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Critique : Harmonium

Alors que tous les regards sont tournés vers la Chine, sa Grande Muraille et Matt Damon cette semaine, un autre film asiatique est sorti ce mercredi dans les salles.

Harmonium, du japonais Kôji Fukada, avait été présenté à Cannes. Et comme souvent avec les films étrangers présentés là-bas, il a bien eu du mal à trouver un distributeur pour finalement échouer dans nos salles de longs mois après avoir été montré sur la Croisette…

LA CRITIQUE

Présenté à Un certain regard au dernier Festival de Cannes, le nouveau long-métrage du réalisateur japonais Kôji Fukada sort dans nos salles avec une réputation qui n’est plus à faire. Repéré à l’international il y a trois ans avec Au revoir l’été, Fukada fait partie de ces nouveaux membres d’un cinéma d’auteur japonais en renaissance après la révolution numérique du Septième art. Un cinéma intimiste et minimaliste se concentrant sur le réalisme du quotidien. Une exacte antithèse d’autres comme Sono Sion ou Takeshi Miike qui enchaînant chaque année les projets fous et de plus en plus délurés.

Harmonium tient à cette simplicité extrême des moyens et de la mise en scène pour ne porter son attention que sur les personnages et leur écriture au fil du scénario. Dès le départ, Fukada s’attache à une économie du plan pour chaque séquence, sans pour autant se comparer au grand Ozu. Son nouveau film pourrait tout aussi bien se porter sur les planches tant son récit repose sur ses protagonistes qui se comptent sur les doigts d’une main. Même les répliques nous sont délivrées au compte-goutte. Ainsi, on comprend aisément que l’arrivée inopinée de Yasaka, un ancien taulard trop propre sur lui tenu par un très bon Tadanobu Asano, dans la petite vie tranquille banlieusarde de Toshio (Kanji Furutachi) cache quelque chose pour être aussi vite acceptée. Cette volonté de nous laisser dans le vague en guise de suspense manque de finesse dans sa proposition, car nous nous doutons bien que le lourd secret que l’on nous dissimule sera révélé, et le spectateur se repose dans l’attente de cette information essentielle. Tandis qu’à l’inverse, l’évolution des relations entre les personnages passe par des gestes maladroits, un regard fuyant, un silence gêné.

Fukada a construit l’intrigue de Harmonium à rebours dès lors que Akié (Mariko Tsutsui) saura enfin pourquoi son mari a accepté si facilement que cet ancien ami loge chez lui et travaille dans son atelier en attendant des jours meilleurs. Mais à l’image du métronome qui aide la petite Hotaru (Momone Shinokawa) à jouer de l’harmonium de façon rythmée, les rebondissements émergeront avec cette même précision mécanique au fil du récit. Malgré un choix risqué de privilégier les conséquences plutôt que les actes qui détermineront les destins de ses personnages, le long-métrage de Kôji Fukada perdra du naturel qu’il démontrait dans son exposition en choisissant une progression saccadée, tout en respectant un tempo plus froid et distant.

Or, le drame qui se noue à travers une ellipse intéressante devient rapidement trop surchargé en pathos. Cependant, ce malaise qu’instaure volontairement le réalisateur n’est pas un vecteur essentiel pour relancer l’intrigue comme dans le Elle de Paul Verhoeven. Il n’est qu’un élément supplémentaire, voire superflu, à la tragédie qui se nous dans cette petite maison discrète d’une banlieue anonyme japonaise. Fukada aura beau nous tracer quelques nouvelles pistes qu’il abandonnera finalement et il faudra prendre ainsi son mal en patience pour que la conclusion inévitable n’arrive. Il est dommage que la parcimonie dont le réalisateur exprimait dans sa mise en scène au début de Harmonium ne se soit pas retrouvée également dans son scénario sur tout le film. Cela lui aurait permis de mieux faire respirer ce huis-clos étouffant par sa lourdeur pathétique qui a complètement parasité ces liens complexes et subtils lentement tissés entre ses personnages.

Harmonium, de Kôji Fukada – Sortie le 11 janvier 2017

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