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Critique : Cogan Killing Them Softly
Après avoir changé plusieurs fois de titres avant sa sortie, Cogan Killing Them Softly arrive dans les salles françaises le 5 décembre prochain.
Le film d’Andrew Dominik (L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford) met en scène Brad Pitt dans le rôle d’un tueur chargé par la mafia de faire le ménage, ménage qui va mal tourner, après le braquage d’une partie de poker.
Aux cotés de Pitt, James Gandolfini et l’indispensable Ray Liotta.
Cinq ans après son Assassinat de Jesse James, l’australien Andrew Dominik nous revient avec l’adaptation d’un roman de George Higgins, polar noir aux personnages moribonds évoluant dans un monde en crise.
La crise, c’est précisément ce qui intéresse le réalisateur. Pendant plus d’une heure et demie donc, le film s’évertue à tracer des parallèles grossiers entre la situation décrite à l’écran et celle qui touche le territoire américain dans son ensemble. Les discours de Bush et d’Obama sont là, omniprésents à la radio ou à la télévision, pour commenter les déboires de petits malfrats rampant péniblement leur vie à travers la misère du milieu criminel.
On voit le vaurien sale, dégingandé et sous héroïne, accompagné de son ami frappé de désespoir légitime face aux difficultés économiques qu’il connaît. On écoute les tueurs à gage parler voyages, famille, divorce et surtout péripatéticiennes au détour d’un whisky et d’une insulte, pour enchaîner sur un dialogue entre un représentant du réseau criminel et Brad Pitt, se plaignant du processus décisionnel adopté par les mafieux d’aujourd’hui.

Sa problématique, explicitée dans l’ouverture du film (dotée d’un montage sonore assez drôle d’ailleurs – mais pas dans le bon sens du terme), se répète, sans cesse, grâce à un flux de paroles incessant. C’est donc principalement par là que Dominik choisit de raconter son histoire, pas forcément passionnante en elle-même, mais bénéficiant de personnages assez différents les uns des autres pour justifier du scénario (à défaut de présenter la moindre originalité).
Quid de l’intrigue, dans tout ça ? Il n’y en a pas tellement. L’enquête de Brad Pitt est court-circuitée, et le film joue sur l’idée de corporatisation de la mafia pour faire traîner son déroulement de manière extrêmement laborieuse.
Au niveau formel, le cinéaste décide, toujours avec la même subtilité, de répéter des motifs de fabrication qui finissent par être agaçants : les musiques utilisées surjouent la carte de l’explicitation des événements, la caméra adopte une mise en scène redondante, tandis que les rares scènes de fusillade (peut-on vraiment les appeler ainsi ?) sont mollassonnes et n’intéressent clairement pas Dominik, qui varie ses approches machinalement, sans génie (on a vu mieux ailleurs sur tous les plans).
Il serait injuste, cependant, de s’arrêter là. D’abord, parce que les acteurs, tous très convaincants, sauvent le spectateur de l’appel de Morphée. Leur débit, remarquablement clair et précis malgré la quantité de texte, constitue l’unique rythme du récit. Ensuite, parce que Dominik a au moins le mérite de tenir son pari et sa problématique.

La question qui s’impose maintenant est de savoir ce que recherche le spectateur lorsqu’il ira voir Cogan, car soyons bien clairs là-dessus : ce film a un propos et impose sa lecture au public. Impossible de passer outre et d’appréhender l’œuvre autrement que par le prisme de sa réflexion. Killing Them Softly ne laisse aucune place pour la vision indifférente ou apathique et force le déclenchement de mécanismes d’analyse chez son spectateur par la répétition outrancière des parallèles évoqués plus haut. Tout revient à savoir ce que voulait vraiment faire Andrew Dominik. À en croire ses propos, la clarté d’expression de son film devait passer avant tout. Un pamphlet acerbe à l’encontre du capitalisme ? D’accord, mais pas parmi ceux dont on se souviendra.
Serait-il bon d’aller voir Cogan ? Si les bulldozers ne vous dérangent pas et que vous appréciez qu’on vous explique comment fonctionnent réellement les États-Unis d’aujourd’hui, qu’on vous dise pourquoi, dans les détails, la vie de criminel ne paie pas, et que vous aimez les bons jeux d’acteur, alors pourquoi pas. En revanche, si vous êtes comme ce bon vieil Engels et que vous pensez que « Le niveau d’une œuvre d’art est d’autant plus haut que l’idée que cette œuvre exprime est plus profondément dissimulée », alors passez votre chemin.
Cogan, la mort en douce (Killing Them Softly) – sortie le 5 décembre 2012
Écrit et réalisé par Andrew Dominik
Avec Brad Pitt, Scoot McNairy, Ben Mendelsohn
Une partie de poker supervisée par la mafia locale est braquée. Par peur de perdre trop d’argent, les criminels interrompent les jeux le temps que Cogan, un tueur à gage, vienne remettre de l’ordre dans la situation. Mais la crise est plus profonde qu’en apparence…
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