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Critique : Her

Ne vous fiez pas à son affichage donnant l’impression d’être une campagne en faveur du port de la moustache. Her, le nouveau film de Spike Jonze, sort dans les salles ce mercredi.

Quatre ans après Max et les Maximonstres, le réalisateur-scénariste choisit d’évoquer l’amour virtuel à travers la relation entre un homme bien seul et son téléphone portable, un sujet semblant futuriste mais finalement assez réaliste à une époque où l’on drague sur Twitter, flirte par SMS et fait des rencontres via des applications dédiées.

Mais Her (pour « Elle » en français) mérite-t-il vraiment son Oscar du meilleur scénario original et ses nombreuses nominations ?

 

Depuis son remarqué Dans la peau de John Malkovich, Spike Jonze ne cesse de fasciner le tout Hollywood et les cinéphiles du monde entier. Electron libre jonglant sans arrêt entre les différentes formes audiovisuels (clip/court métrage…), l’artiste rare fait l’événement à chacun de ses films. Her ne fait pas exception à la règle, avec son pitch curieux d’histoire d’amour entre un homme et un système d’exploitation.
Bon, le logiciel en question à la voix de Scarlett Johansson, admettez que si Windows avait cette fonctionnalité, vous trouveriez ça super cool.

A peine le synopsis du film posé, Her dévoile déjà pleinement l’incroyable défi, Ô combien casse gueule, qui l’attend. Faire croire à une relation entre un homme de chair et de sang et une simple voix qui se matérialise par une tour d’ordinateur ou un boitier portable s’apparentant à un iPhone dernier cri. Un défi partiellement rempli, qui présente à la fois l’une des forces du film, et aussi sa plus grande faiblesse.
Car il est difficile de ne pas tomber sous le charme d’un Joaquin Phoenix solaire, qu’on n’a jamais vu aussi simple, aussi à fleur de peau, aussi touchant. Véritable pilier sur lequel repose tout le film, l’acteur illumine l’écran par la beauté et le charisme mélancolique dont il fait preuve, avec ce rôle d’homme désespérément seul.

Plus fort encore, il donne toute la crédibilité nécessaire à son rôle et on a réellement l’impression que ce type tombe amoureux de son boitier, qu’il partage des choses profondes avec et que leurs échanges sont sincères. Lorsqu’il est question d’émotions pures, immatérielles, la relation fonctionne à l’image, grâce à l’alchimie démente qu’un comédien arrive à créer seul. Quand on y pense, réussir à faire passer ça à l’écran constitue un véritable tour de force.
Là où le bas blesse, c’est que l’histoire essaie d’apporter un caractère plus physique à cette relation et pour le coup, frôle le ridicule à plusieurs reprises (notamment lors une scène sur fond noir…) mais que surtout, les états d’âme de la machine prenne une telle importance que le tout tombe dans la science-fiction totale, altérant notre crédulité au récit. Qu’un système d’exploitation soit conçu pour brosser son utilisateur dans le sens du poil, soit, mais que celui ci soit pris de remords par exemple et développe une conscience aussi dense que celle d’un humain, ca n’a vite plus de sens. En cela, Her fait bien vite le tour de la question amoureuse au cœur du film, et finit même par ramer pour trouver une fin à celle-ci. Sûrement dépassé par sa fantaisie, le récit aurait gagné à être plus concis de ce point de vue là.

Le sujet de Her, et la pertinence dont il fait preuve, ne tiennent pourtant pas dans ce couple fantaisiste. Le plus intéressant dans le film réside dans la peinture que fait Spike Jonze de notre époque, à travers un futur terriblement réaliste parce qu’il reste très terre à terre tout en étant encore une fois lumineux. Dans cet environnement sans voitures, aux espaces épurés et au confort indéniable, on voit du début à la fin des dizaines et des dizaines d’âmes en train d’errer, toutes connectées à leurs téléphones et leurs outils de communication. Seulement, la communication concrète, à base d’échanges humains, de contacts physiques et j’en passe, ne se fait plus. Tous cloisonnés dans leur petit univers, les hommes et les femmes de Her sont totalement seuls. A ce titre, la première demi heure de film et son exposition sont admirables tant la peinture de ce monde ayant atteint les limites de l’Apple-isation et des réseaux sociaux sait se faire clair.

Pas besoin de grands discours pour voir combien les nouvelles technologies et la quête à l’ultra connectivité sont plus en train de séparer les hommes qu’autre chose. Sans avoir la force et la pertinence d’un Social Network sur le sujet, Her n’en reste pas moins profondément évocateur sur la solitude qui est en train de ronger nos sociétés, et sur cette recherche perpétuelle du regard de l’autre, de sa présence et du réconfort qu’il peut apporter. Même si le cœur de l’intrigue devient prévisible trop rapidement et même si le film finit par tourner en rond, il sait par moment retranscrire ce besoin inhérent de l’autre et combien nous ne cesserons jamais de nous définir en tant que personne par rapport à notre entourage. Pas mal pour une romance informatisée non ?

Extrêmement soigné dans son esthétique et sa fabrication, Her est moins une histoire d’amour passionnante que le miroir d’une société s’excluant elle même. Grâce à un Joaquin Phoenix magnifique, et à un environnement bien plus travaillé qu’il en a l’air, Spike Jonze comble les trous inhérents de son concept forcément bancal pour mieux traiter son sujet par petites touches au sein de sa mise en scène, preuve s’il en est que la réputation du cinéaste est loin d’être usurpée.

 

Her – Sortie en salles le 19 mars 2014
Réalisé par Spike Jonze
Avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams
Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de ‘Samantha’, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…

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