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Critique : 24 Jours
L’équipe de CloneWeb s’est récemment agrandie avec l’arrivée d’Alexis, que vous avez pu lire sur 3x3D mais aussi voir à propos d’Amazing Spider-Man dans la dernière Emission.
Pour son deuxième papier, Alexis s’attaque à 24 Jours, le film d’Alexandre Arcady sur « l’affaire Ilan Halimi » sortant dans les salles ce 30 avril avec notamment Zabou Breitman, Pascal Elbé, Jacques Gamblin ou Sylvie Testud.
Le père d’Alexandre Aja livre un film sur une affaire très récente, encore sensible, et manifestement sans le recul nécessaire puisqu’il commence à faire polémique dans les médias. Revue de détails.
Le 13 février 2006, un jeune homme est retrouvé agonisant au bord de la voie ferrée du RER C à Sainte-Geneviève-des-Bois. Il mourra quelques heures plus tard lors de son transfert vers un hôpital. Ce jeune homme était Ilan Halimi, la triste suite de l’histoire vous la connaissez. Des différents ouvrages qui ont été tirés de ce terrible fait divers qui défraya la chronique et bouleversa le pays, deux sont adaptés sur le grand écran. Le roman « Tout, tout de suite » de Morgan Sportès sera prochainement mis en scène par Richard Berry, centré le « gang des barbares ». Ici, Alexandre Arcady se charge de transposer le livre de la journaliste Émilie Frèche et de la mère d’Ilan, Ruth Halimi. Cette dernière s’exprimait pour la première fois sur la disparition de son fils qui a subit de terribles atrocités durant plus de trois semaines.
Le livre « 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi » retraçait d’un point de vue général sur ce drame et soulignaient notamment les dysfonctionnements des services de police qui l’y ont malheureusement conduit. Le combat sera le même pour le long-métrage.
Pour s’attaquer à cette histoire morbide, il faut savoir prendre un certain recul aussi bien pour les acteurs, le réalisateur et même les personnes qui devront, comme ici, analyser et critiquer ce film. Le sujet est sensible, très sensible. Il l’a longtemps été et, compte tenu de la situation politique et sociale plus récente, il est d’autant plus d’actualité. Il est indéniable que le crime qui a été commis il y a maintenant huit ans est on ne peut plus condamnable. Comment alors le mettre en scène au cinéma ? On comprend très bien la volonté d’Alexandre Arcady de vouloir bien faire. Dénoncer l’antisémitisme, raviver auprès du public cette histoire pour qu’elle ne se reproduise plus, faire un travail de mémoire noble et honnête à l’encontre d’Ilan Halimi et de ses proches. La démarche est louable, mais le film qui en résulte est loin d’être à la hauteur espérée.

Alors que l’on aurait pu supposer que 24 jours prenne le point de vue de la mère d’Ilan (entre l’affiche du film ou le monologue d’ouverture centrés sur Zabou Breitman), Alexandre Arcady filme le tout de manière omnisciente. Le long-métrage à plus l’aspect d’un téléfilm à gros budget et cache son manque d’idées à la mise en scène derrière le respect documentariste de ce qui a été inscrit dans le livre qu’il adapte. Nous suivons autant la famille, que la police, que les ravisseurs. Or, de cette manière, rien ne cherche à nous faire comprendre la psychologie de certains personnages clés. Le spectateur doit prendre les faits tels quels. Seul le père d’Ilan, tenu par Pascal Elbé, s’en tire vraiment. Sa présence à l’écran étant suffisamment conséquente et l’interprétation très solennelle le fait s’élever au-dessus du reste du casting.
Là où l’implication du réalisateur dérape, c’est lorsqu’il s’agit de mettre en scène le principal responsable. Youssouf Fofana y est diabolisé. Les premiers plans sur lui témoignent de cette surenchère mal placée. Nous découvrons notamment son visage avec une lueur dans les yeux dénués d’émotion, sur un retournement au ralenti doublé d’une sonorisation dramatisante misant sur les basses fréquences. A chaque apparition, il vocifère, crie, grogne, bave. Il n’est plus un être humain. Pourtant, les faits relatés dans le film nous présentent, malgré une aptitude pour échapper aux autorités, un preneur d’otage amateur qui change en permanence de discours et perd constamment son sang-froid. Bien que le « gang » soit étendu (on rappelle que 27 personnes seront mis en examen), le long-métrage nous donne l’impression que toute la cité participe et non pas qu’un silence forcé, tel une chape de plomb, pèse sur les habitants qui voudraient s’opposer ou dénoncer les criminels. S’ils mettent en doute l’entreprise, certains membres le font pour des raisons d’ennui, de fatigue ou que l’argent ne vient pas assez vite. Tous restent convaincus du « bien fondé » de ce crime.
