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Critique : Get Santa

Joyeux Noël ! Nous sommes le 25 décembre et pour peu que vous soyez intéressé par les fêtes de fin d’années, vous êtes peut-être en train de déballer des cadeaux, voir de vous préparer à un pantagruélique repas familial.

Sur CloneWeb, nous avons un cadeau pour vous : un long papier sur un film de Noël totalement inédit en France -mais qu’on espère que vous pourrez découvrir très vite- réalisé par l’excellent Christopher Smith (Black Death, Triangle) avec Jim Broadbent (Cloud Atlas, Harry Potter) et Warwick Davies.

Le film n’a pas de date de sortie en France -il devrait échouer en DVD- mais il a envahi les écrans outre Manche.

 

Get Santa – pas de date de sortie en France
Écrit et réalisé par Christopher Smith
Avec Jim Broadbent, Rafe Spall, Kit Connor
Alors que le jour de Noël approche à grands pas, Steve sort finalement de prison après deux ans loin de son fils Tom. Les retrouvailles prennent cependant une tournure inattendue lorsque Tom entraine son père sur les traces d’un individu prétendant être le Père Noël, malencontreusement séparé de ses rennes et de son traineau. Tiraillé entre son devoir de père et ses obligations sociales, Steve n’a que quelques heures pour sauver Noël…

 

Quatre ans après la tuerie qu’était Black Death, thriller médiéval horrifique multipliant avec aisance les questionnements philosophiques et les retournements de situation hallucinants, le britannique Christopher Smith resurgit du néant avec un film de commande consacré à Noël. Dis comme ça, on a un peu l’impression que l’artiste indépendant s’est salement vendu au studio de production Scott Free pour pouvoir tourner un nouveau film. En vérité, Smith n’est pas resté désœuvré toutes ces années, puisqu’il a également réalisé, en 2012, une mini-série TV intitulée Labyrinthe (que je n’ai pas vue ; mais dont j’ai entendu beaucoup de mal).

Bref, tout ça pour dire que ce cinéaste dont on se réjouissait de suivre la carrière semblait être malheureusement tombé dans l’abime de la médiocrité, enchainant les commandes sans intérêt ni talent. Mais n’ayez crainte, il n’en est rien : Get Santa, dont la distribution française sera sans doute tout autant misérable que celle de toute la filmographie de son réalisateur, s’impose outre-manche comme l’un des meilleurs films de Noël sorti ces deux dernières décennies.

Premièrement, on peut se rassurer de la marge de manœuvre de Smith, qui certes doit toujours satisfaire un certain cahier des charges, mais profite également de son plus gros budget à ce jour, et d’assez de liberté dans l’écriture pour transformer le sempiternel film familial mielleux en petite déconstruction maligne d’un genre particulièrement commercial et peu résistant aux prises de risque.

Pour opérer cette déconstruction partielle sans renverser totalement les codes concernés, le cinéaste joue d’abord énormément sur le changement de genre au sein même de son film. Ainsi, il commence l’histoire en nous présentant un drame familial articulé autour des retrouvailles d’un garçon et de son père tout juste sorti de prison, pour continuer sur une quête/aventure surnaturelle, avant de s’engouffrer dans le film de prison, et enfin de revenir vers le merveilleux de Noël.

Cette alternance lui permet notamment d’injecter assez de nouveautés à la recette classique pour surprendre régulièrement son public. Pour ce faire, notre Père Noël adoré est notamment envoyé derrière les barreaux, tandis qu’il charge un ex-détenu et son très jeune fils de retrouver ses rennes et son traineau. La rencontre de ces deux univers habituellement diamétralement opposés permet de renouveler l’intérêt de l’histoire, qui revisite les principes fondamentaux du personnage-titre en l’intégrant au niveau le plus dangereux de notre monde normal. Ainsi, chacun des deux protagonistes échange sa place avec l’autre (l’ancien prisonnier plonge dans un monde magique, tandis que l’être magique se retrouve prisonnier de la réalité).

La dynamique ainsi installée, qui rappelle en partie la stratégie adoptée dans l’immensément plus prévisible Miracle sur la 34ème rue de 1994, est renforcée par un traitement scénaristique habile, qui construit ses personnages à travers leurs actions et leurs choix, et seulement très marginalement à travers leurs paroles (l’exemple le plus évident étant le Rubik’s Cube). La qualité du scénario se retrouve également dans le traitement général de l’esprit de Noël qui, bien que basé sur un réalisme social prompt à la satire et au second degré (ce que faisait, par exemple, Bad Santa de Zwigoff), est respecté de bout en bout, sans jamais céder à la facilité émotionnelle, ni à la naïveté exaspérante de certaines productions récentes (au hasard, le remake susmentionné ou Arthur Christmas). De ce fait, Get Santa parvient à s’adresser à la fois aux enfants, mais aussi aux adultes, en évitant d’être bêlant.

