pour la faire vivre. Le long métrage s’ouvre sur une séquence où on le voit, lui, en prises de vue réelles, construire les premiers décors. Puis il va interagir avec sa grand-mère, en s’adressant à la marionnette vivante qu’il a devant lui. Ponctuellement, il interviendrait dans le récit à la manière d’un narrateur omniscient capable d’interagir avec les décors et les personnages. Le résultat donne un aspect très meta au film, et permet aussi de justifier certains aspects carton-pâte qui ne sont pas sans rappeler Panique au Village.
Le réalisateur mélange tout cela, avec aussi les services d’Ariane Ascaride au casting vocal, pour livrer une œuvre parfois dure mais souvent drôle et poétique. Dans cette grande histoire, parfois très dure, le réalisateur cherche le mignon. Un film pas tout à fait pour les enfants, ni complètement pour les adultes mais qui déborde d’ingéniosité.
Interdit aux Chiens et aux Italiens, d’Alain Ughetto – Sortie en salles le 25 janvier 2023