Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Critique : A la Merveille

Au sein de l’équipe CloneWeb, il existe deux teams : ceux qui aiment le cinéma de Terrence Malick et les autres.

D’un coté ceux qui aiment ses talents de metteur en scène, les sujets qu’il aborde et qui adorent Tree of Life. De l’autre ceux que le cinéma contemplatif emmerde, ceux qui ne supportent pas les longs plans chiants dans les champs de blé.

Jean-Victor fait partie de la première équipe. Et il a vu A La Merveille.

 

 

Il suffit d’évoquer le nom de Terrence Malick pour faire trembler des milliers de cinéphiles émerveillés devant les images fabuleuses de La Ligne Rouge, Les Moissons du Ciel ou du plus controversé Tree of Life. Cinéaste libre, dont le rythme de production ne suit aucune logique, Malick s’est fait attendre par le passé mais semble désormais bien décidé à enchaîner les productions, puisqu’il aurait 3 films dans ses cartons au même moment! Avant de découvrir Knight of Cups ou son autre projet encore sans nom, voilà donc A la merveille, œuvre tournant autour d’un homme dont on suit les relations passionnées avec Rachel McAdams et Olga Kurylenko. Après sa tentative de récit de la création de l’univers dans Tree of Life, le cinéaste fraîchement auréolé d’une Palme d’Or s’est mis en tête de sonder l’Amour avec un grand A, dans tous ses aspects, en quête de sa forme la plus pure.
Un programme suffisant pour approcher les cieux et toucher une nouvelle fois à la merveille?

Résumer rapidement un scénario de Terrence Malick étant un exercice des plus périlleux, il est concrètement un peu simple de ramener sa nouvelle œuvre à un simple film sur l’amour. En grand poète et sondeur de l’âme, Terrence Malick s’est toujours passionné pour les grands sentiments et les questionnements fondamentaux qui taraudent l’être humain depuis des siècles. Ce A la Merveille peut par bien des aspects se rapprocher à ça, avec ses deux protagonistes masculins joués par Ben Affleck et Javier Bardem. Deux hommes différents, l’un mène une vie tranquille, l’autre religieuse, qui vont tour à tour exposer leurs craintes et interrogations sur l’amour qui les entoure et qu’ils donnent à leurs proches. Des amours eux-aussi différents, puisque le premier s’articule autour des deux femmes de sa vie et le second dans sa foi envers Dieu. La narration n’est pas équilibrée entre les deux hommes puisque le film se concentre avant tout sur celui joué par Ben Affleck et ses relations successives, dans lesquelles le réalisateur essai de comprendre comment fonctionne une relation amoureuse.
Une volonté louable qui va se heurter à un problème de taille dans la construction du film. Donnant à voir la naissance et le déclin d’une romance pour ensuite passer à la suivante, A la Merveille expose bien rapidement le schéma qu’il va répéter à plusieurs reprises durant ses 2 heures. Or ce dernier n’est pas parfait, et montre ses faiblesses lors de sa première application par son didactisme et le manque de subtilité dont il fait preuve. Un fait inédit chez Malick, reconnu pour sa sensibilité et sa délicatesse, ici poussées dans certains extrêmes qui, hélas, possèdent des limites tangibles.

Cette quête du grand sentiment se voit restreinte par une mise en scène trop poussive, donnant notamment lieues à des étreintes fougueuses entre Affleck et Kurylenko au sommet du Mont St Michel qui semblent bien trop artificielles et maniérées pour être honnêtes, que ce soit dans les faits et gestes des comédiens ou dans les cadres accompagnant ces derniers.
Quand on connaît le soin avec lequel le réalisateur laisse ses acteurs improviser pour pousser la spontanéité et l’authenticité de chaque scène, ce genre d’errements s’avère être une première dans sa carrière. Et ce n’est pas le seul exemple que l’on retrouve dans un film qui dégueule de séquences se voulant passionnées et lyriques, avec des personnages tendant les bras devant de grands paysages ou errant au sein de plans larges en courte focale. C’est une grammaire certes récurrente chez Malick, sauf que ce coup-ci, la fabrication se sent par instant et mine la pertinence du film.

Une fois n’est pas coutume, A la Merveille est visuellement… une merveille. Outre jeu de mot douteux, le chef opérateur Emmanuel Lubezki livre encore une photographie sublime qui s’évertue à mettre en lumière avec une beauté infinie chacun des lieux et personnages du film. Sans non plus atteindre le niveau de Tree of Life, dont certains plans restaient encore en tête bien après le visionnage, la poésie Malick transpire encore la pellicule et réserve de sacrés moments pour les mirettes. C’est là que réside le paradoxe, entre une image léchée d’un naturel sidérant, et des scènes qui sonnent étrangement fausses. On attend en vain l’étincelle dans le regard des comédiens, et l’abondance de voix-off par moment écrase complètement un film qui à vrai dire n’arrive jamais à décolle. Trop d’interrogations de la part des personnages, quand bien même certaines scènes clés et sans dialogue manquent elles aussi de simplicité, de candeur ou de chair.
Le mélange de musique classique et de plans amples est aussi trop martelé pour être prenant tout du long, d’autant que le personnage de Ben Affleck censé être au cœur de la narration reste complètement effacé. Silhouette masculine autour de laquelle tourne les tourments, son rôle ne prend jamais vraiment forme, et semble traverser les épreuves tel un monolithe que rien n’atteint, alors que ses amantes apparaissent comme les uniques responsables de l’évolution de leurs rapports. Etant sans doute caractérisé de cette manière pour que le spectateur puisse s’y identifier facilement, cette figure centrale du récit est trop en retrait pour que l’on s’y projette, atténuant encore l’émotion potentielle. En face, le rôle de Javier Bardem assomme le spectateur avec ses questions sur la foi dans une partie qui semble très à part dans le film pour que le tout soit homogène. D’ailleurs, certains ne manqueront pas de questionner la pertinence des interrogations sur la foi opérées ici, qui peuvent sembler moralisatrices sous certains aspects tout comme cela avait été reproché à Tree of Life à sa sortie.
Toujours est-il qu’au final, qu’il soit question de foi ou d’amour, A la Merveille manque tout simplement de vie et de naturel.

