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Critique : Apocalypse Now Final Cut
Le chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola revient au cinéma et en vidé. Visible dans les salles Dolby Cinéma depuis le 21 août dernier, il sort dans les autres salles ce 28 août pour ensuite être disponible en Blu-ray 4K UHD et en version restaurée le 18 septembre prochain.
Apocalypse Now revient, dans son montage ultime.
LA CRITIQUE
40 ans après sa sortie, Apocalypse Now fascine toujours les spectateurs du monde entier qui se demandent à chaque visionnage comment pareil projet a pu être mené à terme.
Fruit d’un tournage cauchemardesque durant lequel son réalisateur Francis Ford Coppola a vécu l’odyssée intérieure de son personnage pour achever son film, sans parler des dépassements de budget, des conditions compliquées aux Philippines et du casting qui pétait un câble dans la jungle, ce classique du cinéma ressort dans un 3ème montage, considéré comme la version finale.
L’occasion une nouvelle fois de le vivre en salles, ce qui est loin d’être anodin…
Il faut bien avouer qu’il est intimidant d’écrire sur un tel film 40 ans après sa sortie. Tout ou presque a été dit sur le projet le plus délirant de Coppola, chaque plan a été décortiqué de fond en comble, pas une seconde de pellicule n’a manqué d’être analysée.
Alors forcément, la différence la plus notable ici, c’est le montage Final Cut, qui synthétise les éléments les plus marquants de la version longue Redux en tentant de mieux les fondre avec la fluidité du montage initial. Là où Redux ajoutait 49 minutes en plus, seulement 29 ont été gardés pour ce Final Cut, élaguant ça et là, en virant une partie des scènes des playmates, préservant la majorité du passage dans les plantations et les apports du début, notamment l’anecdote sur la planche de surf poussée à son paroxysme.
Globalement, on sent que le temps a fait gagner un peu plus de sagesse et de recul à Coppola, qui trouve ici un équilibre plus juste vis-à-vis de la Redux, avec une tension mieux soutenue et des accalmies moins présentes. Le ressenti est plus organique tout du long, les scènes supplémentaires s’intègrent mieux à la structure originale et la sensation de suspension procurée par le film n’en ressort que plus forte.
Car il est bien question de suspension face à Apocalypse Now.
Comment décrire avec un meilleur mot les émotions ressenties devant un tel film, qui provoque la sidération la plus totale face à sa célèbre chevauchée des valkyries, un balai aérien d’hélicoptères apportant l’Apocalypse en ravageant un paysage tout entier au son de Wagner, orchestré par des gamins se demandant ce qu’ils foutent là sous les ordres de supérieurs illuminés comme l’inoubliable Kilgore ? Avec sa remontée du fleuve donnant lieu à une succession de scènes surréalistes, où l’humanité de chaque membre de l’équipage est chamboulée et mise constamment à rude épreuve, devant des décors sauvages et indomptables où la folie humaine et la décadence de l’Amérique sont venues se crasher. Un festival de paradoxes, de beautés sacrifiées, d’infamies célébrées, d’innocences massacrées.
Le génie du film, c’est d’avoir su catalyser toute la folie de sa production et l’enfer vécu par son équipe au sein d’une narration fiévreuse, sous pression et instable, où tout semble pouvoir exploser à n’importe quel moment, où l’incertitude règne pour renvoyer l’humain à ses pires démons, en le confrontant à ses bas instincts et aux aspects les plus destructeurs et nihilistes de sa nature.
Un véritable prodige compte tenu de la forme absolument flamboyante du long-métrage, qui n’a pas pris une ride tant la photographie de Vittorio Storaro enchaîne les plans tous plus magnifiques les uns que les autres, une succession de tableaux retranscrivant à la perfection la splendeur des lieux, l’atmosphère lourde et étouffante de la nature, et les tourments qui l’habitent.
Ainsi Apocalypse Now reste le même trip démentiel, un film qui se déroule en semblant écrire et tourner à lui seul une page de l’histoire du cinéma, multipliant les moments de bravoure, les scènes inoubliables et restant cette plongée vertigineuse dans la psyché humaine et ses imperfections.
Et s’il y a une chose que cette ressortie apporte, c’est bel et bien de pouvoir le vivre dans les meilleures conditions. Car enfin de compte, le but ici n’est pas tant de rappeler la splendeur d’un tel chef-d’œuvre, le temps ayant largement assis son statut de classique, tout comme les mots ne suffiront jamais pour retranscrire un millième de l’expérience provoquée par une telle œuvre.
Ce qu’il est important de retenir ici, c’est à quel point le visionnage sur grand écran d’Apocalypse Now est dévastateur. Sans même parler de Final Cut, rien que revoir des scènes que l’on connaît pourtant par cœur dans une grande salle décuple leur puissance à un niveau inattendu.
Evidemment, la remasterisation joue son rôle, et la nouvelle copie restaurée en 4K, avec un son Dolby Atmos et tout le tintouin, sont autant de petits coups de lifting à un écrin démentiel, qui avait déjà été merveilleusement préservé en blu-ray. Mais rien ne peut vous préparer à une telle expérience en salle, pourvu que le public s’y laisse aller.
C’est la grande surprise, et la leçon répétée, que j’ai pu personnellement ressentir en sortant de la salle. J’avais beau avoir déjà vu le film dans ses précédentes versions à multiples reprises, chaque scène était un véritable uppercut, et j’étais à nouveau en train de me demander comment pareille folie avait pu être posée sur pellicule, et jusqu’où j’allais sombrer avec le personnage de Willard.
Une expérience comme aucune autre, à laquelle rien ne nous prépare, même si l’on pense pourtant la connaître.
Alors même si vous l’avez déjà vu, et encore plus si vous en êtes vierge, foncez dans la salle la plus proche, et voyez Apocalypse Now Final Cut. Il y a 40 ans, Coppola sortait un classique de chez classique, un étendard de la toute puissance du 7ème art, de sa capacité à sonder profondément l’humain à la seule force de ses images, au travers d’un spectacle qui n’a jamais été égalé toujours 40 ans après, et qui reste l’un des films les plus hallucinants jamais tourné.
Et la seule chose que vous pourrez vous dire en y allant pour vous préparer à un tel choc, c’est justement que vous ne serez jamais prêts.
Bon voyage.
Apocalypse Now Final Cut, de Francis Ford Coppola – Sortie le 28 août 2019
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