La capacité du film à happer le public adulte tient en outre de la présence de son héros Steve, l’ex-taulard, à qui les adultes peuvent s’identifier en raison de son imperfection, mais surtout car il s’agit d’un personnage débutant le film avec un état d’esprit cynique, imperméable à la magie intrinsèque aux fêtes. En ce sens, Steve n’est autre que la passerelle directe entre l’adulte et l’univers imaginé à l’écran, ou l’occasion pour Christopher Smith d’accompagner son jeu sur les codes d’une exploration du rapport qui lie l’ancien enfant aux nouveaux films de Noël. Si le début du métrage semble lui donner raison, on comprend bien vite que l’existence du merveilleux est une évidence inéluctable, et qu’il suffit donc, après tout, d’accepter d’y croire un instant… ce que fait logiquement tout spectateur se trouvant dans une salle de cinéma.

Pour s’assurer de l’intérêt de son public plus âgé, le réalisateur-scénariste motive continuellement le récit à l’aide d’un dilemme auquel le protagoniste est constamment confronté : l’acceptation de la quête proposée par son fils est synonyme de retour immédiat en prison, et son refus, synonyme de nouvelle séparation avec son enfant. Cette problématique ajoute une immédiateté palpable aux décisions de Steve, dépeint comme un personnage s’évertuant à choisir le moindre mal dans des situations sans issue, tiraillé entre son désir d’être un bon père et sa volonté de respecter la loi (et, à un niveau supérieur, tout simplement entre sa croyance et son incrédulité vis-à-vis du Père Noël).

Côté humour, la filmographie de Smith pouvait laisser perplexe quant à ses capacités comédiques, son seul film précédent axé en partie sur l’humour (Severance) n’étant pas franchement inoubliable. Avec Get Santa, il nous sert un humour hybride, situé entre motifs britanniques (comme l’intégration de l’anormal dans la vie de tous les jours) et les blagues plus universelles, du slapstick (gags visuels) au scatologique (on ne compte plus le nombre de pets). Par ailleurs, Smith tire ingénieusement parti de la connaissance qu’a son public d’adultes des autres genres cinématographiques, et détourne, à plusieurs reprises, certaines scènes qui deviennent de fait métatextuelles – mais jamais parodiques –, au risque de laisser les enfants un peu sur la touche.

Cependant, le scénario n’est pas non plus du niveau de celui de Black Death, et comporte en cela des éléments agaçants, voire franchement inutiles, comme c’est malheureusement le cas pour le personnage grossièrement sous-exploité de Warwick Davis, qui passe son temps de figuration à se faire rire au nez. Audience tous publics oblige, la caractérisation de certains personnages secondaires en fera grincer des dents certains, en particulier du côté des antagonistes monolithiques.

Formellement, enfin, Christopher Smith navigue entre virtuosité époustouflante et banalité pantouflarde. Cela s’explique assez clairement par la différence d’entrain qui semble traverser certaines scènes, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en scène des transitions nécessaires à la fluidité du récit, mais qui ennuient clairement le cinéaste. C’est par exemple le cas lorsque le Père Noël tente de libérer ses rennes, ou lorsque père et fils discutent en voiture. La caméra, neutre, illustre passivement son histoire sans se distinguer sous quelconque rapport. Cela est d’autant plus dommage que lorsqu’une scène excitante arrive, on sent le réalisateur se lâcher complètement et déployer toute son habileté. On pense par exemple à la traversée démentielle du passage menant au pôle nord, ou du vol en traineau, qui sont des passages remplis d’énergie et d’idées visuelles stimulantes, invitant le spectateur à s’émerveiller, et sur lesquels Smith a pleinement profité de son budget.

Stylistiquement, quelques motifs attribuables au réalisateur apparaissent, comme la technique visant à suivre un personnage avec la caméra, puis à continuer sur sa lancée malgré la sortie hors-champ dudit individu (idée reprise de Severance). Cependant, le metteur en scène sait aussi tirer le meilleur parti de ses changements de genres pour adapter l’identité visuelle de sa narration. Ainsi, il opère un drastique changement esthétique lorsqu’il arrive au pôle nord, se permet d’intégrer de courtes séquences reprenant les poncifs de l’horreur, et adapte quelques fois sa prise de vue à l’état de ses personnages (c’est le cas avec la caméra portée traduisant la désorientation du Père Noël dans la grange, comme elle le faisait pour Osmund dans Black Death).

Où en est donc Christopher Smith, après trois films d’horreur et un chef d’œuvre médiéval ? Il n’a pas vendu son âme au diable et prouve que même les productions semblant s’inscrire dans un cadre précis peuvent sortir des sentiers battus avec un minimum d’audace et de talent. Get Santa n’est bien entendu pas un immense film. C’est un conte de Noël porté par un Jim Broadbent en excellente forme, qui réussit, et ce n’est pas une mince affaire, à s’adresser intelligemment à tous les âges malgré quelques faux pas. Et puis, que vous aimiez ou pas les fêtes, on avouera sans honte que voir la police poursuivre un Père Noël mitraillant des bouses de rennes avec frénésie a quelque chose de profondément cathartique.

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