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Critique : Dark Shadows
Le nouveau long-métrage de Tim Burton dont la bande annonce n’avait pas forcément séduit arrive sur les écrans français ce mercredi 9 mai, précédé par une grande avant-première parisienne où il a fortement été conseillé de venir déguisé pour être dans l’ambiance.
Toujours avec les éternels Johnny Depp et Helena Bonham Carter, le nouveau Burton s’offre également les services d’Eva Green, Michelle Pfeiffer et Chloe Moretz.
Mais le réalisateur, empêtré dans un Alice au Pays des Merveilles, est-il encore capable de quelque chose de bon ? Il semble que oui…
Dark Shadows – Sortie le 9 mai 2012
Réalisé par Tim Burton
Avec Johnny Depp, Eva Green
En 1752, Joshua et Naomi Collins quittent Liverpool, en Angleterre, pour prendre la mer avec leur jeune fils Barnabas, et commencer une nouvelle vie en Amérique. Mais même un océan ne parvient pas à les éloigner de la terrible malédiction qui s’est abattue sur leur famille. Vingt années passent et Barnabas a le monde à ses pieds, ou du moins la ville de Collinsport, dans le Maine. Riche et puissant, c’est un séducteur invétéré… jusqu’à ce qu’il commette la grave erreur de briser le cœur d’Angelique Bouchard. C’est une sorcière, dans tous les sens du terme, qui lui jette un sort bien plus maléfique que la mort : celui d’être transformé en vampire et enterré vivant.
Deux siècles plus tard, Barnabas est libéré de sa tombe par inadvertance et débarque en 1972 dans un monde totalement transformé…
Entre une exposition en ce moment même à Paris et 2 films cette année, tous les projecteurs sont braqués sur Tim Burton. Pourtant, il faut reconnaître que le génie de nombreuses adolescentes bercées par L’Etrange Noël de Monsieur Jack a perdu de sa superbe. Il était même devenu avec ses deux derniers longs métrages un pâle copieur de son propre style, tentant tellement de le marquer à l’écran que cela en devenait grotesque, à tel point que l’homme finissait même par renier l’imaginaire dans un Alice aux Pays des Merveilles dont le final était terrifiant de renoncement.
L’arrivée de ce Dark Shadows et de son programme tout plein de vampires et de sorcières était donc redoutée, l’idée de revivre le calvaire d’un Sweeney Todd étant plus terrifiante que l’intégralité de sa filmographie. Mais comme le dit le proverbe : il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué…

Dark Shadows est au même titre que les deux autres films précités une adaptation. Tout de suite, ça ne rassurait pas vraiment sur la qualité de la chose et on était en droit de craindre le pire, surtout avec un Johnny Depp dont la carrière est devenue un disque sérieusement rayé. Toutefois, l’idée d’adapter cette série TV fantastique qui a fait les bonnes heures de nombreux spectateurs américains était toute trouvée pour un cinéaste dont la patte et l’amour du fantastique trouve un terrain de jeu ample et à la liberté nouvelle. L’œuvre originale, peu connue chez nous, puisait sa force dans un mélange unique pour l’époque, qui mêlait avec brio univers fantastique et comédie familiale sans jamais sacrifier un de ces éléments au détriment d’un autre.
C’est peut être la plus grande réussite du nouveau Burton, qui s’éloigne finalement pas mal de la pantalonnade vendue dans la bande annonce. Ne vous attendez pas uniquement à voir un ersatz des Visiteurs dans lequel Johnny Depp va se retrouver vampirisé et propulsé 200 ans en avant puisque Dark Shadows va plus loin que ça. Usant de toutes les ficelles offertes par les 1200 épisodes (!) de l’œuvre originale, Burton s’amuse avec une intrigue qui mélange histoire d’amour, quête de vengeance, chronique familiale et humour noir dans un monde baignant dans le surnaturel.
Là où le tout aurait pu être rapidement indigeste, le film parvient à maintenir un équilibre quasi-prodigieux entre ses différentes facettes pour ne pas trop sombrer dans l’une d’elles.
Si ce cocktail est si judicieusement dosé et parvient à garder toutes ses saveurs, c’est grâce à un élément qu’on pensait définitivement perdu chez le réalisateur et qui revient enfin : une galerie de personnages tous plus allumés les uns que les autres.
Fini les Chapeliers Fous ou les Willy Wonka qui s’approprient à eux seuls la part du lion, Dark Shadows déroule un éventail de gueules et de caractères bien trempés, sur qui reposent toute la sympathie et l’alchimie du film. Entre un vampire has been, une sorcière aussi sexy que diabolique ou encore une psychiatre névrosée et une mère de famille déterminée à garder ses moutons, les protagonistes représente la palette variée des tonalités du film et articulent celui-ci pour notre plus grand bonheur dans une série de confrontations et d’échanges intimement liés.
