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Critique : Animal Kingdom
Avec son titre particulier et son affiche façon photo de famille, Animal Kingdom est le genre de film qui laisse songeur quand on choisit un titre devant une salle de cinéma.
Le film de David Michod dont la bande annonce est visible ici raconte l’histoire d’une famille de criminels dans la banlieue de Melbourne qui va se faire infiltrer par la police.
Ne soyez donc pas inquiet au moment de choisir. Vous pouvez foncer.
Voici la critique.
Animal Kingdom – Sortie le 27 avril 2011
Réalisé par David Michôd
Avec Guy Pearce, James Frecheville, Jacki Weaver
Une rue anonyme dans la banlieue de Melbourne. C’est là que vit la famille Cody. Profession : criminels. L’irruption parmi eux de Joshua, un neveu éloigné, offre à la police le moyen de les infiltrer. Il ne reste plus à Joshua qu’à choisir son camp…
Le film de gangsters, c’est une appellation qui rappelle à sa simple évocation tout un pan du cinéma américain, plus particulièrement les films de Scorsese ou encore les incursions réussies dans le genre par Michael Mann ou Brian de Palma. Après le passage des plus grands, on pense évidemment en avoir fait le tour et pourtant, il arrive fréquemment qu’un cinéaste sorte son épingle du jeu et en livre un nouveau chapitre singulier sans renier l’héritage écrasant des maîtres qui précèdent. Et plus étonnant encore, ce renouveau n’est pas forcément américain, comme l’avait montré Nicolas Winding Refn avec sa trilogie Pusher. C’est désormais l’australien David Michod qui apporte sa pierre à l’édifice avec son premier film Animal Kingdom, porté par une réputation dithyrambique et ayant fait un carton lors du dernier Sundance. L’heure du règne pour ce nouveau royaume ?

David Michod débarque avec un atout de taille puisque le terrain de jeu qu’il nous présente se révèle quasiment inédit chez nous : l’Australie, et plus particulièrement la ville de Melbourne. Une ville de cinéma de gangsters bien loin des habituelles Boston, Chicago ou autres New York et qui s’apparente plus à une colossale banlieue pavillonnaire dans lequel chaque palier de maison cache bien des secrets.
Car Melbourne compte un haut taux de criminalité et une grande partie de ses habitants y est plus ou moins mêlé à des trafics et vols en tout genre, à tels points que ces actes sont presque devenus monnaie courante face aux efforts désabusées d’une police comptant elle aussi sa part de corruption. Plonger le spectateur au cœur de cet univers paradoxalement aussi familier que singulier semblait être une tâche pour le moins énorme pour un premier film, que le réalisateur aura passer près de 9 ans à préparer en s’imprégnant de la ville et en multipliant les travaux de recherches, pour construire un script de fiction dans lequel chaque élément est en réalité inspiré d’un fait bien réel.
En résulte donc une sorte de docu-fiction, en tout cas un film dont l’une des forces réside dans cet encrage solide au réel, lui donnant une crédibilité qu’il semble difficile d’ébranler.

Cette ambition de plonger le spectateur au cœur de ces personnalités à double facette se retrouve sur les bases d’un script mettant tout à disposition pour nous impliquer immédiatement. Le héros du film, un jeune homme de 17 ans, voit sa mère mourir d’une overdose et va se retrouver enfin confronter à la famille de la défunte, à laquelle il fut toujours caché pour éviter d’être mêlé à de nombreuses magouilles.
Cette irruption inattendue va être l’occasion pour la police d’infiltrer la maison en question, tandis que notre personnage va être tiré entre les 2 partis.
Si cette entrée en matière se révèle très sensée et à priori pas innovante pour deux ronds, la première chose qui marque est la sensation de vérité et de réalité que dégage le tout, à commencer par les personnages de la famille en question, les situations, et tout bonnement l’écriture. Cette famille laisse au premier abord une image tout à fait commune pour ne pas dire banale, et on peut y voir nos voisins où n’importe qui.
C’est alors que le récit va petit à petit se compliquer lorsque certains membres vont dépasser les limites et souffler le grain de sable qui va enrayer la machine jusqu’à un final impitoyable. Le tout est mené avec une rigueur implacable, le réalisateur/scénariste prenant le soin de bien poser ses scènes, ses personnages et son intrigue pour y apporter la crédibilité et l’immersion nécessaire.
A peine avons nous le temps de sympathiser avec certains personnages et de s’y identifier que la sentence tombe subitement, jouant sur la frustration extrême créée pour nous faire comprendre le caractère sans pitié de la lutte à laquelle nous allons assister. Cette impression d’urgence et d’insécurité va être croissante tout du long, au fur et à mesure que les masques tombent et que les machinations s’enchaînent, au travers d’une galerie de personnages pour le moins inoubliables que ce soit pour leur caractérisation ou par leurs interprètes. Sans trop en révéler pour préserver la surprise, la performance de Jacki Weaver est à l’image de son personnage et risque d’en laisser plus d’un bouche bée face à une femme simplement époustouflante.
Les autres rôles résistent et s’imposent naturellement grâce à la mise en scène enlevée et caractérisée par ce désir de réel, de concret, de palpable.
Le réalisateur réussit à ne jamais être plombant avec ses caméras épaule et un style sobre et rigoureux, préférant l’épure à l’effet pourvu que ce soit le vrai qui l’emporte.
Le pari est réussi, comme l’atteste le goût amer que vous aurez en sortant de la salle…
Ecriture d’une précision chirurgicale, personnages inoubliables, tension en crescendo et final assommant, Animal Kingdom fait partie de ses films vous achevant tel un uppercut bien placé pour mieux vous laisser sur le derrière lorsque le générique de fin apparaît. C’est puissant, stricte et sans pitié, s’imposant comme la plus belle surprise de ce début d’année avec Winter’s Bone. Et le plus beau dans l’histoire, c’est que c’est un premier film. Vivement la suite…
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