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Sortira ? Sortira pas ? On a croisé les doigts tout ce week-end pour que la sortie du nouveau film d’Albert Dupontel soit maintenue. Après l’annonce du couvre-feu et l’annulation de fait des séances de 20h et 22h dans les grandes villes, les distributeurs se sont interrogés. Pour finalement prendre la bonne décision : maintenir les sorties et faire confiance au public.
Allez au cinéma. Allez au cinéma aux séances de 18h, après le boulot. Remplissez les salles le week-end. Non seulement vous soutiendrez toute une industrie en difficulté mais en plus vous verrez un des meilleurs films de 2020.
LA CRITIQUE
Albert Dupontel a commencé sa carrière dans les années 90 sur scène et à travers des petits rôles de cinéma. On se souvient encore de Bernie, sorti en 96, sa première réalisation dans laquelle son personnage défonce des gens à la pelle. Plusieurs films plus tard, dont l’hilarant Neuf Mois Ferme, Dupontel rafle rien de moins que le César du Meilleur Réalisateur pour l’impérial Au Revoir Là Haut. Allait-il pouvoir faire encore mieux ? Et si la réponse était oui ? Il est bien possible que Adieu les Cons soit son meilleur film, sans doute parce qu’il est plus personnel.
Adieu les Cons raconte la rencontre entre deux (puis trois) personnages : lui est en charge de l’informatique dans une administration et, bien qu’il soit brillant, il découvre qu’il va dégager de son poste. Elle apprend qu’elle va mourir et cherche à contacter le fils qu’elle n’a jamais connu avant de s’en aller. Mais, alors qu’elle consulte un inutile conseiller, il tente de mettre fin à ses jours dans la pièce d’à coté. Mais il foire son suicide, tirant sur le dit fonctionnaire. Elle et lui vont alors s’associer pour remonter la piste du gamin né sous X.
Ils seront rejoint, dans ce qui ressemble à un road trip ou une enquête déjanté, par l’excellent Nicolas Marié, fidèle de Dupontel et qui incarnait déjà l’avocat bègue de Neuf Mois Ferme. Trois comédiens brillant donc, mais on remarque surtout Virginie Efira, un cran au dessus des garçons. Quel chemin parcouru pour la comédienne depuis Megamix. Marié, lui, incarne un archiviste aveugle (si si) qui tient absolument à indiquer la route aux gens qui le conduisent. Si les situations sont hilarantes, elles permettent au réalisateur d’évoquer le temps qui passe – à travers des changements de décor. La banlieue parisienne fantasmée dans laquelle se déroule l’histoire est marquée par des travaux constants, où les vieux bistrots sont remplacés par des immeubles de bureau et où seule l’église rappelle encore le monde d’avant.
Albert Dupontel voit-il approcher la soixantaine d’un mauvais œil ? Adieu les Cons est aussi un film sur ces « je t’aime » qu’on n’a pas eu le temps de dire, parce que le temps a passé trop vite. Le personnage de Jacky Berroyer, discret second rôle, en est la preuve flagrante, tout comme deux générations d’humoristes-acteurs se croisent le temps de cameos. Mais, s’il parvient à nous émouvoir (très fort), le réalisateur de Bernie n’en oublie pas son humour parfois absurde. Il enchaine les situations très drôles avec beaucoup de rythme et Terry Gilliam n’est pas loin pour en rajouter une petite couche.
Comme son idole Charlie Chaplin, Dupontel mêle avec brio humour et drame. Mais il se révèle être étonnamment politique. Le personnage de Nicolas Marié est devenu aveugle suite à des brutalités policières et, de fait, il déteste les flics au point de péter les plombs quand ils se retrouvent poursuivis. Ici, la police a le mauvais rôle, ils ont stupides, buttés, et tenant beaucoup trop fermement leur position. Et la dernière scène n’en est que plus marquante, et ce, même si le réalisateur explique (à Première) que le film a été écrit bien avant la vague de répressions policières suite, entre autres, aux manifestations des gilets jaunes. Lui a vu dans ces manifestations des affrontements de pauvres contre pauvres, tous face à un système beaucoup trop puissant. La scène en question reste puissante et son réalisateur plus humain.
Certes, il y a beaucoup de numérique et de fonds verts (à peu près la moitié) dans Adieu les Cons. Mikros a beau être une entreprise talentueuse, ça se voit toujours. Mais peu importe. Surtout en ces temps compliqués Adieu les Cons est un ravissement, un film aussi drôle qu’émouvant, sans temps mort et techniquement maitrisé. Aucune doute que Terry Jones, à qui il est dédié, l’aurait apprécié.
Adieu les Cons, d’Albert Dupontel – Sortie le 21 octobre 2020