Evidemment, il est difficile pour chacun de faire sa place et certains personnages sont mieux mis en valeur que d’autres, laissant des intrigues fondamentales dans le film en arrière plan, ce qui empêche celui-ci de trouver l’émotion qu’il cherche à véhiculer dans sa conclusion.
Cela étant, le scénario permet à Burton de ramener ses acteurs fétiches Johnny Depp et Helena Bonham Carter qui n’ont plus rien à prouver et parviennent, ô miracle, à être convaincants dans des rôles très similaires à ce qu’ils ont déjà faits. Mais la force du casting tient dans ses autres rôles, à commencer par une Eva Green qui bouffe littéralement l’écran à chaque apparition et se révèle divine dans son rôle de méchante belle à s’en damner, tout comme Michelle Pfeiffer montre qu’elle n’a rien perdue de sa superbe depuis son rôle mythique dans Batman Le Défi. On vous laissera le plaisir de vous délecter de guests notables, tout en signalant que la seule à être tout juste convaincante s’avère être Chloe Moretz dont le rôle est un peu trop fonctionnel, bien qu’elle le joue avec un plaisir communicatif, à l’image de ses camarades.

Cette variété d’univers se retrouve forcément dans la direction artistique et c’est le point le plus inégal du film. Mélangé reconstitution du 18ème siècle avec une intrigue dans les 70’s ou passer d’une pure scène de comédie à un instant de pur fantastique gothique pousse à effectuer des grands écarts périlleux, et on ne peut que regretter certains passages plus tocs que d’autres, où le numérique se fait malheureusement sentir et où certaines scènes n’arrive pas à maintenir totalement l’illusion face à des fonds verts ou des éclairages trop artificiels. Cependant, le feu d’artifice visuel de Dark Shadows se tient relativement bien, et offre de très belles scènes à Burton qui renoue avec une scénographie extrêmement racée dans des décors très typés, reconnaissables en un clin d’œil et qui posent avec brio le contexte de l’histoire. Cette effusion constante, cette générosité assez dingue et la richesse de tons du film en font une comédie, certes, mais aussi un vrai film fantastique, qui n’hésite pas à partir dans des élans horrifiques comme on en voyait plus chez Burton. Pur freak show totalement déluré, Dark Shadows s’avère salutaire ne serait-ce que pour sa capacité à rétablir des mythes que Hollywood n’a eu de cesse d’entacher ces dernières années. Le retour d’une bonne maison hantée aux nombreux secrets cachés dans tous ses recoins, le retour des fantômes à la blancheur spectrale fascinante ou le retour des buveurs de sang rôdant dans les ténèbres et fuyant la lumière du jour. Parce qu’il fait preuve d’un amour indéfectible pour ses figures ancestrales en tout genre et qu’il les insère dans un récit à l’ancienne capable de passer d’une séquence maline sur fond de Curtis Mayfield à de véritables fulgurances baroques, Dark Shadows gagne sur tous les points, et renouvelle avec des univers qui nous avait franchement manqué.
Œuvre complètement foutraque, Dark Shadows signe les retrouvailles avec un fantastique classique tout en se permettant des excentricités pop savoureusement old school et déjantées. Une telle effervescence laisse certaines des intentions originelles sur le carreau, empêchant au passage le film d’être majeur dans la carrière de son réalisateur, mais le cocktail proposé s’avère tellement rafraichissant et inouï qu’il est difficile d’y résister, surtout durant ces temps obscurs pour le cinéma populaire dans lesquels le fantastique n’aura cessé d’être maltraité.
Tim Burton est enfin de retour, tout simplement.
3 commentaire
par Le cabinet des rugosités
Bonjour,
Bien que je sois fâchée avec le cinéma de Tim Burton depuis Sleepy Hollow, ce soir j’irais voir Dark Shadows, mais si je suis déçue à nouveau j’enverrais une lettre de rupture à Tim ;)
par number18
honnêtement je suis plutôt bon public en matière de cinéma, mais Dark Shadows qu’est ce que je me suis fait chier. Le rythme est mou, les quelques moments drôles sont dans la bande annonce , j’attendais qu’il se passe quelque chose et puis rien du tout. C’est la première fois que j’ai eu envie de partir pendant un film.
Donc pour moi ce film est à éviter. j’hésitais entre revoir Avengers et ce film, j’aurai du suivre ma première intention!