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Critique : Headshot
Mis à part quelques gros films de sabres à la Tigre et Dragon et quelques rares tentatives comme The Raid, le cinéma asiatique ne bénéficie que peu souvent d’une belle distribution.
Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas un public intéressé et encore moins qu’il n’y a pas de productions réussies qui méritent votre intérêt. Les différents festivals, qu’ils soient coréens ou japonais, permettent d’ailleurs de montrer qu’il y a un public malgré la frilosité des distributeurs.
Arrive donc sur les écrans le 31 octobre prochain Headshot, gros polar thaï réalisé par Pen-ek Ratanaruang.
La critique qui suit contient de légers spoilers
La corruption en Asie du Sud-Est avait déjà servi de toile de fond au film surexcité de Gareth Evans, The Raid, sorti cette même année, mais dans le contexte indonésien… Loin du fighting spirit de The Raid, Pen-Ek Ratanaruang propose dans son film, adapté du roman du même nom, une approche noire, plus posée et plus philosophique des tourments politiques qui secouent la Thaïlande depuis des décennies. Un film original et déroutant qui toutefois ne va pas jusqu’au bout de ses idées.
Tul, le personnage principal, a été confronté à cette corruption à grande échelle, puisqu’après avoir révélé le rôle de certains personnages publics dans le trafic de drogue, il est piégé et jeté en prison par un gouvernement qui ne tolère pas qu’on empiète sur ses plates-bandes. Le parcours du héros est pour le moins chaotique, à la fois mentalement ; dans la mesure où il rejette les forces officielles pour intégrer un mystérieux groupuscule dont le but est d’éliminer les parasites des hautes sphères ; et physiquement, puisqu’après une mission pour cette même organisation sa vue se retrouve inversée.

Le chaos est le maitre-mot du film. Il incarne à la fois la situation politique du pays, gangréné par la corruption, et la vie du protagoniste qui semble poursuivi par un (très) mauvais Karma. En outre, que cela soit volontaire ou non, le chaos est aussi ce qui régit la narration choisie par le metteur en scène : les flash-backs et les flashforwards sont particulièrement nombreux et viennent créer une intrigante confusion (au début tout de moins), relayée par les transformations physiques du personnage, dans un film qui n’a pas réellement de fil conducteur. On peut tout à fait interpréter cette façon originale de mettre en scène l’histoire comme une mise en abîme du désordre qui secoue à la fois le pays et le héros. Il n’en reste pas moins que la tension, l’attente, voire l’excitation en sont réduites à des portions minimes, ce qui semble préjudiciable.
Le parcours moral de Tul est quant à lui assez incohérent. Au début du film, le personnage qui nous est présenté est un flic intègre, qui n’hésite pas à coffrer des gros bonnets et qui refuse de céder aux différentes tentatives de corruption. Après avoir été piégé et mis en prison, son équilibre moral est mis à mal, mais il ne cède pas aux sirènes du groupuscule qui lui propose de devenir tueur à gages pour éliminer ceux qui se croient au-dessus des lois. Il perçoit cette activité comme une forme de criminalité. Pourtant, la rupture s’effectuera plus tard dans le film pour des raisons qui laisseront le spectateur circonspect. Ce basculement de l’intégrité vers la criminalité se fait trop brusquement, pour des motivations peu évidentes.
Par ailleurs, Tul est frappé, après une mission d’un dysfonctionnement cérébral peu commun : sa vue est inversée, puisque pour lui le sol devient le ciel, et vice versa. Ratanaruang suggère, à travers cette transformation, une évolution mentale de son personnage, qui verrait désormais la vie et ses tourments sous un autre angle, en étant plus posé, moins impulsif. Pourtant, cette évolution n’est guère visible puisque Tul est toujours empêtré dans de sales affaires, et ses réactions ne varient pas. Il démissionne auprès du groupuscule car il ne serait plus capable, du fait de son handicap, d’effectuer des missions : on s’étonnera donc de le voir capable de se battre et tirer avec une grande aisance en dépit de sa déficience. Là encore, on a l’impression que cette originalité est un piège : l’idée est à la fois sous-exploité et mal adaptée au regard des agissements de Tul. Les rares plans où l’on voit à travers les yeux du héros ne permettent pas au spectateur de comprendre ses réelles difficultés.

Brillant et original dans ses idées, mais plutôt laborieux et déconcertant dans sa réalisation, Headshot ne parvient pas réellement à creuser dans les arcanes de la corruption en Thaïlande, ce qui semblait pourtant être au cœur de son projet. Pour être clair, le propos politique et moral sonne la plupart du temps creux, à travers des répliques du style « ce n’est pas parce que je tue des gens que je suis un criminel ». Ah bon.
En dehors des incohérences relevées ci-dessus, n’enterrons pas pour autant Headshot, qui, en bon film noir qu’il demeure, reconstitue à travers le jeu envoûtant des deux actrices principales et quelques sublimes séquences de nuit et de pluie très graphiques une ambiance particulière de truanderie et d’anguilles sous roche, ce qui n’est jamais déplaisant.
Headshot – Sortie le 31 octobre 2012
Réalisé par Pen-ek Ratanaruang
Avec Nopachai Chaiyanam, Chanokporn Sayoung, Apisit Opasaimlikit
Dans la Thaïlande d’aujourd’hui, la corruption fait rage. Tul, un flic intègre, subit le chantage d’un politicien influent et se retrouve accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Désabusé, mû par un puissant désir de vengeance, il est rapidement recruté comme tueur à gages par un groupe mystérieux dont le but est d’éliminer ceux qui se croient au-dessus des lois. Mais lors d’une mission, Tul reçoit une balle dans la tête. À son réveil, après trois mois de coma, il découvre qu’il voit le monde à l’envers, littéralement. Ignorant si son état est purement médical ou la conséquence d’un mauvais karma, Tul commence à se poser des questions sur sa profession. Mais lorsqu’il essaye de démissionner, les rôles s’inversent, et le chasseur devient la proie. C’est alors qu’il rencontre une fille qui va achever de chambouler sa vie !
Tul parviendra-t-il à se racheter de cette violence qui continue à le hanter ?