24 jours cherche surtout à mettre en exergue des erreurs commises par la police, presque autant responsable que les criminels que les policiers essayaient de débusquer. A l’époque, l’embrasement des banlieues avait largement dissuadé les forces de police d’intervenir aussi facilement qu’avant. Il n’en n’est question dans le film d’Alexandre Arcady qu’au moment des arrestations massives dans le dernier acte. Mais selon 24 jours, la plus grosse bévue des autorités aurait été de ne pas avoir considéré l’antisémitisme comme seule raison du crime, dont la seule issue ne pouvait être que la mort d’Ilan selon sa mère. Deux ans auparavant, l’affaire de la fille du RER avait aussi défrayé la chronique où les médias étaient rentrés dans le jeu mensonger d’une jeune femme qui s’était inventé une agression à caractère antisémite. Le personnage de Jacques Gamblin cite ce cas dans le long-métrage de manière très vaine au final. Car l’antisémitisme maintient toujours avec lui le spectre indissociable et puissant de la Shoah. C’est un mot pour qualifier une hostilité envers les Juifs selon un caractère racial, religieux et/ou ethnique. Malgré qu’il ait été retenu comme une circonstance aggravante lors du procès, il n’est pas ici question de cela.

Ilan Halimi a été kidnappé parce qu’il était Juif. Néanmoins, la définition qu’en font ses ravisseurs ne correspond pas aux critères rentrant dans l’antisémitisme. Pour eux, un Juif est forcément riche et issu d’une communauté soudée. Il s’agit là clairement de préjugés sociétaux et non pas d’une question de race, de religion ou d’ethnicité, loin de là. Le « gang des barbares » est un groupe de personnes influençables, guidées par l’avidité et les préjugés. Mais leur état n’excusera jamais la ligne qu’ils ont franchie avec Youssouf Fofana.
Alors qu’il pouvait être un film synthèse, 24 jours d’Alexandre Arcady est partisan au possible et entretient le flou sur la notion d’antisémitisme. Le plus dommageable reste encore son sous-titre « la vérité sur l’affaire Ilan Halimi ». Bien qu’il reprend le titre du livre qu’il adapte, depuis quand une œuvre de fiction détient-elle la vérité ? Affirmer que l’on détient la vérité sur un sujet empêche toute possibilité d’en débattre. S’abriter derrière cette valeur absolue est très maladroite et reflète très bien le niveau de l’entreprise d’Alexandre Arcady.
Gageons que l’autre long-métrage que prépare Richard Berry sera plus approfondi dans son traitement. Basé sur les ravisseurs, il y a de grandes chances que le résultat soit plus perspicace et bien moins manichéen sur cette sombre affaire.
24 Jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi – Sortie le 30 avril
Réalisé par Alexandre Arcady
Avec Zabou Breitman, Pascal Elbé, Jacques Gamblin
Elle est entrée dans une boutique de téléphonie sur le boulevard Voltaire. Elle a fait mine de s’intéresser aux nouveaux portables, a obtenu le numéro du vendeur et s’en est allée. Elle l’a rappelé dès le lendemain, lui a dit qu’elle voulait le revoir. Ilan ne s’est pas méfié. Il avait vingt-trois ans, la vie devant lui…
Comment pouvait-il se douter qu’en rejoignant cette jolie fille dans un café de la porte d’Orléans, il avait rendez-vous avec la mort ?
Le vendredi 20 janvier 2006, Ilan Halimi, choisi par le gang des Barbares parce qu’il était juif, est enlevé et conduit dans un appartement de Bagneux. Il y sera séquestré et torturé pendant trois semaines avant d’être jeté dans un bois par ses bourreaux. Retrouvé gisant nu le long d’une voie de chemin de fer à Sainte-Geneviève-des-Bois, il ne survivra pas à son calvaire.
Dans ce film, Ruth Halimi revient sur ces 24 jours de cauchemar. 24 jours au cours desquels elle aura reçu, elle et son mari, Didier, plus de six cents appels, des demandes de rançon dont le montant ne cessera de changer, des insultes, des menaces, des photos de son fils supplicié… 24 jours d’angoisse de toute une famille, contrainte de garder le silence pour laisser travailler la police criminelle.
Mais le 36 Quai des Orfèvres ne sait pas à quels individus il a affaire. Personne ne mesure la haine antisémite qui habite les ravisseurs, et ne s’imagine qu’Ilan allait perdre la vie…