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Critique : Chien
Vincent Macaigne est partout. Très bon chez Toledano et Nakache pour le Sens de la Fête, il était également à l’affiche en 2017 d’un film d’Anne Fontaine quand il ne tournait pas le sien. Il sera aussi au casting du prochain film d’Olivier Assayas.
Mais en attendant, il est à la tête de Chien, le nouveau film de Samuel Benchetrit.
LA CRITIQUE
Une adaptation du livre Chien, de Samuel Benchetrit. Du moins de la première partie. Le réalisateur raconte qu’il a pensé à ce livre et CE sujet à un moment de sa vie où ça allait mal, très mal, au plus mal, il parle sans détour de dépression. Son éditeur, homme qu’il aime, lui dit d’écrire cette histoire. Et Samuel s’exécute. Plus tard, c’est un producteur qu’il lui dira de réaliser cette histoire. Et Samuel s’exécute. Un peu à la manière – mais attention, tout en nuance – de Jacques, son personnage – plus que de nuance, il s’agit ici d’un gouffre, d’une mesure parfaitement autre. – Comprenons:
Jacques (Vincent Macaigne) est un homme qui part du principe que les gens ne mentent pas et ne font pas les choses « contre » lui. Il se fait larguer par sa femme (Vanessa Paradis). Pourquoi ? Il s’entend répondre que c’est parce qu’il déclenche chez elle une maladie de peau, Jacques y croit, Jacques s’en excuse et Jacques quitte le foyer. Il se fait renvoyer, mais ce n’est pas contre lui, c’est que son patron a des problèmes financiers. Et puis, Jacques rencontre un homme dur, un éleveur de chiens (Bouli Lanners). Et Jacques deviendra sien. Ici, il ne faut pas abuser de mots, discutons plutôt des émotions, car il ne s’agit pas de gâcher par la révélation d’un quelconque élément narratif du film.
Le film se ressent et se vit de plusieurs façons. Certains rient et au même instant, d’autres ferment les yeux. C’est un film dérangeant. Oui, mais, au message important. Que serait le monde s’il était un peu plus Jacques ? Un peu moins « tout est contre moi », un peu plus dans une naïveté si confondante que désarmante. Jacques peut, à un certain moment, disons au point culminant du film dans tout ce qu’il est de plus humiliant, paraître pathétique mais finalement ne l’est pas. Il ne l’est pas car on le comprend, et nous, attachés à lui, nous, le comprenons, presque ! Mais jamais totalement. On peut y lire des dizaines de messages, tout semble symbolique, dans cet univers si épuré, le moindre objet, couleur, paysage, regard, parole, le moindre rien à cet air de celui qui veut tout dire. Nous sommes si happés par le film que même un poulet, ou bien le rouge d’une basket nous interrogent : que représentent-ils ? Que veulent-ils dire ? Comme si Samuel Benchetrit avait distillé des indices et messages cachés partout, tout le temps. Ce film rend dingue. Paranoïaque dans ce qu’il y a de plus intéressant – au sens propre, dans tout ce qui provoque l’intérêt même. –
Vincent Macaigne. Il n’y a que lui, son talent et sa force d’interprétation pour un tel personnage. Ses yeux, ses airs, et puis son corps qui se fond dans celui de Jacques. Dans mon esprit, Macaigne est de ceux qui font la révolution, qui bougent et qui dénoncent, qui poussent à la réflexion. En tant que metteur en scène, que réalisateur et évidemment qu’acteur. Artiste fougueux dont on ne peut que tomber sous le charme, il est celui qui engage la pensée. Macaigne, c’est l’évidence du film. Aucun autre visage n’aurait pu prendre les traits de Jacques. Nous ne l’aurions pas suivi aussi intensément.
Chien rend fou, un peu. Certainement parce qu’il décrit le monde tel que nous ne voulons pas le voir, du moins ne voudrions pas le connaître. Chien est violent, par moments. Mais Chien n’est finalement pas dangereux, ni méchant, car Chien est nécessaire, de ces nécessités de réflexion, de celles qui donnent envie d’une autre idée de monde, pour ne pas sombrer dans les pires pans du nôtre. Sacré monde, il aura eu sa place de nombreuses fois dans ce paragraphe, et pour cause, c’est de lui dont il est question, dans Chien.
Chien, de Samuel Benchetrit – Sortie le 14 mars 2018