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Critique : Blue Valentine
Après avoir été projeté à Cannes en 2010 dans la catégorie Un Certain Regard et une sortie discrète aux USA, le film de Derek Cianfrance arrive enfin sur nos écrans.
Blue Valentine est l’histoire d’un couple formé par Ryan Gossling et la jolie Michelle Williams, film pour lequel les deux acteurs ont été plusieurs fois nominés, notamment aux Oscars pour elle en tant que Meilleur Actrice.
Notez que la sortie a été longue et douloureuse. Michelle Williams a reçu le script alors qu’elle n’avait que 21 ans et a commencé à tourner six ans plus tard. Qui plus est, le film devait avoir une interdiction aux moins de 17 ans aux USA pour une scène de sexe jugée peu montrable. Il n’écopera finalement que d’un « R » (où un mineur de moins de 17 ans ne peut entrer qu’accompagné d’un adulte).
Mais tout cela valait-il le coup ?
Blue Valentine – Sortie le 15 juin 2010
Réalisé par Derek Cianfrance
Avec Ryan Gosling, Michelle Williams, Mike Vogel
A travers une galerie d’instants volés, passés ou présents, l’histoire d’un amour que l’on pensait avoir trouvé, et qui pourtant s’échappe… Dean et Cindy se remémorent les bons moments de leur histoire et se donnent encore une chance, le temps d’une nuit, pour sauver leur mariage vacillant.
Les histoires d’amour sont comme toutes les autres et ont un début, un milieu et une fin. Mais au cinéma, on aime particulièrement s’attarder sur la première et la dernière partie, jugeant qu’on tient là non seulement des phases décisives mais aussi les plus passionnées, les plus intenses et donc les plus intéressantes pour les spectateurs.
Quoi de mieux alors pour recentrer un film sur une relation en particulier que d’en raconter les premiers émois et la corrosion en parallèle pour en capter la quintessence ?
C’est le projet de ce Blue Valentine, porté depuis plusieurs années par un certain Derek Cianfrance dont c’est le deuxième film.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le réalisateur a mis du sien dans le film. Portant ce projet depuis 12 ans, avec une maturation voyant défiler 57 versions de scénario et des acteurs attachés au film dès 2003, Derek Cianfrance voulait raconter l’érosion d’un couple au travers du temps en construisant son film comme une série de souvenirs, les personnages de Michelle Williams & Ryan Gosling faisant en réalité référence aux parents du réalisateur. Enième enfant traumatisé par le divorce de ces parents, Cianfrance semblait vouloir exorciser ses peines passées en comprenant les raisons de la chose par une autopsie sélective d’une relation délabrée.
Quoi que l’on pense des intentions, le soin qui y a été apporté est renforcé par l’implication des acteurs qui ont suivi et donner leur support au film très tôt, en ayant été jusqu’à vivre ensemble avant le tournage pour créer des liens visibles à l’écran, même si cela reste professionnel puisque Michelle Williams occupe le rôle de mère dans la vie de tous les jours.
Tirant son expérience passée du documentaire, le réalisateur voulait par la même occasion appuyer le plus possible le réel des situations. Cela se traduit par un tournage dans des lieux bien réels, avec les employés ou habitants normaux des endroits où se déroulent les scènes, et avec une place tout particulière pour l’improvisation, les deux acteurs ne manquant pas de se surprendre mutuellement pour donner de la vie et un cachet authentique à leurs personnages.

Représentant donc un extrême type Sundance dans sa forme là où un (500) Jours Ensemble en était l’opposé bien que traitant plus ou moins du même sujet, le film va donc suivre de la manière la plus invisible possible ce parcours amoureux et mettre en place une série d’oppositions pour marquer la faille devenant au fur et à mesure un creux béant entre les 2 protagonistes. Un système de dualité type amour/haine ou encore passion/ignorance qui va structurer le film tout du long, alternant dans un ordre plus ou moins égalitaire les balbutiements timides et les déchirements de ce couple.
Bien qu’à priori intéressante, cette construction va fonctionner durant une bonne demi heure pour finalement vite s’essouffler, pour la simple et bonne raison que l’exposition du film résume à elle seule ce que tout le long métrage veut nous faire ressentir et nous dire sur le couple. Voir ces deux êtres en pleine tentative pour le moins désespérée de conservation de ce qui faisait leur unité par leur passé, avec en enjeu principal leur jeune fille, se révèle finalement vite répétitif puisque l’on comprend vite de quoi il va en retourner. Et d’ailleurs, le film ne nous épargne rien par la suite, avec la scène de l’hôtel pour raviver la flamme et donnant lieu à un acte sexuel mécanique et glacial, les égarements introspectifs de personnages ayant le regard perdu dans le vide à travers une vitre de bus ou encore l’explosion finale, donnant lieu à une engueulade d’au moins 10 minutes dont on se serait bien passé.
Incapable de transcender son sujet et de passer outre ce qu’on attend d’une telle histoire, Cianfrance filme des instants volés ayant par moment un certain charme mais dont la superposition successive peine grandement à créer de l’empathie tant on voit où le film veut en venir au bout de deux minutes.
Pire, en étirant certaines scènes jusqu’à l’extrême (dont la fameuse dispute), il finit par agacer et à nous faire rejeter en bloc ce couple banal dont l’éclatement semblait couru d’avance. Un signe de maladresse qui ne pardonne pas…

Blue Valentine est d’une franchise intacte mais cela ne le sauve pas pour autant. Trop attendu dans sa forme comme dans son fond, cette romance écorchée vive se révèle plombée par son schématisme usant, l’agacement de certaines scènes à rallonge et son manque de surprise absolu. C’est d’autant plus dommage que les acteurs sont en symbiose, mais cela démontre une fois de plus combien il est difficile de viser juste sur des thèmes aussi universels.