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Critique : Aladdin (2019)
« Ah, Salam, je vous souhaite le bonsoir, mon noble ami. Approchez, approchez, venez plus près… Voilà. Bienvenue à Agrabah, cité de la magie noire, de l’enchantement, et des plus belles marchandises de ce côté du Jourdain en solde aujourd’hui, profitez-en… »
LA CRITIQUE
En 1992, auréolés du succès de la Petite Sirène, John Musker et Ron Clements remettaient ça avec l’adaptation d’un conte des Mille et Une Nuit : Aladdin. Porté par la musique d’Alan Menken avec Howard Ashman aux paroles et avec Robin Williams dans le rôle du génie, le film se rélévait être rien de moins qu’un chef d’oeuvre, grâce à des personnages finement écrits, de l’humour qui faisait mouche et de jolis moments d’émotions. Du grand et beau cinéma d’animation, dont la version française n’était pas en reste puisque Richard Darbois s’offrait le luxe de tenir la comparaison avec Williams.
Alors pourquoi refaire un film intemporel avec de vrais acteurs ? Au vu du résultat, on se pose encore la question.
Aladdin version Guy Ritchie étant un remake, vous connaissez l’histoire dans les grandes lignes. Lui est un voleur dans la ville perse d’Agrabah. Elle est la belle et inaccessible princesse. Ils se rencontrent alors qu’elle se promène discrètement dans le marché et il tombe amoureux. Héros au coeur pur, il se fait capturer par le méchant vizir qui veut le pouvoir et se retrouve en possession de la lampe magique et de son génie, à qui il demande de faire de lui un prince afin de séduire la belle.
Il y a néanmoins quelques ajustements qui sont censés servir l’histoire. Aladdin ne se fait pas choper par les gardes comme un vulgaire voleur pour finir dans les cachots (où, dans l’anime, il rencontre Jafar alors transformé en vieillard), il se fait capturer dans le palais alors qu’il allait rendre un bracelet volé à Jasmine. Est-ce qu’on y gagne au change ? Pas forcément. Ca renforce le coté « pickpocket » du personnage mais on perd en charme. C’est là que se trouve le problème du film. Il ne parvient jamais à être aussi charmant que l’original. Tout, mais vraiment tout, fonctionne moins bien que dans la version de Musker et Clements. Les numéros musicaux (même si parfois réussis) sont moins flamboyants, les cadres sont moins jolis et rien n’est aussi réussi que dans le film d’animation.
On pouvait s’attendre à ce que Guy Ritchie apporte sa patte au film. Qu’on aime ou pas ce qu’il fait, le réalisateur a un style, qu’on ne retrouve que dans deux plans. Tout le reste est d’une banalité affligeante, montrant le peu d’inspiration du réalisateur face à son sujet. Et quand il tente quelque chose (la scène finale est partiellement remplacée par une course-poursuite dans Agrabah), c’est pour mieux singer Les Aventures de Tintin de Steven Spielberg. Ajoutez à cela une photo plate et vous vous retrouverez devant un de ces blockbusters visuellement lambda comme on en voit à la pelle en ce moment. Même les effets spéciaux sont à la ramasse, entre incrustations visible et un génie bleu finalement sans saveur.
La promo aura fait parler de Will Smith en génie et pourtant l’acteur est tout à fait à la hauteur du personnage. En promo, il explique qu’il a d’abord refusé le rôle avant de trouver un moyen de l’aborder sans chercher à singer Robin Williams. L’acteur disparu en 2014 s’était approprié le personnage magique en y apportant tout ce qu’il savait faire. Smith fait pareil, et donc son génie à lui ressemble à l’idée qu’on se fait du personnage, époque Prince de Bel Air et compagnie. S’il est visuellement pas terrible quand il est bleu, les passages où il est humain, chante et danse comme au bon vieux temps de ses disques est très bien. Saluons également la performance de Naomi Scott, une nouvelle fois impeccable. Chaque fois que la comédienne tourne dans un long métrage, elle se détache du lot. Et on se souvient de Power Rangers.
A propos de personnages, Musker et Clements avaient eu la bonne idée de faire d’un tapis volant et d’un petit singe muets un formidable duo de sidekick, leur donnant des personnalités à part entière. Ici, tout cela est gommé pour pas grand chose. Idem pour Iago, qui ne parle quasiment plus et perd tout son aspect comique. Y avait-il une volonté de faire du réaliste en se débarrassant des aspects cartoonesques ? Dans un univers où une grotte en forme de tête de lion parle, c’est difficilement crédible et seul Cendrillon de Kenneth Branagh y est plus ou moins parvenu. La seule vraie bonne trouvaille en terme de personnages est la revisite de Jasmine, plus seulement une princesse juste bonne à marier mais une vraie héroïne moderne qui veut être tout simplement sultane à la place de son père. Une chanson intitulé « Speechless » en anglais est là pour en rajouter une couche.
Bref, vous l’aurez compris, il faut une nouvelle fois préférer l’original à la copie. Certes, vous rirez devant Aladdin et vous trouverez forcément des moments réussis… ceux qui vous rappelleront le dessin animé et la musique d’Alan Menken. Nous, on ne comprend toujours pas pourquoi Disney insiste avec ses remakes. Tout n’y est pas à jeter mais aucun n’est parvenu à surpasser l’alpha. Peut-être aurait-il mieux valu ressortir en salles une belle copie restaurée du Musker et Clements ?
Aladdin, de Guy Ritchie – Sortie le 22 mai 2019