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Romain Gavras accélère. Après NOTRE JOUR VIENDRA (2010) et LE MONDE EST A TOI (2018), le cofondateur en 1995 du collectif Kourtrajmé – avec Kim Chapiron – signe un uppercut en Compétition à la 79e Mostra de Venise (Biennale Venezia) avec ATHENA. Un film signature au cœur d’une révolution des cités, filmé comme une tragédie grecque dans une France en crise.
Co-écrit par Ladj Ly (LES MISÉRABLES) et Elias Belkeddar, ATHENA peut trouver ses racines dans le film précédent de Gavras, qui explorait déjà les arcanes des cités entre trafic de drogues, grandes gueules et nervosité ambiante. Mais ici, pas question d’observation ni d’attente : ATHENA démarre dès son introduction par un plan séquence impressionnant (comment a t-il fait ??) qui pose l’histoire. Les jeunes contre les flics, la révolution au cœur des cités, la vengeance contre l’ordre. Ce serait forcément réducteur de simplifier le film sur ses thématiques, toujours est-il que le pari est bien celui de proposer un vrai film d’action dont le décor est des plus réalistes. Et vu l’ampleur de la mise en scène, il reste évidemment dommage que la diffusion en soit limitée au petit écran…
Si au fond le film parle d‘une France d’aujourd’hui – comme le faisaient LES MISÉRABLES ou BAC NORD – c’est surtout la forme qui nous embarque. Romain Gavras impose en effet son style et son rythme, ne proposant pas ou peu de respirations. Comme si les dernières crises nationales (attentats, gilets jaunes…) pouvaient trouver leur exutoire dans un déferlement tragique de violences. En cela c’est la tragédie qui définit le dispositif du cinéaste, tournant autour de quatre frères tous victimes des événements. Le militaire revenu d’Afrique, le dealer implacable, le petit frère en colère, le premier mort du film… A travers cette galerie de personnages, Gavras explore les points cardinaux d’une cité furieuse et incomprise à laquelle il oppose policiers et civils en perdition.
On pourra regretter quelques raccourcis (le “switch” d’un personnage, une ultime séquence trop explicative…), mais ATHENA est bien la brillante démonstration d’un cinéaste français en pleine maîtrise de son propos. L’ambition est forcément folle, le regard sur l’époque acéré (qui déclenche déjà l’ire de l’extrême droite), force est de voir dans ATHENA un film-somme sur une France d’aujourd’hui qui ne veut pas taire sa colère. Et la boucle opposé d’un dialogue débuté avec LA HAINE voici 25 ans.
Athena, de Romain Gavras – Sortie sur Netflix le 23 septembre 2022