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Critique : Assassination Nation

Remarquée dans The Bad Batch d’Ana Lily Amirpour, Suki Waterhouse revient à l’affiche en cette fin d’année dans Assassination Nation, de Sam Levinson.

Sorti cet été aux USA, le film arrive dans le planning très chargé du mois de décembre. Il fera aussi l’ouverture de l’édition 2018 du Paris International Fantastic Film Festival qui commence dès le 4 décembre au Max Linder.

 

LA CRITIQUE

À Salem, bourgade historiquement connue pour ses bûchers de sorcières, un groupe d’adolescentes deviennent la cible d’une ville entière lorsqu’un hacker révèle aux yeux de tous les secrets de certains habitants. Leur lutte pour la survie va s’avérer sanglante…

N’y allons pas par quatre chemins : Assassination Nation est un très mauvais film car c’est un film gratuit qui a la prétention d’être profond, sans savoir exactement où il veut en venir. Les quelques premières secondes donnent le ton, lorsque le spectateur est prévenu que ce qu’il s’apprête à découvrir va tout faire pour le choquer. Attention, nous dit-on, le film qui suit contient de la brutalité, de la violence, des insultes racistes, homophobes et transphobes, et une multitude d’autres ignominies. Ah… OK.

Soit, passons l’introduction à la fois puérile et pédante : Sam Levinson (fils de Barry) n’est pas un manche total et offre même, en milieu de métrage, une séquence de home invasion partiellement en plan séquence plutôt réjouissante et ludique, qui maintient assez efficacement la tension, et qui se solde par quelques morts plaisantes. Au-delà de ça, cependant, le récit alterne entre narration classique et montages/apparitions d’écrans de smartphone dans le cadre se révélant vite fatigants (n’est pas Sherlock qui veut).

Le danger de la drogue du pionnier Reefer Madness (Louis Gasnier, 1936) est ici remplacé par celui que représentent Tumblr et autres joyeusetés sociales sur lesquelles les adolescentes « woke » et indépendantes postent des selfies révélateurs et entretiennent des relations interdites. Oh, un film éducatif sur les dangers du monde moderne ! Chouette !

Incapable d’articuler un point de vue de manière cohérent, le film commence par exalter ces pratiques comme libératrices, puis punit ses personnages pour leurs abus, avant de leur rendre le pouvoir dans un final « girl power » féministe mais tout de même sexualisé (faut pas déconner non plus, pensez aux mecs qui mattent ça), et se termine sur la révélation se voulant hilarante (mais qui est en fait atterrante) que tous les événements du film n’ont d’autre motivation que le « lol ». Vous avez bien lu.

Si vous n’avez pas l’impression d’avoir perdu votre temps lorsque démarre le générique de fin, c’est sûrement que vous avez trouvé ça amusant. Chacun ses goûts, on ne va pas châtier plus avant le film pour son humour jeunesse 2.0, et on serait même prêt à lui accorder le bénéfice du doute s’il ne se complaisait pas constamment dans sa coolitude et son assemblage de « memes » qu’il confond avec commentaires socioculturels. À trop vouloir choquer sans raison, on finit par perdre tout impact se voulant percutant. Hé regardez, notre histoire vraie (en fait tout à fait fictive, évidemment) se déroule à Salem, genre… imaginez qu’en vrai, les sorcières, et bah elles soient badass !!!

Vous aimez les caractérisations de personnages (quand il y en a, cf. celui joué par Suki Waterhouse, complètement superflu) faites autour de débats sur l’américanisme « rapey » ? Vous allez adorer Assassination Nation. Vous avez aimé l’atmosphère visuelle de The Purge mais n’en avez rien à secouer du scénar’ ? Préparez-vous à avoir un nouveau film préféré ! Sam Levinson veut nous faire croire qu’il a quelque chose à dire en empilant inlassablement des symboles de la culture américaine sans jamais poser de problématique claire, sans exposer d’objectif précis autre que la succession de « trigger warnings », sans remodeler ses innombrables influences en proposition cinématographique cohérente.

Prenons un exemple : dans son premier acte, le film passe un certain temps à illustrer la chute du maire de la ville suite au hacking de sa vie privée en ligne et la révélation qu’il s’agit d’un travesti réprimé (OH MON DIEU). Visiblement, la ville entière s’insurge contre lui et le pousse à bout. Rebelote 15 minutes plus tard avec le principal du lycée. Alors Salem, ville conservatrice opprimante ? En tout cas, pas dans les 20 dernières minutes du film, où n’apparaissent plus aucun adulte, et où les six pauvres types à peine pubères qui  servent d’antagonistes cèdent face à la vague indomptable de jeunes gens libérés.

Le problème principal d’Assassination Nation est qu’il ne fait pas la distinction entre positionnements politiques et articulation cinématographique de ces derniers. Son équivalent en termes de discours politique serait la lecture d’une liste à puces sans aucune mise en forme autre qu’une accumulation ad nauseam de memes. Par conséquent, si le but était d’irriter les Républicains et leurs amis de droite, c’est complètement raté : l’inconséquence totale de la forme prend inéluctablement le pas sur toute réelle substance potentielle injectée dans un scénario qui méritait quelques réécritures pour mieux cerner ses problématiques. Un beau rappel que le Comment est plus important que le Quoi au cinéma. Mais ne vous inquiétez pas. Tout ça, c’est juste pour le « lol ».

Assassination Nation, de Sam Levinson – Sortie le 5 décembre 2018

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