2025Vues 0commentaires

Critique : Baahubali 2, la conclusion
En 2015, nous vous parlions avec enthousiasme de La Légende de Baahubali, film à grand spectacle indien et attendions depuis avec impatience la sortie de la deuxième partie.
Grâce à Night Ed Films, la Conclusion sort ce vendredi 28 avril 2017 dans les salles françaises en même temps qu’en Inde (!). Le film est diffusé à Paris au Publicis (qui passe également la première partie) mais aussi dans quelques salles Gaumont et CGR de banlieue et province, en Hindi et en Tamoul…
LA CRITIQUE
Auréolé d’un succès colossal en Inde et d’une belle aura à l’international, la première partie du diptyque Baahubali a su créer à sa sortie un engouement planétaire entraînant des attentes toutes aussi démesurées que le projet pour sa conclusion. Être le film le plus cher de l’histoire du cinéma indien est une chose, réussir à contenter les fans du monde entier en est une autre. Quitte à mettre les petits plats dans les grands, cette suite s’offre carrément une sortie mondiale qui passe par chez nous, avec plusieurs salles le proposant en France en même temps qu’en Inde. Alors si le premier opus mettait une petite claque à sa manière à bien des blockbusters US, comment ses créateurs s’en sortent-ils au jeu de la suite promise comme étant encore plus énorme ?
Pour ceux qui ne connaissent pas Baahubali, n’essayez même pas de vous aventurer dans cette suite tant elle est directe au précédent. On retrouve donc notre Moïse tamil superstar dans une Inde fantasmagorique médiévale aux paysages majestueux à peu près là où on l’avait laissé.
Tout ceux qui ont vu le premier film savent à quel point il était curieux narrativement, puisqu’il mettait en place l’histoire de son héros durant les deux premiers tiers pour ensuite nous présenter un spectaculaire 3ème acte sur son père avec grande bataille et tout le tatouin dans un gigantesque flash-back, se terminant par un cliffhanger précipité sorti un peu de nulle part.
S’efforçant à reprendre tout ce qui faisait le sel du premier film, cette conclusion a eu la curieuse idée de renouveler son récit alambiqué et s’impose presque comme un négatif inversé du précédent. A savoir qu’ici, les deux premiers tiers du film sont la suite du flash-back du précédent, pour enfin nous montrer la fin de l’histoire au présent!
Si ce flash-back creuse évidemment la mythologie du personnage, sa dramaturgie et les enjeux qui ont mené à la situation chaotique du premier film, on en vient forcément à se demander pourquoi avoir pris une telle structure sur les deux films. On peut très bien imaginer toute l’histoire remise à plat dans l’ordre chronologique, avec le parcours du père dans un premier film et celui du fils dans le second. Mais non! Baahubali perpétue cette idée au point de s’en prendre un peu les pieds dans le tapis puisque le spectateur connaît l’issue de ce retour dans le passé quand il aborde cette suite.
Et à trop vouloir gonfler cette partie, elle finit par sombrer dans un ensemble de dialogues assez plombants, où la surenchère inutile de complots, de coups bas et de retournements de situations dilue peu à peu ses enjeux en attendant de revenir au présent.
Quelque part, l’ensemble est toujours mené avec une générosité intacte, le réalisateur s’évertuant à rendre chaque scène drôle, plus grande que nature ou digne d’intérêt avec des détails parfois absurdes qui font le sel de cet univers et du plaisir qui en ressort. Cette construction étrange n’en permet pas moins d’étendre le monde de Baahubali en explorant une nouvelle région et en offrant un terrain de jeu inédit pour mettre en scène notamment une bataille délirante, où le héros chevauche notamment un troupeau de taureaux aux cornes enflammées pour charger l’armée adverse! Toujours habité par ce goût de la surenchère proprement délirante qui ferait passer les derniers Fast & Furious pour des enfantillages, Baahubali continue de multiplier les idées scénographiques colossales et insensées.
Ce qui est génial une fois encore, c’est cette capacité à transformer chaque fait et geste en véritable moment de bravoure. Le moindre regard peut être sur-filmé comme s’il portait toute l’importance du monde, les poses iconiques s’enchaînent à un rythme fou, et tout est à même de prendre une ampleur gargantuesque. Ce goût du toujours plus fonctionne à plein régime car il véhicule très simplement cette idée que tout est spectacle. Ça peut être lorsque le couple principal s’unit pour se débarrasser de leurs adversaires à coups de flèches en transformant leur combat en véritable ballet, la lutte ayant finalement moins d’intérêt que la synchronisation parfaite des deux tourtereaux qui mènent en vérité une danse nuptiale avant toute autre chose. Dans un registre nettement moins guerrier, une scène à bord d’un fantastique navire en mer part en comédie musicale dans la pure tradition bollywoodienne (même si nous sommes ici à Tollywood!), la chanson transformant la scène dans une sorte de remake fantasy de « Ce Rêve Bleu » d’Aladdin, dans des décors aérien où même les cieux ne semblent pas être une limite!
Quand bien même le film tire indéniablement sur la corde (on pourrait couper 20 minutes sans problème!) et gonfle sa narration jusqu’à l’absurde, quand bien même certains effets spéciaux sont encore plus ratés que précédemment, avec des incrustations aléatoires, des raccords numériques ultra balbutiants et autres pixels égarés, et quand bien même enfin on retrouve d’autres tares du premier, comme une gestion des rôles féminins pas toujours des plus subtiles (la princesse du premier film est reléguée à de la figuration!), il est difficile malgré tout de faire la fine bouche.
Car quand il est question d’offrir du plaisir pur au spectateur, Baahubali renoue avec cette énergie à même de déplacer des montagnes. Tout n’est pas toujours très soigné, comme certains plans en travelling latéraux à la Zack Snyder trop précipités, ou des passages qui font redite avec le précédent. Reste que le duel final par exemple est un monument de testostérone et de gigantisme, où chaque coup surpuissant fait aussi mal qu’il est jouissif.
Le choc des titans vendu est bel et bien là, avec des plans homériques à la composition picturale et une évolution crescendo dans les combats, outre passant le ridicule de l’interprétation jusqu’au boutiste, et renouvelant l’effet « Waow » de plus en plus rare au cinéma tant le film est prenant et réussi l’air de rien à impliquer le public dans son histoire.
On savait S.S Rajamouli talentueux déjà avec son délirant Eega et sa mouche vengeresse, mais rien ne préparait à sa propension à l’épique lors du premier Baahubali. Fort heureusement, il confirme ici toute la démesure qui le caractérise. S’il a parfois les yeux plus gros que le ventre dans une production qui essuie bien des plâtres, le dynamisme et la vélocité de sa réalisation portent une fois de plus cet objet de cinéma singulier, qui n’hésite pas à faire fi de toute logique ou rationalité, pourvu que le spectateur s’éclate. La conclusion de Baahubali est indéniablement moins bien équilibrée que la première partie et se paye un ventre mou plus prononcé, cela n’empêche pas de sortir de la salle avec des étoiles dans les yeux, et l’impression d’avoir vu un grand spectacle d’une fraîcheur irrésistible comme on en voit que trop rarement.
Baahubali, de S.S. Rajamouli – Sortie le 28 avril 2017