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Critique : Hostiles
Mettez côte à côte le genre bien trop rare du western au cinéma, le réalisateur de Crazy Heart et un casting de haut vol (Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi, Ben Forster et même (décidément) Timothée Chalamet et vous obtenez Hostiles.
Une belle promesse de grand cinéma ?
LA CRITIQUE
Dès Crazy Heart en 2009, Scott Cooper montrait un penchant particulier pour les dramaturgies à l’ancienne où l’absence d’artifices et l’aspect dépouillé permettaient une intensité certaine. Les Brasiers de la colère allait dans ce sens, en convoquant le grand classicisme Hollywoodien pour parler d’une Amérique éclatée entre ses mythes fondateurs et une réalité bien plus sombre et désenchantée que l’image véhiculée par la nation. Si Strictly Criminal tentait de surfer sur la même veine non sans mal, Hostiles est censé être le grand retour du metteur en scène, du moins la réelle continuité de ses deux premiers films, d’autant qu’il investit le genre US par excellence : le western.
La filiation avec sa filmographie ne s’arrête pas là puisque Hostiles parle ouvertement de l’identité américaine et du mal qui la ronge depuis toujours. A travers une femme dont la famille a été tuée par des Comanches, et un capitaine en fin de carrière qui doit escorter à travers le pays un cheyenne dont le peuple a toujours été l’ennemi numéro 1, il est question de personnages dont les préceptes vont être mis en difficulté, devant avancer avec leur pire ennemi sur le même chemin.
L’ennemi de mon ennemi est mon ami, l’homme est un loup pour l’homme et j’en passe, tout le scénario de Hostiles tourne autour de la capacité d’aliénation de l’humain envers son prochain, et de l’incroyable talent de notre espèce pour se mettre copieusement sur la tronche souvent sur la base de principes complètement fumeux. Alors d’un côté, tout ça n’a rien de nouveau et même s’il fait bon en parler, surtout à une heure où l’Amérique aime à se tirer la bourre toute seule en oubliant combien son peuple est cosmopolite, on ne peut pas dire qu’il y ait quoi que ce soit de nouveau sous le soleil du Far West. Mais en même temps, tout ça est très bien fait.
Si Cooper semble toujours appliquer à la lettre les traces des géants passés avant lui, convoquant au passage John Ford, Anthony Mann et consorts, l’amour du cinéaste pour son art transparaît à chaque instant. De son introduction coup de poing, qui montre d’emblée une violence sèche, rude et sans concession, à un final de toute beauté qui laisse parler les images pour mieux mettre en valeur ses acteurs, et donc ses personnages, Cooper reste ce metteur en scène droit dans ses bottes et amateur de récits mythologiques à la portée évidente, ancrés dans une dramaturgie solide.
Quoi que long, le film est ponctué par des rebondissements et des péripéties qui apportent tous et toutes de la nuance et de la matière au propos. Certains ne sont pas toujours très subtiles, comme l’arrivée du soldat joué par Ben Foster dont le regard néfaste en dit suffisamment pour que les 20 minutes suivantes se déroulent sans la moindre surprise. De la même façon, Rosamund Pike en fait des caisses dans la première partie, et son interprétation de cette femme traumatisée peut sembler un brin hystérique. Qu’à cela ne tienne, le film tient la cadence et déploie un discours assez touchant et direct sur le génocide subi par les natifs d’Amérique, au moment où l’homme blanc a imposé sa civilisation sans se poser de questions sur les dégâts qu’il ferait au passage. La franchise du film en la matière fait d’ailleurs du bien à voir, Cooper aimant à rappeler combien le pays a du mal à affronter son passé. Vu la noirceur de ce dernier, on ne sera pas surpris de voir certains américains rejeter le film sans détour.
Mise en scène élégante, casting solide et intrigue riche en rebondissements tout en ayant un beau sous texte, Hostiles possède bel et bien tout ça et coche les cases méticuleusement.
C’est peut-être finalement le seul défaut du film : être si rigoureux qu’il en oublie l’étincelle de folie ou de génie qui aurait pu l’emmener plus haut, surtout que son réalisateur ne réinvente pas la roue ici, tenant juste à la faire tourner comme il faut. Pas sûr que ce soit suffisant pour marquer les esprits mais en l’état, il reste un beau moment de cinéma.
Hostiles, de Scott Cooper – Sortie le 14 mars 2018