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Critique : 22 Miles

Avec son titre évoquant une distance et son pitch où un flic doit convoyer un personnage important sur la distance en question, 22 Miles rappelle 16 Blocs, l’ultime réalisation de Richard Donner- elle-même inspirée de l’Epreuve de Force de Clint Eastwood.

Mais, pour sa quatrième collaboration avec Mark Walhberg, c’est pluôt du coté de Tony Scott qu’il faut aller chercher l’inspiration de Peter Berg. Précisions.

 

LA CRITIQUE

Curieuse carrière que celle de Peter Berg. Débutant avec la comédie noire Very Bad Things en 1998 et s’occupant une majeure partie des années 2000 avec la série TV Friday Night Lights issue d’un de ses films, le cinéaste américain a passé la décennie récente à enchainer des projets musclés mais différents, où il changeait son style de réalisation à chaque film. Passant du blockbuster façon Michael Bay avec Battleship au film de guerre à la Ridley Scott sur Du sang et des Larmes, ou de la catastrophe ouvrière Deepwater Horizon au polar Patriots Day où il adoptait une mise en scène plus proche de Michael Mann, Berg est un touche-à-tout, qui cherche à se renouveler sans cesse dans des genres proches et pourtant assez variés. Voilà pourquoi un film comme 22 Miles, avec son histoire de convoi infernal tentant d’arriver à bon port malgré les attaques incessantes qu’il va subir, avait de quoi titiller notre curiosité…

Le programme de 22 Miles s’annonce simple : un agent à exfiltrer d’Indonésie en l’amenant à l’aéroport qui se trouve à la distance indiquée dans le titre. Et forcément, certaines personnes ne l’entendent pas de cette oreille et vont tout faire pour empêcher cela.
Là où le concept du film laisse indiquer une intrigue vécue quasiment en temps réel, le scénario de Lea Carpenter est plus alambiqué que ça, et tient à poser les différents personnages de l’escouade dont font partie les personnages. Des super agents tous issus des forces spéciales, de la Marine et consorts, dont l’introduction va montrer à la fois le professionnalisme et le risque permanent auquel ils sont confrontés, chaque opération pouvant basculer d’un moment à un autre dans le chaos.
D’ailleurs le film prend une bonne demi-heure à poser son histoire de convoi, notamment parce qu’il met en place le fait que le héros de l’histoire campé par Mark Walhberg est hyperactif.
L’occasion de s’en donner à cœur joie pour le comédien dans des dialogues où il occupe massivement la conversation et assomme chacun de ses correspondants de diatribes interminables, avec un sens de la politesse et de la cordialité bien à lui. Libre à chacun de juger la crédibilité du bonhomme, qu’on présente comme un génie absolument alors que ça reste tout de même Marky Mark. Le film a le mérite de ne pas porter le personnage aux nues, et bon nombre de ses confrères n’hésitent pas à lui exprimer combien il est insupportable, comme pour vider un peu le sac du spectateur qui est abreuvé en permanence d’information. Car ce principe d’hyperactivité n’est pas seulement le jeu de cet officier en particulier. C’est aussi celui de Peter Berg et de sa mise en scène.

Après avoir joué sur les terres de bien des cinéastes déjà cités plus haut, Peter Berg s’en prend donc à Tony Scott dans sa période des années 2000 (à partir d’Ennemi d’Etat) et à Paul Greengrass.
Comprenez par-là que tout le dispositif filmique de 22 Miles repose sur un écran saturé d’images de sources ultra variées, qui se bousculent au montage. De la même manière que les opérateurs qui suivent les agents à distance le font devant des murs de moniteurs affichant divers angles de caméras, aussi bien portées que satellites ou fixes, Berg multiplie les plans et leurs origines constamment, chaque action devant être vue sous tous les angles, à un rythme effréné.
De cette manière, il vise à créer une sorte d’authenticité, déjà parce que les phases de fusillade et d’action privilégient les effets en plateau autant que possible et ensuite par un filmage « réaliste », où chaque plan semble sortir d’une source qui aurait effectivement pu filmer ça pour de vrai. Pas de plans impossibles ou délirants, l’idée est vraiment de plonger le spectateur dans l’intensité du moment et l’urgence constante. Pour le coup, ça passe ou ça casse.
Vous pouvez très bien rentrer dans le délire et vivre la tension de l’instant, tout comme ce procédé a aussi quelque chose d’artificiel puisque cette surcharge peut provoquer l’effet inverse et paraître simulée et fausse. Aussi, les scènes d’actions n’en sortent pas toujours victorieuses, la lisibilité de ces dernières s’en trouvant à plusieurs reprises affectée. Un combat à mains nues mené par l’impressionnant Iko Uwais (The Raid, c’était lui !) perd beaucoup en spectaculaire tant la rapidité des plans et les mouvements brusques de caméra empêchent finalement de profiter pleinement des capacités martiales de l’acteur. C’est là où Berg n’a semble-t-il pas compris, comme plein d’autres, que la shaky cam de Greengrass fonctionne parce qu’elle garde toujours un point de repère d’un plan à l’autre qui permet au spectateur de parfaitement se repérer dans l’espace malgré la frénésie à l’écran. Berg a aussi ce problème de fluidité lors de quelques fusillades où l’avalanche de plans peine à se marier à la vitesse de l’action, posant le flou sur la représentation que l’on se fait des lieux.

Qu’on accroche ou non, toujours est-il que 22 Miles est fatiguant.

Parce qu’il sollicite perpétuellement le public à considérer ce qu’il se passe sur des plans qui durent souvent une petite seconde et qui s’enchaînent sans répit, y compris lors de simples scènes de dialogues, il est difficile de ne pas sortir de là sans un léger mal de crâne.
C’est d’autant plus étrange pour le film car cette mise en scène semble parfois dépourvue de logique interne, certains plans semblant s’enchaîner sans fil conducteur, juste pour un simple besoin de varier les sources à l’extrême par peur de l’ennui, ou d’un calme relatif.
Un point qui soutient cette idée est l’absence de variation dans la démarche, le film ne lâchant la pression qu’à de rares instants, s’évertuant coûte que coûte à ce que tout soit à cran, constamment.

Que l’on explore les coulisses du contre-espionnage qui œuvre en fond, que ce soit un dialogue de préparation et de briefing ou que l’on soit au cœur de l’action, tout est censé être sur le fil du rasoir par ce découpage turbulent. Il est facile de très vite se lasser de cet aspect hyperactif, raccord avec le personnage du film pour le coup, et quelque peu aveuglant quant au propos politique du récit qui se permet malgré son aspect 100% fictionnel d’être d’une violence et d’une cruauté assez rare dans le milieu hollywoodien. Le final réserve une surprise assez culottée, et on peut au passage saluer l’aspect brut de décoffrage de l’ensemble, qui ne perd pas son temps pour faire comprendre que tout est sacrifiable dans cette histoire portée par des entités prêtes à tout pour arriver à leurs fins.

Une approche similaire à celle de Peter Berg, qui fonce tête baissée vers son objectif, sans se soucier une seconde de tous ceux qui risquent de rester sur le carreau.

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