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Critique : Conjuring – Les Dossiers Warren
James Wan est un boulimique de travail. A peine remis d’un tournage qu’il en enchaine un autre tout en en préparant un troisième.
Il sort donc deux films cette année dont Insidious Chapitre 2 prévu pour début octobre et tourne actuellement le 7e Fast and Furious dont la sortie est prévue, elle, pour juillet 2014. Et probablement sans temps mort, il devrait enchainer avec l’adaptation ciné de McGyver.
Mais avant tout cela, il a mis en scène The Conjuring en salles mercredi prochain.
Chaque fois, c’est la même rengaine : une succession d’affiches et de bandes annonces vendant « le film le plus terrifiant depuis l’Exorciste » et autres dithyrambes qui éclatent toutes comme des bulles au soleil une fois devant le résultat. En même temps, ce genre de taglines pour vendre un truc aussi indigeste que Paranormal Activity ou Le Dernier Exorcisme, ce n’était pas forcément une très bonne idée. La dernière victime en date de ce syndrome s’appelle The Conjuring, et sans vouloir suivre un quelconque marketing avarié, la chose mérite qu’on s’y attarde pour le simple nom de son réalisateur. Le coupable s’appelle James Wan, celui-là même qui sortait de nulle part en nous balançant le premier Saw en pleine poire (pas les suites hein, juste le premier et seul digne de ce nom). Chez CloneWeb, il nous avait surtout mis la tête sous le siège avec Insidious, train fantôme cinématographique aussi extravagant que carnavalesque qui avait le mérite d’assumer tous ses délires à 300%. Cela nous suffisait à attendre fébrilement les nouveaux travaux du bonhomme, et le petit dernier s’inspire donc d’une histoire vraie à base de maison hantée, d’esprits bien méchants et d’exorcistes prêts à tout pour en découdre. Un bien chouette programme pour maltraiter la cuisse de votre voisin…

Ce qui fait plaisir devant The Conjuring, c’est qu’avant de faire face à un film d’horreur, nous avons à faire à un film. Vous vous dites sans doute que j’ai pété un boulon ou que je suis un tantinet hautain vis-à-vis du genre mais la nuance est à vrai dire très simple : avant d’essayer de vous foutre les jetons à tout va, James Wan vous raconte une histoire. En soi, cela est rare aujourd’hui pour une production horrifique d’avoir de vrais personnages dépassant le simple cadre du stéréotype, comme par exemple la blondinette à gros seins plantée là pour être nue devant la caméra avant de se faire décapiter. Et ça, Wan l’a bien compris tant l’exposition de son nouveau long-métrage prend son temps. Que ce soit pour la famille qui s’apprête à passer des nuits d’enfer ou pour le couple d’enquêteurs spécialisés dans le paranormal, le récit prend bien le soin de nous les présenter suffisamment pour qu’on les distingue sans problème et surtout qu’on s’y attache. Oui, les personnages sont attachants, parce qu’ils sont écrits et travaillés pour paraître aussi humains que vous et moi, avec une réelle crédibilité. L’exposition du film va plus loin que ça, puisqu’en fin connaisseur de ce type de films, James Wan ne se limite pas à donner chair à de futures victimes, il les encre instantanément dans un environnement tangible. Il suffit de voir le plan séquence qui suit le déménagement de la famille au cœur de l’histoire pour que leur maison soit entièrement spatialisée afin que l’on sache comment les pièces sont disposées. Rien de mieux pour préparer un bon cache-cache, surtout qu’au travers de cette scène, on retrouve rapidement des motifs bien connus des férus de genre : une télé toute prête à grésillée, des miroirs ne demandant qu’à refléter des atrocités ou la fameuse porte sous les escaliers… Les détracteurs diront que le bougre fait du recyclage une nouvelle fois sans une once d’originalité, alors qu’en réalité il prépare le terrain et titille le spectateur : on reconnaît ces éléments, on sait comment est fait la maison et on s’identifie progressivement aux personnages avec des scènes de vie simples et jamais lourdingues.
En clair, on est comme chez soi, on a pris ses marques et on se fait à ce petit cocon familial. Evidemment, tout ça est fait dans un seul but : faire tomber le rideau brusquement, et faire exploser le trouillomètre à toute vitesse.