Cinéaste s’évertuant à faire ressentir le parcours intérieur de ses personnages à son spectateur, Terrence Malick livre pour la première fois de sa carrière une œuvre manquant singulièrement de vivacité et de chaleur. Trop maniéré et ostentatoire dans sa démonstration, A la Merveille cherche à l’excès la pause pour être vrai et finit par nous perdre dans sa peinture émotionnelle et spirituelle des rapports à l’autre. Il en reste un livre de belles images possédant de rares instants de grâce, ne suffisant pas atténuer des artifices qui se ressentent malheureusement bien trop.

 

A La Merveille – Sortie le 6 mars 2013
Réalisé par Terrence Malick
Avec Ben Affleck, Olga Kurylenko, Rachel McAdams
Même s’ils se sont connus sur le tard, la passion qu’ont vécue Neil et Marina à la Merveille – Le Mont-Saint-Michel – efface les années perdues. Neil est certain d’avoir trouvé la femme de sa vie. Belle, pleine d’humour, originaire d’Ukraine, Marina est divorcée et mère d’une fillette de 10 ans, Tatiana.
Désormais, le couple est installé dans l’Oklahoma. Leur relation s’est fragilisée : Marina se sent piégée. Dans cette petite communauté américaine, elle cherche conseil auprès d’un autre expatrié, un prêtre catholique nommé Quintana. L’homme a ses propres problèmes : il doute de sa vocation…
Marina décide de retourner en France avec sa fille. Neil se console avec Jane, une ancienne amie à laquelle il s’attache de plus en plus. Lorsqu’il apprend que rien ne va plus pour Marina, il se retrouve écartelé entre les deux femmes de sa vie. Le père Quintana continue à lutter pour retrouver la foi. Face à deux formes d’amour bien différentes, les deux hommes sont confrontés aux mêmes questions.

Voir les commentairesFermer

1 commentaire

  • par inderweltsein
    Posté vendredi 22 février 2013 16 h 45 min 0Likes

    Mais il y a aussi deux camps chez les amoureux du cinéma de Malick, ceux qui admirent To the Wonder, et ceux qui pensent (à tort défendrai-je bien entendu) qu’il est raté .

    Un film à première vue, moins ambitieux, plus accessible. L’histoire d’un amour, l’histoire de plusieurs amours, des rendez-vous manqués, des échecs amoureux.
    Et en même temps tellement exigeant. A en perdre certainement même des plus convaincus sur le bord de la route.
    Parce qu’il faut faire l’effort, et parce que l’effort ne garantit pas de ne pas rester aveugle au final…
    Il faut presque savoir remettre en cause tout ce qu’on croit savoir du cinéma de Terrence Malick, s’en dépouiller, s’en déshabiller.. Il faut presque savoir admettre que c’est un échec selon tous ces propres critères avant de soudainement déceler, instillé par les mots de Quintana, ce qui en fait le génie. Comme si le cinéaste américain, une autre fois, réinventait le langage du cinéma.

    Alors l’esprit libéré, pour le reste du film, mais surtout, plus encore, à la seconde vision, quel flot, quelle rivière, quelle poésie ininterrompue… Comme si le premier regard à être tant ébloui (ou perturbé par les rares regards de Ben Affleck, effacé à juste titre) avait été aveugle.

    Aveugle aussi à la nature véritable du film..
    Un film où les acteurs ne jouent pas.. Mais dansent. Non pas métaphoriquement mais presque littéralement. Le film est à tous égards un ballet.
    Les acteurs sont en effet toujours en mouvement, mais plus que ça, toujours en des mouvements expressifs, toujours en relation l’un à l’autre, se séparant, se rapprochant, tournant l’un autour de l’autre, souvent en se regardant l’un l’autre tout en même temps. Le montage du cinéaste américain accentue encore cela, en coupant les dialogues et se concentrant sur la collision des corps. Et même quand l’acteur vient à être isolé, le mouvement, et souvent la danse demeure.

    La Ligne Rouge, Le Nouveau Monde, films pourtant vu comme si malickien, si singulier dans le paysage du cinéma américain se révèlent soudainement dans les limites que le cinéaste s’était fixé pour satisfaire quelque peu aux studios, comme si c’était presque des films de commande.
    Les films désormais semblent plus personnels que jamais, comme si le cinéaste était dans les conditions de faire désormais, le cinéma qu’il ambitionnait de tourner depuis toujours.

    Dehors, si la première vision m’avait simplement apportée une joie extrême (insufflée par les dernières mesures), à l’issue du second regard, le monde semblait différent, dans les rues piétonnes de Mestre, le visage des gens avait changé, le ciel avait une couleur merveilleuse…

    Quant au sens même du film, j’aimerais le développer ici, mais un engagement me l’interdit pour quelques semaines encore. Disons seulement cryptiquement que l’Existence est le séjour en Amour, que l’Amour est le berceau de l’Existence.

Laisser un commentaire