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Critique : En Pays Cannibale

En comptant les reprises et les évènements type projection de ballets, il y aura 22 films en salles ce mercredi. Difficile de tout voir, mais surtout difficile d’accéder à tout.

Entre les grandes enseignes qui préfèrent programmer du blockbuster et les petites salles indés qui se battent pour proposer des choses différentes, entre Paris et son incroyable programmation et la province délaissée, entre ceux qui inondent les réseaux de promo et ceux qui n’ont pas les moyens, il y a des chances que vous passiez à coté de « petits » films pourtant à voir.

Comme En Pays Cannibale d’Alexandre Villeret par exemple.

 

On a beaucoup parlé polémique et cinéma français ces dernières semaines. Des déclarations de Vincent Maraval sur le financement des films aux polémiques sur le traitement des intermittents sur le tournage du film d’Abdellatif Kechiche, c’est tout un système qui est remis en cause sans qu’on y apporte de solution. Et il est peu probable que malgré tous les écrits sur le sujet, la situation bouge d’un iota. Et pendant que des stars de Youtube sont propulsés sur des plateaux de cinéma, pendant que des humoristes viennent faire la promo d’une énième comédie ressemblant aux précédentes à la télévision et pendant qu’une poignée de noms célèbre touchent le pactole alors que d’autres galères, certains font du cinéma, du vrai, en indépendant.

C’est le cas d’Alexandre Villeret, qui, associé à Aymeric de Heurtaumont, réalise, écrit, et produit son Pays Cannibale. Et quand on voit le résultat et la tronche de la situation du cinéma français, on se dit que le fils de Jacques a bien du mérite. Certes, son premier long métrage n’est pas exempt de défauts mais ce n’est après tout qu’un premier run.

Comme le dit si bien le pitch, l’histoire se déroule à Paris mais pas celui des cartes postales. Le Paris des soirées coke et putes. Max (Axel Philippon) a perdu son père trop tôt, comme il le dit lui-même, et a plongé dans la drogue. Un jour, il tente de convaincre un pote réalisateur de films de mariage de tourner un film sur lui, le suivre avec un preneur de son dans sa version de Paris pour en faire un long métrage.
Ce pitch est sans doute le défaut majeur du film. On s’attend en effet à une véritable descente aux enfers dans les recoins les plus glauques de la capitale mais il n’en sera rien. Peut-être est ce une volonté de la part de Villeret de montrer que la drogue est désormais partout mais la promo laissait penser qu’on aurait droit à quelque chose de plus sale que ce qui est à l’écran, le réalisateur allant tourner rive gauche plutôt que dans le fin fond du 19e. Il en ressort une sensation étrange, celle d’avoir été usurpé sur la marchandise. On a beau voir des filles nues et des jeunes se faisant des lignes de coke, tout cela est bien trop sage !
Qui plus est, la mise en abyme de l’histoire (à travers les images filmées par le caméraman) fonctionne mal. Le réalisateur aurait pu tenter le found footage ou quelque chose d’équivalent mais n’en fait jamais rien. Les deux amis de Max ne sont là qu’en guise de prétexte et la volonté de conception du film n’en est pas une. D’ailleurs, des images filmées par le personnage de Lenny sont utilisées mais bien trop peu.

Pourtant, derrière ces quelques défauts se cache une volonté de bien faire. La réalisation est soignée, bien que par moment on a la sensation d’assister à des expérimentations, le noir et blanc rend divinement bien à une histoire qui se veut intemporelle et qui parvient à l’être de bout en bout, ne montrant que peu de détails des années 2010 et la bande son est très réussie. Les acteurs sont particulièrement bien dirigés et on suit avec un certain intérêt les différents portraits des « gueules » croisées par Max et sa fameuse équipe de tournage, du dealer obèse qui vit avec deux filles nues chez lui à la jolie Marie, souvenir d’un passé disparu et qui semble manquer au protagoniste.
En fil conducteur de l’histoire, Max reverra en effet son sourire mais aussi les images de son père disparu. Et on ne peut s’empêcher de faire le lien entre cet aspect du film et la vie privée d’Alexandre Villeret, Jacques nous ayant quitté lui aussi bien trop tôt. Certes, les deux univers n’ont rien en commun mais on ne peut s’empêcher de penser qu’Alexandre a mis un peu de lui dans le personnage de Max.

En Pays Cannibale n’est donc sans défaut, notamment parce qu’il est plus sage qu’il ne veut l’être. Ca peut se comprendre : il est sans doute risqué de vouloir faire trop underground quand on est un jeune réalisateur. Mais au milieu de toutes ces comédies produites par des chaines de télévision, sans la moindre saveur, il est agréable de voir qu’on peut encore prendre des risques. Et rien que pour ça, on suivra la carrière d’Alexandre Villeret de près.

 

Réalisé par Alexandre Villeret
Avec Axel Philippon, David Saracino, Ivan Cori
Interdit aux moins de 12 ans
Loin d’un Paris de carte postale, Max et sa bande de pieds-nickelés se trimballent dans les profondeurs d’un petit milieu de citadin décalé, animé par les teufs, le sexe et les drogues. Un « trip-tease » de 48 heures, et une escalade de situations déjantées dans les bas fonds de Paname.
Bienvenue EN PAYS CANNIBALE.

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