Pour ceux qui craignent de s’ennuyer un peu dans cette première partie, sachez tout de même que le film s’ouvre sur quelques scènes de peur bien tendues, permettant d’instaurer un vrai background au couple Warren, les deux enquêteurs du paranormal qui ont couvert maintes affaires. Sorte de Fox & Scully des esprits défunts, le duo campé par Patrick Wilson et l’excellente Vera Farmiga représente un réel intérêt au delà même du cas qui les préoccupe majoritairement ici, et on sera surpris de voir que Wan s’intéresse à l’humain aussi bien chez eux que chez les victimes. Cela fonctionne beaucoup grâce au casting du film. L’idée d’aller chercher des acteurs peu coutumiers à ce style de film en majorité leur permettant de vraiment mettre leurs tripes devant la caméra, et ça se sent. C’est en cela que les deux héroïnes, jouées par Farmiga et Lili Taylor, ont une vraie profondeur pour être aussi fortes que vulnérables.
Pour en revenir à la frousse, il y a aussi cette idée d’utiliser le duo pour jouer sur les codes, certains passages montrant le couple à l’œuvre pour aider des gens terrorisés chez eux en leur prouvant par A + B que les phénomènes qu’ils pensaient surnaturels étaient dus à de simples petites bricoles. Une façon de dédramatiser ce qui va suivre ? Non, c’est tout l’inverse…

En plantant le décor bien en amont, Wan maximise l’impact de l’horreur quand celle-ci débarque et s’adonne pourtant à sa grande passion pour le crescendo. Évidemment, vous aurez le droit aux portes qui claquent et aux bruitages suspicieux, mais le tout est cadré avec une telle élégance et maîtrise que les premières échafaudées fantastiques réapprennent à elles seules la mise en scène à tous les Paranormal Activity et consorts. C’est rythmé sur le fil du rasoir, et pourtant d’une réelle subtilité : là où Insidious s’éclatait dans une série de jump scares étonnement inventifs, la peur se fait plus délicate dans The Conjuring. Au fur et à mesure que les événements approchent, Wan cède très rarement à la facilité et joue sur la frustration. C’est en cela que les fameuses scènes de frousse sont d’ailleurs aussi efficaces : à force de tirer sur la corde sensible en mettant le spectateur dans une position délicate où il n’en peut plus d’attendre que ça lui saute à la tronche, chaque intervention spectrale se fait très spectaculaire. Prenant le taureau par les cornes pour évider de répéter éternellement la même danse, le réalisateur fait fit des codes, n’abuse jamais du hors champ, s’autorise à faire bouillir une scène pour ne rien montrer au final et casse cette foutue règle selon laquelle la terreur ne doit apparaître que de nuit. Guettant à toute heure et n’importe où, elle n’en est que plus menaçante et grisante, sans pour autant interdire quelques touches d’humour bienvenues afin de relâcher les nerfs un court instant pour mieux les chauffer par la suite. Après tout, on est aussi là pour s’amuser. Alors bien sûr, le film ne réinvente pas la roue, tous les thèmes abordés ont déjà étés vus quelque part et celui qui vient en espérant voir de l’inédit pur jus sera sans doute un peu déçu. Pourtant, The Conjuring est d’une générosité incroyable, à l’image de son final apocalyptique, où la somme de toutes les craintes et peurs accumulées jusque là se concentre pour mieux tout éclater sur leur passage. C’est grisant, très impressionnant et parcouru de plans dantesques, dont un en hommage direct à Hitchcock où celui-ci aurait pris une sacrée dose d’énergie.
À l’image de sa bande son qui ressemble moins à de la musique qu’à un sound design vorace pété de violons stridents vous chatouillant l’échine, The Conjuring revendique son héritage, l’a parfaitement compris et le réorchestre méthodiquement pour mieux lui faire honneur.
Rares sont les metteurs en scène de films d’horreur actuels qui mettent un point d’honneur à vous raconter une histoire intéressante avant de foutre les jetons grâce à celle-ci. James Wan en est peut être le plus beau représentant et sa nouvelle œuvre peut se targuer aussi bien d’être mis en scène avec un soin méticuleux et une écriture solide que d’offrir de grands moments de trouille à l’ancienne sur pellicule. Plaidoyer pour le genre aussi passionné que possédé, The Conjuring nous rappelle combien ça peut être un plaisir de se faire peur au cinéma, et cela en fait à coup sûr l’un des meilleurs divertissements de l’année.
Conjuring – Les Dossiers Warren – Sortie le 21 août
Réalisé par James Wan
Avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Ron Livingston
Avant Amityville, il y avait Harrisville… Conjuring : Les dossiers Warren, raconte l’histoire horrible, mais vraie, d’Ed et Lorraine Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier, venus en aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur ferme isolée… Contraints d’affronter une créature démoniaque d’une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l’affaire la plus terrifiante de leur carrière…
2 commentaire
par EagleWolf
Ah bah ça donne envie de l’voir celui-ci.. !